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Saint Louis, le roi doux et humble de cœur 1/3

La paix dans l’ordre et la justice

Il nous plaît de faire partager notre admiration pour ce souverain rentré tout juste de la croisade en 1254, vaincu mais plus rayonnant que jamais de gloire intérieure et prêt à donner au monde une leçon de paix dans l'ordre et la justice. Ce beau royaume de France qu'il avait si heureusement confié à sa mère Blanche de Castille, tandis qu'il guerroyait et souffrait atrocement sur les terres mêmes où souffrit le Christ, il entendait maintenant l'ériger en un reflet du royaume de Dieu en se consacrant à maintenir la justice entre ses sujets et même avec les hommes des pays voisins. Déjà, de toutes parts, on recourait à lui comme au justicier suprême; les humbles savaient qu'il les comprenait, les puissants n'osaient plus devant lui s'obstiner dans leurs querelles. Tous, fussent-ils évêques ou ducs opulents, étaient invités à rendre à leurs malentendus de justes proportions à l'aune de la miséricorde divine.

Il alla même jusqu'à donner le plus époustouflant exemple de pardon. Rien à voir avec la moderne repentance qui n'est qu'un moyen de renier sa foi ou sa patrie (souvent les deux ensemble), sous prétexte de se ranger derrière de grands principes désincarnés (Droits de l'Homme notamment)

Quatre siècles de guerre franco-anglaise

Un petit retour en arrière est nécessaire pour comprendre l'audace du geste du saint roi. En fait les rois de France et d'Angleterre semblaient voués à se faire à tout jamais la guerre, depuis que le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, s'emparant de l’île d'outre Manche 1066), était devenu presque aussi puissant que le roi de France, dont il était le vassal, fort peu docile, pour la Normandie. Pour tout compliquer, Henri Plantagenét, dernier héritier des comtes d'Anjou et du Maine et du duché de Normandie, épousa, en 1152, la trop belle Aliénor d'Aquitaine, à peine le mariage de celle-ci déclaré nul avec Louis VII le Jeune 1137-1180), roi de France. Elle était donc allée porter dans les larges bras du Plantagenét tout son héritage aquitain (Poitou, Auvergne, Limousin, Périgord, Bordelais, Gascogne) Mais pire : ce prince insatiable, héritant des prétentions de son père Geoffroy, parvint à se faire désigner comme successeur par le vieux roi d'Angleterre, Etienne de Blois. Celui-ci mourut peu après et, le jour de Noël 1154, Henri Plantagenét, âgé de vingt et un an, allait se faire sacrer roi d'Angleterre à Westminster, sous le nom de Henri II. Et voilà la moitié de la France devenue anglaise !

Situation alors épouvantable pour Louis VII, roi de France, lequel ne semblait au temporel guère capable de faire le poids face à Henri, prince athlétique et sans scrupule. Louis commença par s'appuyer sur le droit féodal Aliénor : en tant que duchesse d'Aquitaine, et Henri II, en tant que duc de Normandie, étaient vassaux du roi de France. Ils auraient donc dû demander à celui-ci la permission de se marier Louis VII était en droit de proclamer la confiscation de leurs biens et de soutenir activement les petits seigneurs normands, angevins et aquitains qui refuseraient d'obéir au Plantagenét ! À un moment Louis fit même cause commune avec Geoffroy, un frère d'Henri II qui se rebellait pour réclamer un fief. Puis, quand Henri II prétendit reprendre à son compte les prétentions des ducs d'Aquitaine sur le comté de Toulouse, Louis se rendit en personne dans cette ville auprès de Raymond V qui venait d'épouser sa sœur Constance de France. Henri II renonça à entrer de force dans une ville où séjournait le roi de France; il avait compris qu'il ne pouvait pas tout se permettre…

À la cour de France, du pain, du vin, de la gaieté !

Ce fut certainement à ce moment-là que Louis VII rencontrant par hasard l'Anglais Walter Map, de passage à Paris, lui dit : « À votre prince il ne manque de rien : chevaux de prix, or et argent, étoffes de soie, pierres précieuses, il a tout en abondance. À la Cour de France nous n'avons que du pain, du vin et de la gaieté ». Une simplicité et une bonne humeur qui annonçaient déjà son arrière-petit-fils saint Louis (Louis IX)…

Louis VII crut alors le moment venu de profiter des difficultés que rencontrait le roi anglais. Les populations d'outre-Manche, ne voyant plus en celui-ci qu'un despote, se plaignaient d'être surchargées d'impôts, tandis que les fils du roi, en grandissant, obéiraient de moins en moins à leur père qui promettait de partager son royaume en dépit du bon sens.

Vers 1158, intervint un essai de pacification. Henri II s'était réconcilié avec son frère Geoffroy en lui cédant le comté de Nantes. Mais Geoffroy mourut presque aussitôt dans un tournoi, ce qui eut pour effet d'agrandir encore le royaume anglo-angevin de la Bretagne !

Pendant ce temps Louis VII qui priait souvent pour Aliénor, son ancienne épouse - car il savait qu'elle n'était pas heureuse avec cette brute épaisse de Plantagenêt qui la trompait à tour de bras - avait dû se résigner à se remarier en 1154 avec Constance de Castille qui ne lui avait donné qu'une fille, Marguerite, née en 1158. Henri II et Aliénor lancèrent alors l'idée de fiancer leur fils, Henri (celui qui allait devenir Henri Court-Mantel), âgé de trois ans, avec la petite Marguerite qui venait de naître et qui apporterait en dot le Vexin et la forteresse de Gisors.

Puis à la mort de Constance de Castille, Louis VII se maria pour la troisième fois, cette fois-ci avec Adèle de Champagne, nièce d'Etienne de Blois qui avait été roi d'Angleterre… Henri II, très mécontent de cette alliance, en profita pour faire tout de suite célébrer le mariage promis des petits Henri (cinq ans) et Marguerite (deux ans), et annexa à l'Angleterre ainsi le Vexin et Gisors.

Thomas Becket

Or au même instant, Henri II voulut imposer à l'Angleterre des Constitutions qui soumettaient toute la vie ecclésiastique au contrôle du pouvoir politique. L'archevêque de Cantorbery, Thomas Beckett, se rebiffa et dut venir se réfugier en France où Louis VII l'accueillit avec les plus grands honneurs, au moment où le pape Alexandre III, opposé à l'anti-pape Victor IV, se retrouvait sans domicile fixe et ne pouvait guère défendre un fugitif. Ce fut Louis VII et son ami Maurice de Sully, lequel était en train de commencer de bâtir Notre-Dame de Paris, qui aidèrent seuls Thomas dans le besoin. Celui-ci, prêt au martyre pour défendre l'intégrité de la foi, retourna en Angleterre. Et ce fut alors le tragique « meurtre dans la cathédrale » du 29 décembre 1170 à Cantorbery où Thomas tomba près de l'autel sous les coups d'épée de quatre chevaliers amis d'Henri II...

Les choses tournaient plutôt mal pour Henri II, qui possédait toujours l'équivalent de quarante-sept de nos départements ses fils devenus grands, Henri Court-Mantel, gendre de Louis VII, et Richard Cœur de Lion, se rebellaient et même, un jour, Aliénor échappée en habit d'homme d'une prison où l'avait jetée son second mari, tenta de se mettre sous la protection de son premier ! On le voit : Louis VII, même s'il n'était pas parvenu à en finir par les armes avec Henri II, n'était pas perdant sur toute la ligne.

Naissance de Philippe-Auguste

Il ne baissa nullement les bras. Et sa persévérance fut récompensée puisque, le 21 août 1165, Adèle de Champagne lui donna, enfin !, un fils, Philippe, qu'il attendait depuis vingt-huit ans ! Tous les espoirs étaient permis et Louis pouvait préparer son âme à Dieu. Sûr que Thomas Beckett était un saint, il l'avait prié avec insistance. En 1179, plus ou moins réconcilié avec Henri II, Louis VII retourna sur la tombe de son saint ami le jeune Philippe, son unique héritier, venait d'être victime d'un accident de chasse et sa vie était menacée; on devine avec quelle ferveur Louis se recueillit sur cette tombe bénie ! Atteint de paralysie à son retour, il s'empressa de faire sacrer Philippe, alors âgé de quatorze ans et complètement rétabli. Henri II se fit représenter à la cérémonie du sacre le 1er novembre 1179 par son fils Henri Court-Mantel, manière involontaire de rendre hommage à la puissance morale de la France, d'autant plus que Philippe, roi associé, venait de signer avec Henri II le traité de Gisors, mettant fin - du moins l'espérait-on ! - à la série de guerres continuelles entre les deux royaumes.

À suivre

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