Il y aura bien sûr de nombreux enseignements à tirer des scrutins départementaux et régionaux des 20 et 27 juin 2021. Il y a amplement matière à réfléchir. Au sujet de la démocratie, en premier lieu. Que signifie un scrutin auquel participent moins de 35 % des inscrits ? Comment les élus le sont-ils ? Leur élection est-elle légitime ? Qui représentent-ils, sinon une minorité, de plus en plus ténue, dont la spécificité est de posséder, qu’ils soient de droite ou de gauche, les grands traits d’une idéologie en commun : le mode de vie et de pensée libéral-libertaire, une manière d’être au monde qui sévit principalement dans les métropoles. C’est un des enseignements de ces scrutins, en particulier des résultats des régionales.
Ainsi, le front républicain que l’on disait parfois mort et enterré n’est pas mort, le second tour des régionales et des municipales est venu le rappeler. De même qu’est rappelée la persistance du clivage droite-gauche qu’on croyait lui aussi enterré, du moins à l’échelle d’élections où chacun a essayé de donner des repères à ses électeurs. Une nécessité. LREM paie autant l’absence de repères clairs que son déficit d’implantation. La gauche, la droite et le front républicain, cela existe toujours. A droite, il y a ce que le Système appelle l’« extrême droite », essentiellement le Rassemblement national. Il y a aussi de fausses droites, telles que Les Républicains, dont l’immense majorité des élus et des responsables pensent à gauche, ayant entièrement intégré l’idéologie du progrès et les modes de pensée libéraux libertaires. C’est pour cela que des candidats LR, LREM, PS, EELV et même parfois LFI peuvent se retrouver à l’occasion d’un scrutin et appeler « solidairement » à battre l’« extrême droite », autrement dit le Rassemblement national.
Globalement, cela ne consiste plus en une fusion des listes. C’est plus sournois. Le front républicain passe soit par le retrait de listes, comme avec la liste PS en PACA, soit par un maintien ayant comme but de « battre le RN ». L’existence et même l’ancrage de ce front républicain, réflexe pavlovien de nombre d’électeurs, du moins parmi ceux qui n’ont pas encore compris que ces élections sont une farce, furent évidents en PACA. Dans cette région, la liste conduite par Renaud Muselier, destinée à « vaincre le RN », obtient 25 points de plus au deuxième tour.
C’est d’un état d’esprit qu’il s’agit, un état d’esprit du type « Mieux vaut n’importe quel libéral libertaire d’entre nous que le RN ! ». Cet état d’esprit s’est retrouvé dimanche dans les Pays de la Loire, dans le Grand Est, en Bourgogne-Franche-Comté, en Normandie, en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie et dans les Hauts-de-France. Les principaux hommes politiques pourront dire ce qu’ils veulent, c’est ce « théâtre » – le mot est de Jospin – de la mise en scène anti-RN qui explique l’extraordinaire désaveu que les Français ont infligé à la classe politique et à cette « démocratie ». Les Français ne veulent plus être les dindons de la farce du front républicain, alors ils restent chez eux. Ils ont mieux à faire que de participer à des élections qui n’ont de libres que le nom.
Paul Vermeulen
Article paru dans Présent daté du 28 juin 2021