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L'identité française et l'alliance avec la Sagesse éternelle (texte de 2014)

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La France, ce grand arbre dont les racines ont été méthodiquement coupées.

Qu'est-ce que l'identité française ? La fracture révolutionnaire, puis les déracinements majeurs qui se sont succédé au cours du XXe siècle, rendent incertaine la réponse à cette question. À moins que Jean Paul II ne l'ait donnée...

Le 1er juin 1980, au Bourget, le pape Jean-Paul II s'adressait à une foule attentive et par-delà cette foule, à tous les Français. En concluant son homélie, il posa une question inattendue, qui toucha les consciences parce qu'elle ne s'adressait pas seulement aux Français actuels, mais à « l'âme » collective de la nation, issue de son histoire : « France, Fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettez-moi de vous demander France, Fille de l'Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l'homme, à l'alliance avec la sagesse éternelle ? »

À l'époque, la question du pape polonais surprit et dérangea la France n'était plus habituée à ce qu'on lui parle comme à une personne, et elle était bien incapable de répondre à la question que le Saint-Père lui posait, faute de se rappeler exactement qui elle était. La Pologne a été maintes fois envahie, occupée, mais son esprit n'a jamais été déchiré comme l'est depuis deux cents ans celui de la France par les conséquences jamais effacées de la Révolution et par la guerre civile permanente qui se poursuit depuis, de manière plus ou moins larvée.

Pendant quelque 1300 ans, l'identité de notre pays n'a pas fait de doute et n'importe quel Français aurait alors parfaitement compris la signification du titre de fille aînée de l’Église. Mais depuis 1789, la France est devenue schizophrène et, à la fois docteur Jekyll et mister Hyde, ne sait plus très bien laquelle de ses deux personnalités contraires fonde son identité réelle. Même si la Pensée unique, qui domine dans les médias et les milieux politiques, lui répète à l'envi qu'elle est née en 89 et que la laïcité est la première de ses vertus, le peuple français n'a pas complètement oublié que les cathédrales et les églises qui dressent partout leurs flèches vers le ciel abritent la plus belle part de son âme.

Il ne suffit pas de citer Marc Bloch : (« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims : ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ») pour guérir notre pays de cette schizophrénie, qui conduit Jean de Viguerie à opposer les « deux patries » françaises. Tout ce qu'a dit Marc Bloch n'est pas parole d’Évangile. Le sacre de Clovis ouvre l'histoire de France; la fête de la Fédération échoue à terminer la Révolution, en rassemblant, autour du roi et d'un autel desservi par un évêque athée, des personnages qui s'entre-guillotineront plus tard.

Une succession de déracinements

Le sentiment patriotique a été durablement abîmé par la tourmente révolutionnaire. En cassant les communautés locales, à commencer par les provinces (on en voit encore le résultat avec le projet actuel de redécoupage du territoire national), le jacobinisme a mis en branle une logique qui, à la longue, a desséché le patriotisme en le coupant de la « terre charnelle » chantée par Péguy, et en le réduisant à une idéologie. À cet égard, on n'a d'ailleurs sans doute pas pris toute la mesure des retombées du gigantesque déracinement (un de plus) provoqué au cours des années 1960 par l'exode rural, qui a constitué une véritable révolution sociale.

Parmi les autres « tremblements de terre » intervenus au cours du siècle dernier écoulé, il faut encore citer les deux guerres mondiales la première a privé le pays d'une grande partie de ses jeunes hommes (1,4 million de morts et disparus), la deuxième l'a atteinte moralement, la décolonisation; la révolution des mœurs issue de Mai 68; la déchristianisation; enfin, l'arrivée sur le sol français de millions d'immigrés en l'espace de quarante ans. Faut-il que les fondations soient solides pour qu'il existe encore une nation française et une identité française après de tels bouleversements !

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le seul fait d'avoir osé poser la question de cette identité (d'ailleurs très mal), avait suffi à ulcérer tout ce que la gent médiatique et politique compte de partisans de l'effacement des peuples, et notamment de ce peuple français qui occupe dans l'histoire une place si particulière. Sans doute Jean Paul II avait-il déjà répondu à cette question, trente ans auparavant : « Fille aînée de l’Église, éducatrice des peuples… ». La France ne se retrouvera vraiment que lorsqu'elle se ressouviendra de son alliance avec la Sagesse éternelle.

Hervé Bizien monde&vie 3 décembre 2014 n°900

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