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Non, ce n'est pas la vie qui est sacrée ! Une autre vision au Covid

Olivier Rey est à la fois mathématicien, essayiste et romancier. Il vient de publier L’idolâtrie de la vie, un petit ouvrage a contre-courant sur la signification spirituelle de la crise du Covid 19. Publiée dans la collection Tracts chez Gallimard, cette longue dissertation est a la portée de toutes les bourses. On serait inexcusable de ne pas y jeter un œil !

» Par Guillaume de Tanoüarn

Il faut nous méfier de nous-mêmes nous chrétiens, lorsque nous disons que nous défendons la vie et que la vie est sacrée.

Cette proposition tend à devenir pour tout le monde une évidence. Il faut pourtant y regarder à deux fois avant de l’accepter comme nous l’apprend la crise du Covid. Certes notre vie est un don de Dieu.

Mais la vie « nue », la vie prise en elle-même ne vaut rien. Dieu nous l’a donnée pour que nous la mettions en valeur comme il appert de la parabole des talents : celui qui, ému de la valeur du talent qu’il a reçu, s’en va l’enfouir sous terre, de manière à pouvoir le rendre intact au maitre à son retour celui-la n’entrera pas dans le Royaume, il est condamné. Seuls ceux qui ont mis en valeurs leurs talents, qui de deux talents en ont fait quatre et de cinq talents en ont fait dix, reçoivent du maitre la récompense promise. Ainsi l’Évangile nous explique clairement que notre vie ne vaut pas en elle-même, mais par tout ce qu’elle nous permet d’accomplir Olivier Rey ne cite pas cette parabole, mais il insiste dans le même sens sur le caractère nocif de ce qu’il nomme « l’idolâtrie de la vie » : le péché de ceux qui veulent garder la vie... À tout prix !

C'est cette idolâtrie de la vie qui va pousser l’État à se considérer comme responsable de votre vie. « Je vous protège ! » s’écrie Emmanuel Macron d'un discours à l’autre. Michel Foucault parlait a ce sujet de « biopolitique » et il y voyait, à juste titre la grande Révolution qui saisit le monde d’égos dans lequel nous croupissons : la politique traditionnellement consistait à réaliser la grandeur d’un pays. Aujourd’hui, selon le fameux slogan socialiste au début des années quatre-vingt, la politique consiste à « changer la vie ». L’État met son nez dans nos existences parce qu’il s’est fait le garant de notre réussite. « Jadis la mort était le terme nécessaire de la vie terrestre, que la médecine pouvait dans certains cas retarder. Aujourd’hui la mort est un échec du système de santé (…) La Puissance publique sera automatiquement tenue responsable des morts qu’elle n’aura pas su éviter ». Si la puissance publique est tenue pour responsable, il faut - principe de précaution oblige - qu’elle ait le moins possible de morts. L’État pour parvenir à ce résultat, n’a plus qu’à se transformer en nounou et tout subordonner la politique, l'économie ou le social, à la vie des citoyens. C’est ce que nous voyons, et nous allons certainement le payer au prix fort.

Cette idolâtrie de la vie entraine ou implique un refus de la mort. Jadis la vie et la mort étaient comme l’avers et le revers d’une même médaille. Aujourd’hui, comme le disait déjà cet extraordinaire historien que fut Philippe Ariès, la mort est interdite. On n’a même pas le droit d’en parler. Olivier Rey utilise quant à lui, non pas L’histoire de la mort de Philippe Ariès, mais la longue nouvelle de Tolstoi intitulée La mort d’Yvan Illitch (1886). Il cite le héros éponyme, disant : « Il ne se peut pas que je doive mourir, ce serait trop affreux ». C'est au fond, aujourd’hui, la réaction universelle de l’Occidental moyen, qu’on doit empêcher de mourir « à tout prix ».

Comment le christianisme peut-il su vivre à cette idolâtrie de la vie, qui lui est tellement contraire ? Comment une société peut-elle vivre dans cette idolâtrie contre nature. Les philosophes, de Platon à Hegel, sont unanimes pour dire qu’une vie réussie, c’est une vie dans laquelle on a trouvé quelque chose de plus grand que la vie pour justifier la vie et lui donner un sens. Ce quelque chose, qui est plus grand que la vie, on lui donne un nom cela s’appelle le sacré. Le drame de l’homme occidental aujourd’hui, c’est qu’idolâtrant sa propre vie, il ne trouve de sacré qu’en lui-même. Il devient lui-même celui auquel on doit tout sacrifier il est qui trouve en lui-même son sens, explique Luc Ferry pour s’en féliciter. J’en ai qu’une seule certitude, c’est qu’il va le payer cher !

Olivier Rey L’idôlatrie de la vie Tracts Gallimard. 3.90 €

Monde&Vie 3 décembre 2020 n°993

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