Devant la préfecture des Côtes-d’Armor ce lundi 3 mai, près de trois-cent opposants au parc éolien de la baie de Saint-Brieuc manifestaient ce lundi matin. Un projet qui, depuis dix ans, oppose les habitants et de nombreuses associations à l’État. Alors que le chantier devait débuter ce lundi, retour sur une fracture où se mêlent écologie, patrimoine et course au profit.
Un projet au coût faramineux
En 2011, après la libéralisation du marché de l’énergie du 1er janvier 2007, le ministère de l’énergie et du développement durable lance un appel d’offres pour la construction d’un parc éolien au large de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor. En tout, quatre parcs éoliens offshore sont prévus : Saint-Brieuc, Saint-Nazaire (Pays-de-la-Loire), Courseulles-sur-Mer et Fécamp (Normandie). En 2012, Ailes Marines SAS, détenue à 100% par l’énergéticien espagnol IBERDROLA, remporte l’appel d’offres. Le 21 août 2019, le Conseil d’Etat confirmera les irrégularités de cette concession. Mais cette décision n’enterrera pas le projet, approuvé successivement par les présidents François Hollande et Emmanuel Macron.
Prévu pour être mis en service fin 2023, le parc comprendra 62 éoliennes disposées en sept lignes de 3 à 14 éoliennes. Chaque éolienne mesurera 207 mètres, soit la hauteur de la Tour Montparnasse à Paris et ses 60 étages. Sans compter les 40 mètres de pieux de fondation enfoncés dans le sol. Un projet estimé à 2,5 milliards d’euros, que l’opérateur Ailes Marines – Iberdrola récupèrera en vendant le mégawatt d’électricité à 155 euros à l’Etat. Ce qui en fait « l’électricité la plus chère d’Europe », dénonce l’association Gardez les Caps, opposée au parc éolien. L’association pointe du doigt la différence entre le prix du mégawatt du projet éolien de Dunkerque et celui du projet éolien de Saint Brieuc : 155€ donc pour Saint-Brieuc, contre 44€ pour Dunkerque. Sans compter le démantèlement de la station de raccordement dans 40 ans, finalement à la charge de l’Etat, et donc des contribuables français. Avant la fin de son mandat, le gouvernement Hollande fera un dernier cadeau à Ailes Marines : à cinq jours de l’élection présidentielle, le gouvernement de François Hollande délivre à la société l’autorisation de construction et d’exploitation du parc éolien pour 40 ans. Cadeau renouvelé le 26 juillet 2019, quand la Commission européenne entérine l’aide de la France de 4,7 milliards d’euros à la société Ailes Marines.
Une forte opposition locale
Dans la région, les associations d’habitants multiplient les actions contre le projet. Mais rien n’y fait. Systématiquement, les recours sont rejetés par le Conseil d’Etat. Du côté des habitants, c’est le projet qui est rejeté : en août et septembre 2016, une enquête publique révélait que 60% des contributeurs étaient opposés au parc éolien de Saint-Brieuc.
Les habitants et les pêcheurs s’inquiètent pour l’avenir de la baie, dont une partie est une réserve naturelle protégée depuis 1998. Plus importante zone de pêche de coquilles Saint-Jacques en France, elle est l’une des principales ressources des villes situées autour de la baie. Les associations dénoncent la pollution que causent les éoliennes : une éolienne ADWEN 8 MW contient 430 kg de terres rares, 2 500 litres d’huile de lubrification, ainsi que 15 tonnes d’alliage de magnésium, zinc et aluminium. Sans compter les câbles électriques, la centrale au gaz indispensable au fonctionnement du parc éolien… Sans parler du bruit, des 54 tonnes d’aluminium rejetées dans la mer chaque année, menaçant la biodiversité. Un « projet écocide », selon les pêcheurs, qui ont déposé le 12 novembre 2020 un recours devant le tribunal de l’Union européenne. Le recours est en attente d’être examiné.
En attendant, les travaux, qui devaient débuter aujourd’hui, ont été reportés. Les pêcheurs avaient prévu de faire barrage aux bateaux d’Ailes Marines, poussant la société à retarder son arrivée sur la zone. Les pêcheurs et les habitants ne comptent pas baisser les bras. Mais il semblerait que l’Etat ait définitivement choisi son camp : la préfecture maritime de l’Atlantique a annoncé que des navires de la Marine nationale seraient déployés pour protéger le chantier. Dans cette guerre contre les multinationales, les Français, semblent, encore une fois, les grands oubliés d’une histoire, qui, pourtant, aura un impact direct sur la vie sur leurs terres, leur avenir, et celui de leurs enfants.