Le 5 juillet 1962, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, 700 Européens étaient massacrés à Oran.
Des millions de Français ont été abandonnés et l’on a su faire ratifier leur abandon par d’autres millions de Français. Notre armée s’est reniée. Après avoir promis le maintien du drapeau national en Algérie, elle a, passivement, assisté au lever d’un autre pavillon sur une terre qui était nôtre. » C’est André Zeller qui trace ces lignes, entre le 3 et le 20 juillet 1962, alors qu’il est prisonnier à Tulle (1).
Amertume d’un des quatre généraux du putsch d’Alger, condamné à quinze ans de détention criminelle et brisé, écrit l’historien Serge Berstein dans sa préface, « par une raison d’Etat qu’il n’a pas acceptée » ? Sans doute, mais restent les faits : le 3 juillet 1962, jour de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, commençaient des drames qui, aujourd’hui encore, restent un point aveugle de l’Histoire : le massacre des harkis et le massacre d’Européens d’Algérie.
Si la tragédie des harkis a connu un début de reconnaissance, tant de la part de l’Etat que de la communauté des historiens, les assassinats et disparitions de civils dans l’Algérie de 1962 se heurtent toujours à un silence officiel qui est à l’aune de l’opprobre pesant rétrospectivement sur les pieds-noirs, considérés comme d’affreux colonialistes.
Pourtant, en dépit du politiquement correct, la vérité perce çà et là. Cinquante ans après les faits, des chercheurs qui échappent aux passions de l’époque ou aux traumatismes des victimes rouvrent ces dossiers. Ce sont parfois des historiens algériens de la jeune génération, comme le signale Guy Pervillé, professeur émérite à l’université de Toulouse-Le Mirail et spécialiste de l’Algérie coloniale et de la guerre d’Algérie, dans un livre qu’il consacre au massacre du 5 juillet 1962 à Oran (2). Ce jour-là, 700 habitants européens de la ville ont été assassinés ou ont disparu sans laisser de traces, sans que l’armée française vienne à leur secours. Pourquoi ce massacre ? Qui l’a organisé ? Pervillé refait l’enquête et conclut à une responsabilité partagée entre Français et Algériens. Cette étude non manichéenne représente une magistrale leçon sur la complexité de l’Histoire.
Jean Sévillia
(1) Journal d’un prisonnier, du général André Zeller, Tallandier, 606 p., 25,50 €.
(2) Oran, 5 juillet 1962. Leçon d’histoire sur un massacre, de Guy Pervillé, Vendémiaire, 318 p., 20 €.
https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/un-massacre-occulte/