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Algérie 1958 : un "printemps" pourri

Fin 1957 le FLN et la Tunisie laissent filtrer un renseignement selon lequel, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1958, une bande rebelle tentera de franchir la frontière tunisienne. Le capitaine commandant le quartier situé près du secteur concerné reçoit l'ordre de sa hiérarchie de monter une embuscade et d'intercepter la bande. Il réunit 43 hommes des 23e RI et 18e Dragons.

Janvier : Les deux pièges du FLN

Le piège fonctionne : ce sont trois katibas (compagnies) fortement armées qui se présentent et, de chasseurs, les soldats français deviennent gibiers. Les rebelles, repoussés avec de lourdes pertes, sont appuyés et couverts dans leur repli par des tirs de mitrailleuse et de mortier qui partent de Tunisie. Quatorze de nos soldats sont massacrés, éventrés, émasculés avant l'arrivée de renforts, quatre sont faits prisonniers et emmenés en Tunisie.

L'aviation tente de localiser le reste de la bande et de découvrir le lieu de détention des prisonniers. Le 13 janvier la DCA tunisienne abat un de nos avions, son équipage est recueilli par une de nos patrouilles. L'état-major d'Alger obtient du gouvernement l'autorisation de détruire la base ennemie de Sakiet-Sidi-Youcef. Le 8 février, les appareils français, tombant dans le second piège tendu par le FLN et Bourguiba, détruisent le camp dans lequel, selon le président tunisien, et c'est fort probable, ne restaient que des femmes, des enfants et des rebelles blessés, opportunément substitués aux combattants FLN qui savaient que les atrocités, perpétrées le 11 janvier la capture de quatre de nos soldats, les tirs contre nos avions et la destruction de l'un d'entre eux ne manqueraient pas d'attirer une solide riposte. L'exploitation des victimes du raid a pour effet de mettre la France en accusation, nos "amis" anglo-saxons offrent leurs bons offices pour la recherche de la paix en Algérie. L'intervention de nos "alliés" suscite la colère ; tant à Paris qu'à Alger.

Les complots de mai

Le 26 avril, un cortège regroupant des associations d'anciens combattants et des mouvements nationaux défile dans le calme et la dignité à Alger La déception est grande pour le FLN et Bourguiba, et sans doute pour les comploteurs de Paris, qui souhaitent qu'une manifestation, violente de préférence, se déclenche à Alger. Il faut donc accélérer et dramatiser le complot pour que l'opinion ne se contente plus de grogner mais qu'elle passe à l'action. Le 30 avril, trois des quatre prisonniers français, "jugés" dans l'urgence par un tribunal militaire FLN sont fusillés, le quatrième est acquitté pour donner l'illusion d'un jugement objectif de ces « criminels de guerre ».

C'était la réponse au calme de la manifestation du 26 avril à Alger : il fallait enrager l'opinion publique algéroise. Le 9 mai, le FLN publie l'annonce de l'exécution de René Decoutreix et de Robert Richomme du 23e RI, de Jacques Feuillebois du 18e Dragons. À la demande du général Salan, une manifestation en hommage aux fusillés est prévue le 13 mai en fin d'après-midi. Selon d'autres sources, c'est le 25 avril que le FLN avait annoncé l'exécution de trois soldats français sur les quatre détenus depuis janvier. Quoi qu'il en soit, Alger se jette dans la rue et crie vengeance. Le piège s'est refermé.

Le 13 mai, les locaux du Gouvernement Général d'Alger sont pris d'assaut et envahis par des émeutiers.

Il faut maintenant exploiter ce chambardement, tenter de remettre de l'ordre et désigner celui qui ramassera la mise. Le général Massu qui, le premier du haut du balcon du Gouvernement Général, fera référence à De Gaulle en ces termes : « Nous supplions le général De Gaulle de faire entendre sa voix », était-il au courant de ce qui se tramait à Colombey ? Le lendemain, le général en chef Raoul Salan, manipulé par Léon Delbecque, militant gaulliste lillois envoyé à Alger par Chaban-Delmas qui le lui souffle, ajoutera « Vive De Gaulle » après avoir crié « Vive l'Algérie française ». La mort programmée de notre province d'outre-Méditerranée est désormais scellée.

Les trahisons de de Gaulle

La IVe République est, entre autres, incapable de résoudre le problème algérien. Plus d'un rêve de jeter bas cette République impuissante et de garantir l'Algérie française. Deux personnalités, gaullistes toutes les deux, sortent du lot. L'un, le sénateur Michel Debré, écrit dans son Courrier de la colère du 2 décembre 1957 « L'insurrection pour l'Algérie française est l'insurrection légale. » L'autre, Jacques Soustelle, ancien gouverneur général, a quitté Alger deux ans plus tôt sous les fleurs et les regrets. Si l'un et l'autre entendent bien ruiner la IVe République et agir pour l'Algérie française, ils ont un objectif, ramener De Gaulle au pouvoir alors que ce dernier est partisan de l'indépendance de l'Algérie. Dès le printemps 1956, il l'a affirmé, il veut délester la France du « boulet algérien ». Et le FLN le sait.

Prêts à tout pour conserver l'Algérie française, les Algériens et l'Armée d'Algérie ont permis l'accession au pouvoir de celui qui ne les épargnera pas. Plusieurs milliers de soldats français seront sacrifiés en pure perte, les musulmans qui ont cru en la France et qui l'avaient démontré avec éclat le 16 mai 1958 en fraternisant par dizaines de milliers lors des manifestations pour l'Algérie française seront trahis, un million de Français d'Algérie seront contraints de fuir le pays qu'ils ont mis en valeur, des dizaines de milliers de supplétifs qui ont servi dans l'Armée seront désarmés, abandonnés puis massacrés par le FLN Nos prisonniers ne seront pas libérés pis encore, des milliers d'hommes et de femmes enlevés par le FLN disparaîtront sans que la moindre démarche ne soit entreprise pour les rechercher et contraindre leurs ravisseurs à les relâcher. Enfin, la répression s'abattra sur les militaires fidèles à la parole donnée, certains seront fusillés après des procès qui ne leur laissaient aucune chance.

Rien ne sera tenté pour conserver le pétrole et le gaz du Sahara que les entreprises françaises avaient prospectés avant de les exploiter et de les transporter jusqu'à la côte.

Cent trente-deux années de présence française s'effondraient dans la honte, et il faut bien le dire, le « lâche soulagement » des Français qui, le 4 avril 1962, devaient voter à 90 % oui aux accords d'Evian. La France aura payé cher, très cher, les onze ans au pouvoir de Charles De Gaulle.

Le "Guide" n'aura pas évité l'installation définitive, « chez eux chez nous », de plusieurs millions d'Algériens, de Tunisiens et de Marocains, pour ne parler que des Maghrébins. En quoi l'abandon de l'Algérie aura-t-il en outre favorisé le développement de l'économie française ? De Gaulle, en bradant l'Algérie, a-t-il évité que se réalise ce qu'il redoutait ? À savoir selon Alain Peyrefitte qui a rapporté ses paroles : « Il est bon qu'il y ait des Français bruns, noirs ou jaunes, car cela montre que la France est une nation ouverte, mais à la condition que ces populations restent en très faible minorité, car le peuple français est de race blanche, de culture gréco-latine et de religion chrétienne, et il doit le rester car, sinon, la France ne serait plus la France. » A-t-il évité, selon l'amiral Philippe De Gaulle qui cite son père que : « Si une communauté n'est pas acceptée, si elle se plaint de racisme, c'est qu'elle est porteuse de désordre. Quand elle ne fournit que du bien, tout le monde lui ouvre les bras. Il ne faut pas qu elle vienne chez nous imposer ses mœurs »? Et si, selon la boutade du général lui-même, Colombey-les-deux-églises devenait en effet Colombey-les-deux-Mosquées ?

Une question mérite d'être posée. Le général De Gaulle n'avait-il pas un immense mépris pour les musulmans qui manifestaient leur attachement et leur fidélité à la France ? En effet, sur les 40 000 militaires, les 150 000 "supplétifs" dont parmi eux, 60 000 harkis, 20 000 mokhaznis, environ 15 000 commandos des groupes mobiles de sécurité et 60 000 hommes participant à l'« autodéfense des villages », qui combattaient volontairement pour la France, les désertions, de novembre 1954 au premier trimestre 1962, s'élevant à moins de 9 000 (source L’Armée d'Afrique 1830-1962, éditions Charles Lavauzelle 1977). À ses yeux, ces hommes n'étaient-ils pas des "collabos" ? Ne faisait-il pas payer à l'Algérie, malgré l'effort exemplaire des Français de souche européenne il est tombé un officier pour 10 ou 12 hommes dans l'armée qui libéra la France, les Musulmans sous les armes ne représentant pas 2 % de la population de cette confession -, sa fidélité au Maréchal Pétain ?

Pierre PERALDI. Écrits de Paris N° 710

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