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Charette, roi de la Vendée

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Sous le titre Le roman de Charette, Philippe de Villiers vient de consacrer une remarquable biographie, écrite à la première personne du singulier, au grand général vendéen.

Quel roman, en effet, que cette vie ! François Athanase de Charette de la Contrie est né à Couffé, en Maine-et-Loire, le 21 avril 1763. Après des études chez les Oratoriens, le futur chef vendéen, cadet d'une famille d'officiers « pauvre et glorieuse », entre dans la Marine royale et prend part en 1782 à la guerre d'indépendance américaine.

En 1789, il est à Toulon, où la Révolution tourne les têtes. Rejoignant Brest, il y trouve le même désordre, s'enfuit de la ville, parvient à Nantes gagnée aussi par l'effervescence. Il démissionne de la Marine en 1790 et, marié depuis peu, cherche refuge sur le domaine de sa nouvelle épouse, La Fonteclause, « entre le bocage et les marais bretons ».

Mais la Révolution l'y rattrape. Les bons prêtres, traqués par les nouvelles autorités, sont remplacés par des « intrus », la colère des paysans gronde, les premiers morts tombent. Les nobles, eux, émigrent à Coblence, Charette découvre, écrit Villiers, « un monde de chevaliers fantômes, hors du temps, qui tuent le temps ». Déçu par cette « armée de cour », l'ancien officier repasse la frontière et arrive à Paris à temps pour participer à la défense des Tuileries, le 10 août 1792. Tandis que la famille royale se réfugie à l'Assemblée et que les émeutiers assassinent jusqu'aux marmitons du château, il s'échappe en brandissant la jambe coupée d'un garde suisse. Rentré à La Fonteclause, les mauvaises nouvelles se succèdent massacres de septembre, mort du roi, tandis que la chasse aux prêtres insermentés redouble. La décision de lever 300 000 hommes pour la guerre met le feu aux poudres les paysans se révoltent et demandent aux nobles de se mettre à leur tête. Charette tente de se défausser, se cache même sous son lit, mais finit par céder : il sera leur chef. Après les premières batailles, livrées à Pornic, Challans, Saint-Gervais, Machecoul, il développe une stratégie plus proche de celle des chouans que de celle de la Grande armée catholique et royale : il veut « gagner la guerre sans livrer bataille », écrit Philippe de Villiers, attirer l'ennemi dans les chemins creux, faire le coup de feu et s'égailler.

Il installe son quartier général à Legé, où l'on danse et où les jolies femmes ne manquent pas, beaucoup d'entre elles étant aussi des guerrières. La place des femmes n'est pas mince dans l'histoire de la Vendée, encore moins dans celle de Charette.

Sur l'invitation de Lescure, le chef maraîchin s'associe avec les Angevins de la Grande Armée pour attaquer Nantes. Mais le généralissime royaliste, Jacques Cathelineau, est mortellement blessé dans l'assaut de la ville et les Vendéens se débandent. Un autre rendez-vous est pris, devant Luçon, où de nouveau l'affaire tourne en déroute. Héroïque, Charrette affronte trois hussards, en tue deux, se retire en emportant en croupe l'un de ses hommes blessé.

Un programme d'extermination

À Paris, cependant, la révolte vendéenne exaspère la Convention nationale et le Comité de salut public, qui décident de brûler le pays rebelle. À cette fin, on envoie sous le commandement de Kleber des soldats aguerris, qui, assiégés dans Mayence, y ont tenu tête aux Prussiens quatre mois durant, à un contre cinq. Face au danger, les Vendéens regroupent leurs forces pour affronter ces « Mayençais » devant Torfou. Les paysans lâchent d'abord pied, mais leurs femmes les ramènent à la bataille et le début de défaite se transforme en victoire. Après Torfou, Charette reprend aux bleus Montaigu, puis marche sur Saint-Fulgent avant de regagner Léger à travers un pays dévasté par les troupes républicaines.

Le général royaliste s'empare encore de Noirmoutier, tandis que la Grande Armée catholique et royale, défaite à Cholet, passe la Loire et entame sa longue marche héroïque et tragique, la virée de Galerne.

Restés en Vendée mais isolés, les Maraîchins sont traqués par les bleus. « C'est une nouvelle guerre qui commence, une guerre d'esquive, écrit Philippe de Villiers. (…) On vivra, comme les chouettes et les fouines, la nuit. Et le jour, on s'enfoncera, dans les bois, pour se reposer. »

La Convention et les Comités décident cependant de porter contre la Vendée vaincue l'estocade finale, en ordonnant l'extermination de toute sa population. Les « colonnes infernales » brûlent, violent et massacrent tout sur leur passage. Les forces des Vendéens sont désormais si réduites, les chefs survivants si peu nombreux, que l'entente s'impose entre eux : Stofflet, Sapinaud, Marigny et Charette font le serment solennel de ne rien entreprendre sans avoir averti les autres armées, sous peine de mort. Pour avoir rompu ce pacte, Marigny sera fusillé.

Après la chute de Robespierre, la Terreur s'apaise et les républicains approchent le chef royaliste en lui promettant, écrit Philippe de Villiers, de lui remettre les enfants royaux, prisonniers au Temple. La paix est signée à La Jaunaye, mais Louis XVII meurt dans sa geôle. Comprenant qu'il a été joué, le général royaliste repart en guerre. Les Vendéens sont las de se battre, mais l'espoir vient de la mer, le comte d'Artois, frère de Louis XVI, arrive ! 15 000 hommes attendent son débarquement à l’Isle-Dieu, quand un messager s’approche : le prince ne viendra pas. « Monsieur, allez lui dire qu'il m'envoie mon arrêt de mort », répond Charette.

L'avant-dernier acte se déroule le Mercredi saint, dans le bois de la Chabotterie où, blessé et cerné, le général des « brigands » rend son épée à l'adjudant-général Travot; le dernier, deux jours après Pâques, à Nantes, où il est fusillé devant cinq mille soldats bleus. Il obtient de commander lui-même le feu.

L'un des plus beaux hommages qui lui sera rendus émane d'un connaisseur. « Charette, a dit Napoléon à Sainte-Hélène, me laisse l'impression d'un grand caractère; je lui vois faire des choses d'une énergie, d'une audace peu communes; il laisse percer du génie. »

Philippe de Villiers, Le Roman de Charette, Albin Michel, 22 €.

Hervé Bizien monde&vie 2 juillet 2013 n°878

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