Aline Lizotte dénonce les menaces totalitaires du gouvernement :
[…] La menace est sérieuse, car elle attaque la politique républicaine qui avait été conclue entre l’Église et le ministère de Raymond Poincaré en 1922. Cette entente politique permit à Pie XI de donner un consentement aux associations diocésaines qui remplaçaient les lois cultuelles votées en 1905-1907, sous le ministère d’Aristide Briand.
Dans la loi de 1922, il n’était pas dit que les préfets pouvaient s’immiscer dans la gestion des cultes et faire tous les cinq ans une vérification du gouvernement interne de l’évêque. Il n’était pas dit non plus que la préfecture devait rendre compte à l’État de la gestion financière des Églises et contrôler la provenance de l’«argent» venu de l’extérieur. Les contrôles normaux des sources financières de la loi 1901 appliqués au fonctionnement des associations diocésaines étaient déjà bien suffisants. Quant à la surveillance de l’enseignement, les dispositions législatives opérées par l’OGEC sur les institutions d’enseignement secondaire et, directement, par le Ministère de l’Intérieur, sur les établissements d’enseignement supérieur ne pouvaient faire oublier à l’Église catholique que son action pastorale, ses enseignements et les diverses œuvres de bienfaisance – de charité – restaient toujours pour une part sous le contrôle de l’État.
[…]
Sous prétexte de protéger le «droit privé» des personnes contraintes à se soumettre à des actes qu’une culture différente n’admet pas, actes que les Églises chrétiennes rejettent également (les mariages forcés, les mutilations sexuelles des jeunes filles, l’inégalité de l’héritage, les discours de haine, les discriminations multiformes), le projet législatif généralise les restrictions du droit public pour toute les assemblées cultuelles, même celles qui n’ont rien à voir avec ces faits de sociétés. Par le fait même, l’État trahit la parole et l’écrit auxquels, sous le gouvernement Poincaré, il s’était engagé2 sous la haute protection du Conseil d’État :
«Le gouvernement de la République ne croit pas que la légalité des statuts qui ont été soumis à ce corps (le Conseil d’État) soit discutable et, si jamais elle était contestée, il ferait naturellement connaître son opinion et la soutiendrait dans toute la mesure de ses attributions, en la justifiant par ces documents qu’il considère comme décisifs».
L’État français peut-il ainsi renier une parole donnée publiquement à toute Église et toute communauté cultuelle en spoliant le droit public de la liberté religieuse sous prétexte de faire respecter des droits privés ? Certes, il doit protéger tous les citoyens qui sont sous son gouvernement. Mais quand pour le faire il attaque le droit à la liberté religieuse et tente de faire prévaloir ses enquêtes et son ingérence en des domaines à l’égard desquels il n’a aucune compétence législative, il agit comme un gouvernement tyrannique. Surtout qu’il a d’autres moyens d’agir. Quand les États-Unis ont admis les Mormons comme citoyens américains, ils leur ont interdit la polygamie. Ils n’ont pas pour autant tenté de détruire toute forme d’Église ou d’association cultuelle. Et ils leur ont offert la protection du droit public pour leurs assemblées et les fonctions hiérarchiques de leurs communautés.
Il est vrai, écrit Hannah Arendt3, que «les libertés démocratiques sont fondées sur l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Pourtant, elles n’acquièrent leur sens et leur fonction organique que lorsque les citoyens appartiennent à des groupes qui les représentent, ou forment une hiérarchie sociale et politique».
Ce que ce Gouvernement veut faire disparaître, ce n’est pas que le chrétien prie ou pleure devant son Dieu, mais que la hiérarchie – les évêques, les pasteurs et les ministres – puisse avoir une influence sociale déterminante en tant qu’Église, surtout en tant qu’Église hiérarchique. L’Église – aucune assemblée cultuelle – ne devrait avoir une influence prépondérante sur les projets sociétaux des programmes gouvernementaux, principalement sur tous ceux qui touchent les mœurs, qui promeuvent les libertés des valeurs transcendantes, celles de la foi et de la pensée, qui regardent les grandes traditions qui ont structuré ce pays autant pour la famille que pour l’éducation.
C’est le combat dans lequel nous sommes engagés. Ce n’est pas notre piété religieuse qui est mise en cause, c’est non seulement notre liberté religieuse privée, c’est notre communauté ou notre Église. C’est le droit public d’appartenir à des groupes qui maintiennent la liberté de penser et de vivre autrement que ce que nous proposent ces groupuscules pour qui la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu.
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