Dans la course folle aux droits des minorités, les États-Unis sont largement en tête en ce moment. Deux concepts étonnants se superposent pour réveiller lesdites minorités persécutées par les dominants, c’est-à-dire les hommes blancs : le woke, pour que ces persécutés se réveillent et soient vigilants, et la cancel culture, pour que le persécuteur identifié soit effacé, c’est-à-dire qu’il ne puisse plus s’exprimer.
De nombreux journalistes et professeurs d’université ont ainsi été licenciés ou ont dû donner leur démission, tant la pression des woke était insupportable. Leur crime nous laisse généralement pantois. Le cas le plus emblématique est celui de Bret Weinstein, professeur de biologie à l’université d’Evergreen. Il a dû démissionner, ne pouvant plus tenir ses cours et lâché par sa direction. Son crime ? S’être opposé à l’organisation d’un « Jour d’absence », c’est-à-dire un jour où les Blancs de l’université doivent rester chez eux pour qu’il n’y ait que des élèves de couleur.
Ce pauvre Weinstein n’avait pourtant pas le profil du mâle blanc dominant : juif de gauche et démocrate ayant soutenu Bernie Sanders lors des primaires. Mais peu importe, il s’était opposé, il fallait l’effacer. Dans un entretien au Figaro du 18 décembre, il confie son amertume et lance un cri d’alarme : « Les gens ne prennent pas ces mouvements au sérieux. Mais quand ils y sont confrontés, ils n’ont qu’un choix : soit se soumettre, soit être détruits. »
La même mésaventure est arrivée à Bari Weiss, journaliste importante du très libéral New York Times, qu’elle a dû quitter après s’être inquiétée de ce phénomène. Un autre journaliste, Ian Buruma, a dû aussi quitter son journal pour avoir publié la tribune d’un homme accusé à tort d’agression sexuelle.
Le processus est toujours identique : pression maximale des réseaux woke sur le coupable qui finit par partir pour pouvoir retrouver une vie normale, et sur sa direction qui l’abandonne pour ne pas devoir partir elle aussi.
Tout cela a des sources anciennes mais a connu une très forte accélération en 2013 avec le mouvement Black Lives Matter et sous la présidence d’Obama avec la création, dans toutes les universités américaines, de bureaux de lutte contre le harcèlement sexuel, prétexte à une chasse aux sorcières permanente. Joe Biden joua un rôle actif dans ce processus.
Le mouvement s’étend au Canada où l’excellent Mathieu Bock-Côté nous apprend que les Québécois francophones sont accusés de racisme par les woke anglophones car ils occupent un territoire « non cédé ». Et en Angleterre, où la romancière Rowling (Harry Potter) est accusée de « transphobie » pour avoir écrit que la différence des sexes était une réalité biologique. Où donc va-t-elle chercher ça, en effet ?
Eugénie Bastié et Laure Mandeville ont publié une remarquable enquête sur le sujet (Le Figaro du 21 décembre) et il est à craindre que nous ayons à en reparler.
La France est, pour l’instant, moins touchée que le monde anglo-saxon, mais les premières vagues arrivent : statues d’hommes célèbres vandalisées, dénonciations incessantes de CNews, conférenciers interdits (Sylviane Agacinski à l’université de Bordeaux Montaigne pour cause d’hostilité à la PMA), la liste va nécessairement s’allonger.
Sam Abrams, professeur à New York ciblé par les woke, a déclaré au Figaro : « Ça fait tellement de bien de savoir que chez vous [en France] les parents peuvent encore dire à leurs enfants qu’ils sont un petit garçon ou une petite fille. Chez nous, on dirait : comment osez-vous assigner un genre ? »
Le combat sera rude.