Retour en arrière. C’est le 11 août que la polémique éclate, à l’initiative de l’équipe municipale qui publie un communiqué sur son site officiel. Elle y dénonce les agissements d’un « petit groupe du quartier » qui refuserait que soit diffusé sur son territoire un film qui « prône l’homosexualité » et porte « atteinte à l’intégrité de la femme ». Des « arguments fallacieux, traduisant l’obscurantisme et le fondamentalisme », condamne le maire, Olivier Sarrabeyrouse, qui, s’il se garde bien de nommer l’obscurantisme en question, affiche une certaine fermeté.
BV est alors un des premiers médias à se saisir de l’affaire. Au bout de 48 heures, l’ensemble de la presse a repris l’info, édulcorant au passage la portée d’une telle censure.
Le « ni-ni »
Face à l’ampleur de la polémique, Olivier Sarrabeyrouse se rend sur le plateau de BFM TV, jeudi 14 août. L’objectif est d’éteindre le feu qui couve. Face caméra, l’édile se défend de toute soumission, déclarant avoir pris la décision qui s’imposait. « Je n’ai pas cédé, assure-t-il. J’ai pris une décision responsable pour la sécurité des familles, des enfants et des agents. » Pour preuve de son courage, le communiste ajoute que le film Barbie sera bel et bien projeté en public, comme prévu… mais pas au lieu prévu. « Si ce n’est pas dans la cité du Londeau, ce sera ailleurs… », indique-t-il, tentant vainement de faire bonne figure.
Plus tard, dans la journée, paraît une interview du même Olivier Sarrabeyrouse, accordée à L’Humanité. La rhétorique utilisée n’est déjà plus la même. S’adressant au peuple de gauche, l’élu change de ton et opte pour la stratégie plus prudente du « ni-ni », renvoyant dos à dos islamistes et « extrême droite ». « J’ai dû prendre une décision d’urgence responsable. Mais je ne cède pas, ni au fondamentalisme ni à l’extrême droite », déclare-t-il.
Que vient faire « l’extrême droite », dans cette affaire de police des mœurs chariatique ? Selon l’élu, l’infâme engeance aurait profité de cette affaire anodine pour stigmatiser une nouvelle fois les malheureux musulmans. « Je suis autant outré par l’intervention des auteurs pour empêcher la diffusion que scandalisé par la récupération raciste, xénophobe et islamophobe de l’extrême droite », affirme-t-il. Un partout, la balle au centre.
Très précautionneux quand il s’agit de désigner les censeurs anti-Barbie, M. Sarrabeyrouse n’a pas hésité, en revanche, à pointer du doigt des militants de droite qui n’avaient pourtant rien à voir avec l’affaire en question. « La Manif pour tous s’est largement exprimée en matière d’homophobie et de patriarcat », a-t-il ainsi fait valoir, dans une contorsion argumentative visant à faire croire que « l’obscurantisme » était équitablement réparti dans la population française. Une opinion bien audacieuse, au vu de certains sondages.
L’inversion accusatoire
Jeudi soir, Olivier Sarrabeyrouse a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il est allé encore plus loin dans sa mise en cause de « l’extrême droite ». S’il se disait, quelques heures plus tôt, « autant outré » par les uns que par les autres, l’édile a finalement décidé d’abandonner sa posture centriste. « Si je condamne avec toujours autant de fermeté les actes que j'ai qualifiés d'obscurantisme, de fondamentalisme, je condamne avec encore plus de fermeté la récupération politicienne, la spéculation de la haine raciste, islamophobe qui se déverse depuis 24 heures par la droite et l'extrême droite », affirme-t-il. À l’écouter, c’est donc « l’extrême droite » qui représente la plus grande menace.
Le maire aurait-il été rattrapé par sa base militante ? Sa dénonciation des jeunes de « quartier » lui aurait-elle valu des accusations de racisme en interne ? Aurait-il eu peur de payer cette polémique lors des prochaines élections municipales ? On peut le suspecter. « L'obscurantisme, terme que j'ai employé dans mon communiqué, n'est pas l'apanage de l'islam », jurait-il encore, jeudi soir, à deux doigts de présenter ses excuses. Une tentative d’amadouement visible, aussi, lorsque le communiste fait allusion au « génocide » gazaoui, au cours d’une conférence de presse dont le sujet est sans lien aucun avec le conflit israélo-palestinien : « Je regrette que vous, les journalistes, vous puissiez encore polémiquer sur notre sujet local, alors même qu'il y a quelques jours, plusieurs de vos confrères ont été lâchement assassinés par une armée israélienne qui revendique en toute impunité cette action. »
Ce clin d’œil permettra-t-il à l’élu de se rabibocher avec son électorat des quartiers ? Réponse en 2026.