En cas de victoire à la présidentielle de 2022, des élus LR envisagent d’organiser, dans la foulée, un référendum sur l’immigration. Éric Ciotti aurait même proposé de le coupler avec les élections législatives. On leur rappellerait volontiers le peu de cas qu’ils firent, en 2005, des résultats de la consultation sur le traité européen, ou le temps qu’ils ont mis à prendre l’immigration au sérieux. On pourrait aussi souligner que, pour résoudre ce problème, il faudrait surtout que la France retrouvât sa liberté de décision. Si l’on a de bonnes raisons de rester sceptique sur la pleine sincérité de leurs intentions, doit-on, malgré tout, se réjouir de cet éclair de lucidité ?
Remontons trente ans en arrière. En 1990, les propositions sur l’immigration émises par les ténors de la droite – en l’occurrence par le RPR et l’UDF –, lors des états généraux organisés à Villepinte, ne péchaient pas par leur tiédeur : « Fermeture des frontières », « suspension de l’immigration », « réserver certaines prestations sociales aux nationaux », « incompatibilité entre l’islam et nos lois »… À les entendre, on se serait cru sur le « Paquebot » de Jean-Marie Le Pen ; mais la présence, parmi les participants, d’Alain Juppé, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, de Roselyne Bachelot et François Bayrou, ou encore de Nicolas Sarkozy dissipait toute équivoque.
Il fallait reconduire plus rapidement les clandestins à la frontière, réduire le droit d’asile, limiter le regroupement familial, renouveler le droit de séjour des étudiants étrangers sous condition de succès aux examens… Les idées fusaient de toutes parts pour bouter les migrants hors de France. Il est vrai que la droite avait perdu les élections, qu’elle se méfiait de la montée en puissance du Front national et voulait à tout prix récupérer le pouvoir. À rapprocher de la situation actuelle, avec La République en marche au lieu du Parti socialiste et un Rassemblement national ayant doublé ses voix. Force est de conclure que la droite ne se souvient qu’elle est de droite que lorsqu’elle est en danger.
Le danger une fois passé, revenue au pouvoir, elle oublie vite ses belles idées. En 2007, Nicolas Sarkozy, l’homme qui, ministre de l’Intérieur, promettait de « nettoyer au Kärcher™ la cité [des 4.000 à La Courneuve] » a repris la même tactique : ça a marché, puisqu’il l’a emporté largement face à Ségolène Royal et qu’il a subtilisé près de 6 % de voix à Jean-Marie Le Pen. Jamais deux sans trois, doit-on se dire, rue de Vaugirard. Quand on y pense, on en vient à penser que, décidément, la droite ne change pas. Plus sécuritaire, plus anti-migrant que moi, tu meurs, c’est sa devise de circonstance.
Avec une différence notable, cependant. Les conséquences néfastes d’une immigration débridée sont de plus en plus visibles et reconnues par une majorité de l’opinion. Ce n’est plus un cheval de bataille occasionnel qu’on enfourche au moment des élections pour le remiser ensuite dans un coin de l’écurie : c’est un problème quotidien, dont tout le monde, ou presque, s’empare. Même Macron se met, timidement, de la partie. La droite, pour se distinguer du lot, croit devoir aboyer plus fort que les autres.
Elle ferait mieux, si elle veut retrouver quelque crédit, de commencer par confesser son inertie dans la lutte contre l’immigration quand elle était au gouvernement. Elle ferait bien aussi – du moins sa partie la plus saine, car l’autre est déjà acquise à Macron – de cesser d’ostraciser la droite patriote, qui a dénoncé le mal dès l’origine, et d’envisager de mener avec elle un combat de salut public pour défendre la souveraineté et l’identité de la France.