Entre Robert Ménard et Marine Le Pen, le torchon ne brûlait pas vraiment ; mais il y avait du mou dans la corde à nœuds. D’un côté, le maire de Béziers ne voyait pas Marine Le Pen gagnante au second tour contre Emmanuel Macron en 2022. De l’autre, la présidente du Rassemblement national s’agaçait de certaines des déclarations, parfois prononcées à l’emporte-pièce, de cet édile plus que turbulent.
Las, les deux viennent de longuement se rencontrer en privé, histoire d’aplanir les différends. À quelques mois des élections régionales et à un peu plus d’un an de la présidentielle, il était temps.
Pour 2022, Robert Ménard semble avoir longtemps cru à une candidature issue de cette droite donnée pour être « hors des murs ». Il semble en avoir rabattu sur la question : hormis Marine Le Pen, il n’y a pas de plan B élyséen. De son côté, cette dernière paraît lâcher du lest quant à la composition des listes aux régionales en Occitanie. Ménard envisageait de mener la sienne, mais les sondages la donnant à peu près à égalité avec celle du RN (aux environs de 15 %), pourquoi ne pas unir les forces en présence, quitte à rompre avec le traditionnel jacobinisme du mouvement fondé par Jean-Marie Le Pen ?
Au-delà de ces échéances électorales, Robert Ménard persiste à croire à l’union des droites tandis que Marine Le Pen demeure fidèle à un autre clivage, celui opposant gagnants et perdants de la mondialisation, les somewhere et les no where, pour reprendre la terminologie anglo-saxonne.
Le problème est que dans cette affaire, personne n’a ni tout à fait raison ni complètement tort. Dans le cas du maire de Béziers, la sociologie locale pousserait plutôt à cette fameuse alliance des droites, même si ce dernier tempère : « Ces alliances ont plus vocation à se faire au niveau des électeurs qu’à celui des états-majors. » On lui objectera que sa triomphale réélection biterroise fut aussi le fait d’électeurs de gauche, voire même d’électeurs issus de l’immigration. Comme quoi cette même union des droites a également vocation à être dépassée, pour peu que la situation s’y prête.
D’ailleurs, même Marine Le Pen, contrairement à ce qui est trop souvent répété, n’a jamais fermé la porte aux électeurs et même aux élus de droite ; autrement, des Jérôme Rivière, des Jean-Paul Garraud ou des Thierry Mariani ne seraient jamais devenus députés européens sous la bannière du Rassemblement national, ce dernier étant même fortement pressenti pour porter ses couleurs aux élections régionales en PACA. Comme quoi elle est déjà un peu faite, l’union des droites…
Après, il y a la psychologie, facteur dont on ne tient jamais assez compte en politique, surtout en France et principalement dans la droite française, toujours en quête d’un sauveur providentiel. C’est d’abord Jean-Marie Le Pen qui, ayant fini par lasser ses militants, doit passer la main à Marine Le Pen. Là, le même engouement frôlant parfois l’adulation, avant que cette dernière ne déçoive à son tour, laissant les espoirs de ses propres troupes se reporter sur Marion Maréchal, qui a d’ailleurs elle aussi déçu en abandonnant la politique. Brûler ce que l’on a adoré demeure une spécificité bien de chez nous.
Mais attention, un tel phénomène n’épargne pas non plus la gauche. Rappelez-vous François Mitterrand, la machine à faire perdre la gauche. L’avenir du socialisme, c’était Rocard. Puis, le 10 mai 1981. Idem pour Jacques Chirac, autre machine à faire perdre la droite. L’avenir du gaullisme, c’était Michel Noir et Alain Carignon. Ensuite, le 17 mai 1995. Certes, les deux ont ensuite déçu leurs militants. Mais en politique, n’est-ce pas aussi la loi du genre ? Marine Le Pen et Robert Ménard semblent avoir remis un peu de bon sens dans tout cela, mettant le lyrisme de côté pour tenter d’organiser ce qui peut l’être.
Car la politique consiste avant tout à rendre possible ce qui est nécessaire, tout en optant, vaille que vaille, pour le préférable plutôt que le détestable. Mission accomplie ?
Nicolas Gauthier
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