Rassurez-vous, nous ne prétendons pas qu’il ne fallait pas le faire, même si nous aurions préféré que ce fameux « Quoi qu’il en coûte« , cher à Emmanuel Macron, soit assorti de quelques mesures de prudence mais aussi de bon sens (concernant en particulier l’état de notre société et, spécialement, tout ce qui résulte de l’immigration-invasion qui gangrène notre pays) permettant d’en alléger le poids. C’est plutôt sur les conséquences de la situation économique engendrée par ces libéralités financières que nous voulons aujourd’hui insister. Car, souvenez-vous, nous avons déjà alerté à plusieurs reprises : le poids de la dette publique aura toutes les chances de devenir insupportable pour les citoyens français si les taux appliqués venaient à augmenter :
https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/03/29/lenorme-boulet-de-la-dette-francaise/ et aussi
Eh bien ! nous y sommes…
Le phénomène est lent et progressif, mais il commence à marquer un profond basculement économique. Après avoir connu dix-huit mois en territoire presque continuellement négatif, les taux d’intérêt auquel les Etats européens empruntent sont repassés au-dessus de zéro. Celui des obligations françaises à dix ans, qui avait atteint un point bas à − 0,38 %, mi-décembre 2020, frôle désormais 0,2 %. Les Pays-Bas sont passés de − 0,5 % à 0 %. L’Italie a également gagné un demi-point, à 0,9 %. Seule l’Allemagne, jugée par les marchés le pays le moins risqué, reste en zone négative, à − 0,2 %. Le mouvement suit celui des Etats-Unis, bien plus avancé, où le taux d’emprunt à dix ans a pris 1,1 point en près d’un an, passant à 1,6 %.
Cette évolution n’est pas sans risque dans le contexte postpandémique, les Etats s’étant lourdement endettés. Entre 2019 et 2020, la dette publique française est passée de 97 % du produit intérieur brut (PIB) à 115,7 %, un bond historique. Celle de la zone euro a augmenté de 85 % à 102 %. Dans ce contexte, le moindre mouvement des taux d’intérêt devient très sensible pour la soutenabilité des dettes. Le risque d’une explosion de la bulle financière se pose également : les taux d’intérêt bas ont provoqué, depuis des années, une fuite des capitaux vers les marchés les plus risqués, comme les Bourses, qui rapportent plus ; le retournement de la situation pourrait soudain les dégonfler.
- Pourquoi les taux montent-ils ?
La hausse des taux reflète le lent redémarrage des économies au fur et à mesure de la vaccination des populations et de la levée des restrictions sanitaires. En même temps, l’inflation fait son grand retour. En zone euro, le niveau reste raisonnable, atteignant 1,6 %, sur douze mois, en avril. Mais aux Etats-Unis, l’alarme commence à sonner : la hausse des prix a atteint 4,2 % sur un an.
Elle vient de la conjonction de deux facteurs : la soudaine hausse de la demande, avec le déconfinement, et les goulets d’étranglement de la production, avec des chaînes logistiques mondiales désorganisées par la pandémie, provoquant des pénuries : du bois aux semi-conducteurs, en passant par les vélos. Croissance et inflation de retour : les taux ne pouvaient qu’augmenter.
- Le phénomène va-t-il durer ?
Le grand débat est de savoir si l’inflation est passagère. Si c’est le cas, les banques centrales ont peu de raisons de réduire leurs interventions, et les taux ne devraient remonter que lentement. Si c’est durable, il est possible que l’économie occidentale change d’ère, après quatre décennies d’inflation maîtrisée. Dans ce cas, les taux vont fortement se tendre.
Pour les banques centrales, toujours prêtes à soutenir leurs Etats, le problème est temporaire, et les circuits d’approvisionnement vont rentrer dans l’ordre d’ici à la fin de l’année. « Il y a une unanimité touchante de la Réserve fédérale [Fed]américaine et de la Banque centrale européenne [BCE], qui ont intérêt à dire ça », ironise M. Dor. Pour elles, le message est de rassurer les marchés et de faire comprendre qu’elles ne sont pas sur le point de resserrer leur politique monétaire. Vous l’aurez compris, seule compte la « com » !
Certains économistes, dont Larry Summers, l’ancien secrétaire américain au Trésor, estiment au contraire que les pays occidentaux entrent dans une longue période d’inflation. D’une part, les tensions sur l’organisation de l’industrie mondiale risquent de durer : construire une nouvelle usine de puces électroniques, pour répondre à la demande, prend des années. Par ailleurs, les Etats ont mis en place d’énormes plans de relance. Aux Etats-Unis, il s’élève à 1 900 milliards de dollars (1 560 milliards d’euros) et le président, Joe Biden, se bat au Congrès pour un grand plan d’infrastructures de plus de 2 000 milliards de dollars. En Europe, après la politique du « quoi qu’il en coûte » pendant la pandémie, le plan de relance de 750 milliards d’euros est enfin ratifié, et l’argent doit commencer à arriver en juillet.
« On est en train d’entrer dans une nouvelle ère, où les Etats reprennent la main sur la toute-puissance des banques centrales », explique Véronique Riches-Flores, économiste indépendante et administratrice chez BNP Paribas. Selon elle, même si ce n’est pas le scénario le plus probable, les obligations françaises pourraient atteindre 1 % début 2022. Soit une hausse de 1,5 point en dix-huit mois. Une sérieuse évolution.
Par ailleurs, une crise sur un pays spécifique est tout à fait possible. « Les spreads [l’écart entre le taux allemand et celui des autres pays] peuvent se mettre à monter très vite, comme cela a été le cas en 2011-2012 [lors de la crise de la zone euro], rappelle M. Ecalle. Généralement, cela vient d’un choc de nature politique. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie ou en France pourrait par exemple provoquer une telle réaction. » Dans ce scénario, même si la BCE reste très active, la question de la dette risque de revenir au premier plan. « C’est pour cette raison qu’il faut [la] stabiliser », conclut-il.
- Les finances publiques peuvent-elles résister ?
Dans une note du 25 mai, les économistes de Barclays s’inquiètent. « Les taux ultrabas ont encouragé de nombreux dirigeants, économistes et acteurs du marché à affirmer que les dettes ne comptent plus. Nous ne sommes pas d’accord. » Marvin Barth, l’un des auteurs, tire la sonnette d’alarme : « Quand on regarde les pays où la soutenabilité de la dette est proche des limites, on trouve l’Italie, où la moindre hausse des taux devient vite un problème, l’Espagne, mais aussi – et on l’oublie souvent – la France. »
Pour l’heure, les taux restent à des niveaux historiquement bas. Les Etats bénéficient d’un cercle vertueux : à chaque fois qu’ils rachètent une vieille dette, ils le font en dépensant moins. « En France, les taux étaient à 3,49 % il y a dix ans,rappelle M. Dor. Aujourd’hui, on peut rembourser les créances d’alors en empruntant la même somme à seulement 0,2 %. » La charge de la dette française continue donc à baisser : en 1996, l’intérêt moyen servi était de 6,6 % ; il est aujourd’hui de 1,2 %.
Par ailleurs, pour remettre l’actuelle hausse des taux dans leur contexte, rappelons que l’Agence France Trésor prévoit d’emprunter 293 milliards d’euros cette année. « Une hausse des taux de 1 % représenterait une hausse des remboursements de 2,93 milliards d’euros, disons 3 milliards, explique M. Dor. Cela reste des montants raisonnables. »
Pour le moment tout va bien…
- La bulle financière va-t-elle exploser ?
Lors de la crise financière de 2008, les banques centrales occidentales ont pour la première fois mis leurs taux d’intérêt directeurs proches de zéro. Depuis, ne pouvant guère aller plus bas, elles sont passées à des politiques d’achats d’actifs sur les marchés. La crise de la zone euro, et encore plus la pandémie, les ont poussées à aller toujours plus loin dans leur interventionnisme.
Cette action était indispensable pour soutenir l’économie et permettre aux Etats et aux entreprises de continuer à se financer. Mais elle a aussi provoqué une hausse toujours plus spectaculaire des Bourses. Aux Etats-Unis, le S&P 500 est au plus haut de son histoire. En France, le CAC 40 s’en rapproche. La BCE a appelé cela la « remarquable exubérance » des marchés (sic).
Mais » le règne actuel de l’hyperfinanciarisation supportera-t-il des taux élevés ? », s’interroge Mme Riches-Flores. C’est pour éviter cette contagion que les banquiers centraux promettent pour l’instant de ne pas retirer leur soutien. Mais, pour Mme Riches-Flores, la Fed ne va plus pouvoir le faire longtemps, alors que l’inflation dépasse 4 % aux Etats-Unis, soit le double de son objectif officiel. Elle estime cependant que, si une forte correction des marchés est possible, une vraie crise financière, comme en 2008, n’est pas le scénario le plus probable. « Tant que les taux remontent progressivement, la bulle n’a pas de raison d’éclater, relativise également M. Ecalle. Les banques centrales peuvent gérer cela. » En revanche, une remontée brutale changerait complètement la donne.
- Que vont faire les banques centrales ?
Avec le Covid-19, la BCE a lancé un plan pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP), une énorme enveloppe de 1 850 milliards d’euros destinée à acheter des dettes sur les marchés. Plus de la moitié est déjà utilisée, et la BCE devrait y avoir recours au moins jusqu’en mars 2022. Le débat enfle cependant sur la vitesse d’intervention de la BCE. Pendant l’hiver, elle dépensait environ 17 milliards d’euros par semaine de ce PEPP. En mars, voyant les taux qui commençaient à augmenter, la BCE a accéléré, atteignant 20 milliards de rachat de dette par semaine. Avec le redémarrage de l’économie, les traditionnels faucons commencent à se faire entendre. Dès avril, le gouverneur de la Banque des Pays-Bas, Klaas Knot, a appelé à réduire l’intervention de la BCE dès « le troisième trimestre ».
Ces derniers jours, une large partie des membres du conseil des gouverneurs de la BCE a lancé un contre-feu. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, estime qu’il y a « largement le temps de juger et de décider » de la réduction de l’intervention, « bien au-delà de juin ». L’Italien Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, ajoute que « les conditions [économiques]aujourd’hui ne justifient pas de réduire le rythme d’achat, et une discussion sur le retrait du PEPP est clairement prématurée ». Même l’Allemande Isabel Schnabel, membre du directoire, souvent plus proche des « faucons », y est allée de son message : « Un retrait prématuré du soutien budgétaire ou monétaire serait une grave erreur. »
M. Villeroy de Galhau va plus loin, rappelant qu’après la fin du PEPP l’interventionnisme de la BCE continuera. « Ces outils non conventionnels vont rester après le Covid. » L’institution monétaire a d’autres enveloppes pour continuer à racheter des dettes, le taux d’intérêt directeur négatif, à − 0,5 %, reste en place, tout comme le système qui permet aux banques de se financer, à − 1 %, le targeted longer-term refinancing operations (TLTRO, « opérations ciblées de refinancement à plus long terme »). En revanche, personne n’est capable de dire combien de temps le rêve de l’argent gratuit pourra durer !
D’ailleurs, les faucons sont en embuscade. « On les connaît, ils n’ont jamais disparu, les gouverneurs des banques centrales en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Scandinavie… », souligne M. Dor. « A la BCE, le débat va monter, s’il y a une vraie reprise économique », poursuit M. Ecalle. Lors de la dernière réunion du conseil des gouverneurs, en avril, la question du ralentissement des rythmes de dépense du PEPP n’avait même pas été débattue. Il est probable qu’elle soit sur la table lors de la prochaine réunion, le 10 juin.
A la banque centrale américaine, la situation est plus délicate. La Fed a officiellement annoncé qu’elle prenait en compte désormais une « symétrie »dans son objectif d’inflation : en clair, elle peut laisser l’inflation passer au-dessus de 2 %, dans la mesure où ce taux a longtemps été au-dessous de ce seuil. Mais jusqu’à quand ? Jamais Jerome Powell, le président de la Fed, n’a clairement donné de limite. « Les banques centrales vont résister [à une normalisation de leur politique]… aussi longtemps qu’elles le pourront », estime M. Dor. Mais ce ne sera pas éternel.
C’est la raison pour laquelle nous avons déjà tiré la sonnette d’alarme. Moins pour nous que pour nos enfants et nos petits-enfants, tant il est vrai que « gouverner, c’est prévoir« .