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L'homme qui tenta de sauver le roi

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Le jour du supplice du roi Louis XVI, il se trouva quatre Français pour tenter de l'arracher à ses bourreaux, l'épée à la main. À leur tête était le baron Jean de Batz.

Le 21 janvier 1793, aux environs de dix heures du matin, la voiture qui emmène Louis XVI à l'échafaud dressé sur la place de la Révolution approche de la porte Saint-Denis. L'appareil déployé pour escorter le roi de France dans son dernier voyage est impressionnant : tout au long du parcours, une haie de sectionnaires armés de piques et de fusils borde les deux côtés de la chaussée. Précédant le carrosse vont d'abord des gendarmes montés, que suivent à pied les grenadiers de la garde nationale puis viennent des pièces d'artillerie tirées par des chevaux, enfin les tambours, qui battent… Le brasseur Santerre, devenu par la grâce de la Révolution commandant général de la Garde nationale, chevauche devant la voiture où le roi, qu'accompagne dans cette dernière épreuve ï'abbé Edgéworth de Firmont, Ut dans le bréviaire du prêtre les prières des agonisants.

La voiture passe la porte Saint-Denis, s'engage sur le boulevard Bonne-Nouvelle. Soudain, alors qu'elle arrive à la hauteur des rues de Cléri et de la Lune, un homme jaillit de la haie de piques et se précipite, sabre au clair, en criant « À nous, ceux qui veulent sauver le roi ! » Trois autres le rejoignent, sabre au poing aussi. Deux ou trois autres tentent de forcer la ligne des sectionnaires pour les rejoindre, mais une troupe de soldats arrive. C'est l'échec. Le premier homme repasse la haie de piques et se perd dans la foule, deux de ses courageux compagnons sont rejoints et massacrés, tandis que le quatrième comparse parvient à s'échapper - il s'appelle Devaux et sera guillotiné le 29 prairial an II (17 juin 1794), comme complice de « la Conspiration de Batz ».

Jean de Batz tel est le nom de l'audacieux royaliste qui s'est élancé le premier. Pour sauver Louis XVI, ce tragique 21 janvier, cet ancien député de la noblesse gasconne aux états généraux, puis à la Constituante, avait prévu de recruter environ 500 royalistes, qui se jetteraient sur le carrosse et délivreraient le roi captif. Ce dernier, sitôt arraché à ses bourreaux, trouverait un abri dans un appartement loué par l'un des conjurés au 95 rue de Cléri, à une vingtaine de mètres du lieu de l'assaut. À défaut, Louis XVI serait conduit jusqu'à la rue Sainte-Barbe où logeait avec sa famille Devaux, secrétaire de Batz, puis emmené, déguisé, dans la propriété d'un autre complice du baron, près de Brie-Comte-Robert, et de là gagnerait un port pour passer en Angleterre.

Que s'était-il donc passé et pourquoi les conjurés ne s'étaient-ils pas portés plus nombreux au secours du roi ? Une note rédigée par Gabriel Senar, secrétaire-rédacteur au Comité de sûreté générale (et corrompu par le baron) expose les raisons de l'échec.

« Chacun se serait cru ou arrêté ou tué par son voisin »

Selon Senar, à la suite de « fuites », « les comités Jurent informés que Paris ne voulait pas la mort du roi, qu'il se préparait des mouvements, que la jeunesse était soulevée, qu’on parlait d'une réunion à la porte Saint-Dénis et au-dessus. » Pour pallier tout risque d'enlèvement, « on donna des ordres pour que tous les jeunes gens se rendissent, suivant les quartiers, à tel lieu, à telle église, à peine d'être réputés conspirateurs et les pères déclarés responsables de leurs enfants, et il y aurait contrôle et liste des présents et des non-présents au poste indiqué. »

Parallèlement, les « patriotes » les plus sûrs des sections furent mobilisés et armés pour former - comme on l'a vu - une double haie le long du trajet que devait parcourir le carrosse, solidement escorté. Des troupes de réserve furent en outre placées à distance, prêtes à accourir en cas d'incident. Senar ajoute « Ce qui empêcha le soulèvement vint de ce qu’on avait fait circuler que les espions des Comités étaient dans tous les rangs, que d'énormes récompenses étaient promises aux dénonciateurs, et peine de mort contre qui remuerait; au premier pas, chacun se serait cru ou arrêté ou tué par son voisin personne ne remua, »

Cette défaite ne découragea pourtant pas Jean de Batz de conspirer. Au cours des années suivantes, le baron organisa deux tentatives d'évasion de Marie-Antoinette, l'une du Temple - qui échoua in extremis à la suite d'une dénonciation, l'autre de la Conciergerie : c'est le « complot de l'œillet », dont la cheville ouvrière fut cet Alexandre Dominique Rougeville, dont Alexandre Dumas fera le Chevalier de Maison-Rouge. Il semble que Batz fut, une fois encore, le cerveau de cette affaire, qui elle aussi manqua réussir, de très peu.

Si le baron échoua à sauver le roi et la reine, il eut plus de chance dans la guerre qu'il déclara à la Convention nationale. Ayant des complicités partout, qu'il achetait au besoin, dans la police, dans les clubs, à la Commune (comme Hébert, le trop fameux « Père Duchesne »), au sein de la Convention nationale et même des Comités, il parvint, par la corruption, à allumer la guerre entre les différentes factions républicaines, provoquant des épurations successives.

On le trouve mêlé à la chute des girondins, à la condamnation de Delaunay, Chabot, Basire, Fabre d'Eglantine, guillotinés avec les dantonistes. Robespierre le dénonce à la Convention, sa tête est mise à prix, toutes les polices le recherchent : il leur échappe, mais ne peut éviter que nombre de ses amis n'y laissent leur tête, comme ce 29 prairial an II où 57 complices effectifs ou prétendus du baron sont exécutés, vêtus de chemises (ou plutôt de capes) rouges. Après le 9 thermidor, on retrouve encore Batz mêlé de près à l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV, réprimée par Bonaparte.

Ayant échappé à ses innombrables ennemis, l'homme qui tenta de sauver le roi verra finalement la Restauration, sera décoré de la croix de Saint-Louis et mourra en 1822, au milieu des tracas financiers et judiciaires.

Pour en savoir plus : Gosselin Lenotre, Le Baron de Batz, Librairie académique Perrin, 1930.

Marina Grey, Le baron de Batz, le d'Artagnan de la Révolution, Perrin, 1991

Hervé Bizien monde & vie. 5 février 2013  n°871

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