Cette pétition provocante orchestrée par Nicole Muchnik, journaliste au Nouvel Observateur et parue le 5 avril 1971 dans ce même hebdomadaire, avec l’appui de 343 femmes ayant déclaré : « Je me suis fait avorter », avait pour objectif d’obtenir la légalisation de l’avortement. Cinquante ans après, retour sur un texte annonciateur des maux actuels.
De nos jours, critiquer le féminisme n’est pas quelque chose de particulièrement glorieux ou courageux : n’est en jeu que la mort sociale de l’individu, à la différence de la mort véritable lorsque l’on se met à traiter d’islam, ou de minorités qui n’en sont plus vraiment. Cependant, l’état des courants idéologiques pourrait laisser penser que le féminisme actuel est une chose nouvelle, qui n’existait pas il y a quelques dizaines d’années, surtout lorsque l’on connait la qualité de certains débats autour de l’avortement qui ont eu lieu dans les années 70. Cela n’ôte rien au dégoût qui peut envahir le lecteurs du manifeste des 343, vieux de cinquante ans. Il est d’ailleurs étrange que peu de personnes reviennent sur ce manifestes, pourtant qualifié de fondateur et adoré par les féministes, tant il est empreint des problématiques de notre société contemporaine.
Si les femmes ayant signé le texte ne sont pas dénuées d’audace, et croient défendre une noble cause, elles le font d’une manière qui met mal à l’aise les personnes pouvant être favorables à l’avortement, votre serviteur le premier : « Un combat enthousiasmant, écrivent-elles, dans la mesure où, si je le gagne, je commence seulement à m’appartenir en propre et non plus à l’Etat, à une famille, à un enfant dont je ne veux pas (…) Aux fascistes de tout poil — qu’ils s’avouent comme tels et nous matraquent ou qu’ils s’appellent catholiques, intégristes, démographes, médecins, experts, juristes, “ hommes responsables ”, Debré, Peyret, Lejeune, Pompidou, Chauchard, le pape — nous disons que nous les avons démasqués. Que nous les appelons les assassins du peuple. Que nous leur interdisons d’employer le terme “ respect de la vie ” qui est une obscénité dans leur bouche ».
L’influence de mai 68 n’est pas difficile à percevoir : les femmes devraient refuser toute forme de souffrance, quitte à en faire des femmes-enfants susceptibles d’exiger tout ce qui leur plairait, et de se débarrasser de tout ce qui ne leur plairait pas en un même instant. On retrouve évidemment l’équivalent du « mon corps mon choix » dont nous sommes aujourd’hui abreuvé dès que quelqu’un trouve quelque chose à redire sur un sujet touchant à une femme, qui élude évidemment le fait qu’il y ait un être vivant distinct dans son corps.
Selon ces féministes, il ne faudrait avoir de comptes à rendre à personne donc, surtout pas à propos d’un autre être vivant, qui est un bien comme un autre :
« 1. Je ferai un enfant si j’en ai envie, nulle pression morale, nulle institution, nul impératif économique ne peut m’y contraindre. Cela est mon pouvoir politique. Comme tout producteur, je peux, en attendant mieux, faire pression sur la société à travers ma production (grève d’enfants).
2. Je ferai un enfant si j’en ai envie et si la société dans laquelle je le fais naître est convenable pour moi, si elle ne fait pas de moi l’esclave de cet enfant, sa nourrice, sa bonne, sa tête de Turc.
3. Je ferai un enfant si j’en ai envie, si la société est convenable pour moi et convenable pour lui, j’en suis responsable, pas de risques de guerres, pas de travail assujetti aux cadences ».