Un paradoxe est une contradiction apparente, une synthèse réussie entre deux idées à première vue opposées. Eric Zemmour est un paradoxe vivant qui précipite ses adversaires dans une contradiction, qui, elle, est insoluble. Il représente aujourd’hui le nationalisme français, car n’ayons pas peur des mots, le patriotisme est à ce point attaqué qu’il doit désormais se défendre avec l’énergie du nationalisme, en ne se contentant pas de l’héroïsme sacrificiel, mais en portant des coups à l’ennemi, à tous ceux qui, sous des formes diverses, montrent qu’ils ne veulent pas du bien à la France.
Cela conduit à considérer comme de Gaulle que “l’intérêt supérieur de la patrie” est la première et la plus haute exigence politique pour un Français. Premier paradoxe : il n’est pas fréquent qu’un “Pied-Noir” se dise gaulliste en mettant de côté amertume et rancoeur, parce que la solution choisie à propos de l’Algérie était la seule qu’imposait le bon sens. Second paradoxe : Zemmour n’hésite pas, lui, à reconnaître les racines chrétiennes de la France, alors qu’il est de confession juive. Beaucoup d’hommes politiques, “chrétiens” d’origine, n’ont eu ni cette clairvoyance, ni ce courage. On pense, hélas, à Chirac militant pour que les racines chrétiennes ne figurent pas dans les textes de “l’Union Européenne”. Voici donc un homme qui en tant qu’individu sait parfaitement qu’il descend de Berbères israélites, et qui affirme pourtant hautement son identité nationale, française. De quoi mieux faire comprendre ce que devrait être la nationalité d’un citoyen. Unique, et sans nécessairement de lien avec le sol où l’on naît, elle doit être définie par deux critères : d’abord, le sang, non pas l’appartenance à une race, mais la filiation, le fait d’être l’enfant de parents français, quelles que soient leur couleur ou leur religion ; ensuite, la volonté, le fait de vouloir être français en acceptant les conséquences de ce choix.
Quelques formulations discutables, mais non dépourvues de justesse, sur l’atténuation de la Shoah en France en raison de l’existence du gouvernement de Vichy, ou sur la préférence que chacun devrait donner au sol de sa patrie pour être enterré, ont suscité de furieuses réactions de personnalités juives. L’occasion était belle de dénoncer le manque de compassion, de sensibilité d’un homme qui reconnaît bien séparer le cérébral de l’affectif. Si l’on peut regretter des maladresses sur ce dernier point, en revanche, la démonstration est impeccable : il s’agissait de montrer que le citoyen Zemmour est d’abord un Français avant d’avoir une origine ou une confession. En face, BHL et compagnie lui assignent une identité, l’enferment dans une communauté, distincte de la communauté nationale puisqu’elle doit prévaloir à l’intérieur du pays par la reconnaissance d’un legs spécifique et se prolonger à l’extérieur par des liens plus puissants avec un autre pays que la France. Zemmour montre qu’il est possible d’être français en venant d’ailleurs et avec une autre confession que le christianisme, donnant ainsi raison à ce qui serait un antiracisme authentique et sincère, dépassant le caractère biologique de la race pour affirmer la suprématie de la culture et de la pensée. L’antiracisme de position et de stratégie, l’antiracisme qui ne cherche qu’à déconstruire la nation française, offusqué d’une telle audace, lui intime l’ordre de regagner la case de sa race et de sa religion. L’universaliste, c’est Zemmour. L’identitaire, c’est BHL ! Le dreyfusard c’est Zemmour montrant qu’on peut être juif et patriote, l’antidreyfusard, c’est BHL appelant Zemmour à la fidélité à son sang. Le masque tombe : on comprend que ces “universalistes” sont des cosmopolites qui aiment les Tartares pour se dispenser d’aimer leurs voisins, comme disait Rousseau. Toutes les identités sont bonnes, sauf la française, ça va de soi !
Le culte de l’identité de l’autre n’est plus chez ces hypocrites que le revers de la détestation de soi, de la France en l’occurrence. C’est le germe de la trahison. Trahison de fait dans l’agitation publique et l’activisme d’antichambre qui ont conduit à la désastreuse aventure libyenne, qui ont failli la répéter en Syrie, qui ont facilité l’installation de pouvoirs communautaristes et maffieux dans les Balkans, mais trahison de la culture aussi, quand on évoque un legs “juif” défini par les mots d’espérance, d’hospitalité et de grandeur. S’il agit pour l’espérance d’une référence au Christ, faut-il rappeler combien son message transcende humainement et spirituellement celui de la religion juive, en évoquant un royaume qui n’est pas de ce monde mais qui appelle tous les hommes ? Quant à l’hospitalité ou à la grandeur, on a quelque difficulté à y trouver une marque spécifiquement juive. Le legs juif est constitué par une quantité d’esprits brillants, d’intelligences créatrices, de scientifiques, de philosophes, d’écrivains, d’artistes auxquels se rattache sans doute Zemmour et que compromet ce bavard impénitent et superficiel de BHL. Peu importe qu’une forme particulière d’éducation ait poussé le talent, fait éclore le génie : ils sont devenus des éléments d’une culture nationale, laquelle existe bel et bien !
Le plus étonnant de la situation actuelle du débat politique est l’inversion des rôles qui le caractérise. La réduction d’une personne à ce qu’elle est “de naissance” est un retour inconscient de lui-même aux fondements du nazisme, comme le “racialisme” stupide qui d’Amérique a envahi notre pays jusqu’aux esprits délabrés de notre prétendue élite. Le racisme, qui était sorti par la porte, à droite, est rentré par la fenêtre de gauche. Le Porte-parole du Général, à Londres, devenu Sénateur du Nord, Maurice Schumann me disait que le nazisme était plus criminel que le marxisme parce qu’il reprochait à ses victimes d’être nées. Désormais, lorsqu’on criminalise la couleur blanche, ou même lorsqu’on assigne à un homme une résidence ethnique, on commet la même faute !
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