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Quelles perspectives pour la candidature de Eric Zemmour ? Le point de vue de Bruno Mégret

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Bruno Mégret

L’élection présidentielle, que l’on voyait, il y a encore quelques mois, comme une réplique affadie de la précédente, paraît devoir être beaucoup plus riche dans ses débats comme dans ses enjeux. La raison en est la candidature d’Éric Zemmour qui vient troubler les positions acquises et déranger le jeu convenu des partis de la classe politique.

Alors qu’il n’a pas encore déclaré sa candidature, cet éditorialiste et auteur talentueux vient en effet de faire une entrée fracassante sur la scène politique. En quelques semaines il a réussi à occuper la première place dans les médias et il se trouve déjà crédité de près de 15 % des intentions de vote. Aussi faut-il s’interroger sur les perspectives qui s’ouvrent avec cette arrivée d’un homme nouveau dans la course à l’Élysée.

Une candidature médiatique

Cette candidature reflète d’abord de façon spectaculaire la domination des médias sur les politiques. Depuis longtemps déjà la classe journalistique s’affirme comme le premier pouvoir, un pouvoir qui place les hommes politiques dans la situation de devoir lui complaire ou de se trouver marginalisés. Cette prééminence médiatique s’est ensuite encore accentuée lorsque, sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des journaux, les débats entre journalistes ont supplanté ceux entre politiques. Avec la candidature de Zemmour, une étape supplémentaire vient d’être franchie : ce sont les journalistes eux-mêmes qui se présentent maintenant aux élections ! Avec ce paradoxe cependant que ce journaliste candidat ne vient pas pour défendre le Système dont il est issu mais pour le contester.

L’enjeu identitaire au cœur des débats

On peut donc se féliciter de cette intrusion du monde médiatique dans le monde politique car les idées-forces qui sont les nôtres vont, à travers Zemmour, se trouver propulsées avec talent au cœur des débats de la présidentielle. La guerre de civilisation, que nous subissons dans le monde multipolaire d’aujourd’hui et qui menace l’existence même de notre civilisation européenne et de notre nation française, cessera d’être ignorée et l’immigration de peuplement qui risque de faire disparaître la France et les nations du continent pourra être enfin reconnue comme un danger majeur pour notre survie.

Une dynamique à conforter

Mais, au-delà de cette avancée extrêmement positive pour nos idées, quelles sont les chances de voir prospérer cette candidature si singulière ? La question qui se pose est en effet de savoir si le polémiste brillant saura endosser les habits de l’homme politique d’envergure capable de devenir le président dont la France a besoin pour renouer avec son histoire. Car Eric Zemmour est à cette heure un homme seul sur la scène publique. Malgré les nombreux appuis qu’il obtient pour gérer et soutenir sa candidature, il n’a pas à ce jour autour de lui des personnalités fortes et connues capables de relayer son discours.

Il ne dispose pas non plus pour l’instant d’un programme exprimant de façon concrète les solutions qu’il envisage de mettre en œuvre. Sans doute cela viendra-t-il après sa déclaration de candidature, mais ce point est important car la prise de conscience des problèmes liés à l’immigration et à l’insécurité est maintenant générale. Le clivage entre les candidats devrait donc se faire plus sur les solutions que sur le constat. Or les Français, échaudés par les programmes et les promesses toujours trahis par leurs élus, attendent maintenant des solutions d’envergure, qui soient à la fois efficaces et crédibles.

Un potentiel électoral important mais fragile

Il faut enfin s’interroger sur le potentiel électoral dont dispose Éric Zemmour. Sur le papier il semble à première vue extrêmement vaste. Se présentant comme porteur des idées qui étaient celles du RPR des origines, Zemmour peut en effet revendiquer les voix des électeurs traditionnels du parti LR issus de cette ancienne formation, ce qui représente un réservoir considérable. Du côté du RN, le potentiel est encore plus important, puisque Zemmour tient sur l’immigration le même discours que le Front National. Un discours que Marine Le Pen a progressivement édulcoré au point de se trouver aujourd’hui comme normalisée et membre à son tour d’une classe politique que son parti prétend pourtant combattre.

Les possibilités de conquête électorale sont donc au premier abord extrêmement prometteuses pour le candidat Zemmour. Mais ces perspectives doivent cependant être nuancées. Du côté LR, il devra faire face à une entreprise de diabolisation de sa personne qui a déjà commencé et qui pourrait dissuader de nombreux électeurs LR de voter pour lui. Du côté du Rassemblement national par ailleurs, Zemmour devra combattre l’argument du vote utile qui peut conduire une large fraction de cet électorat à rester fidèle à Marine Le Pen pour assurer sa présence au second tour.

D’une façon plus générale, on peut s’interroger sur l’état de l’opinion laquelle se trouve conditionnée par des décennies de propagande politiquement correcte et en partie déjà résignée à subir le vivre ensemble. Y a-t-il en conséquence une majorité de Français pour soutenir les propositions radicales d’un candidat qui voudrait réellement rompre avec le politiquement correct et mettre en œuvre les solutions qui seraient à la hauteur des enjeux ? En d’autres termes, les Français qui dénoncent l’incapacité du pouvoir à régler les problèmes de l’immigration et de l’insécurité, ne seraient-ils pas les mêmes à réprouver la radicalité des mesures qui, seules, pourraient les résoudre ?

Les deux scénarios

Il paraît dans ces conditions difficile de se faire une idée précise de la place qu’occupera Zemmour le soir du premier tour de la présidentielle. Deux hypothèses très contrastées sont aujourd’hui possibles.

Si le journaliste ne parvient pas à endosser les habits de l’homme d’État, si les solutions qu’il préconise inspirent la crainte des électeurs et provoquent un processus de discrédit sur sa personne, la dynamique du début peut s’éteindre progressivement et les résultats électoraux être ceux d’une candidature de témoignage.

Si, en revanche, Zemmour parvient à susciter la sympathie et le respect des Français, si son discours réussit à convaincre les électeurs et à entrer en résonance avec les sentiments de nos compatriotes, s’il parvient en conséquence à rallier des personnalités et des électeurs venus du LR et si, dans le même temps, il arrive à marginaliser Marine Le Pen au point de récupérer une large fraction de son électorat, alors tout pourrait devenir possible.

Dans tous les cas, Zemmour va déstabiliser encore un peu plus les partis en place. Il peut alors être à l’origine d’une recomposition politique devenue aujourd’hui indispensable. Or toute recomposition commence par une destruction et s’achève par une reconstruction. Aussi Eric Zemmour peut-il être le destructeur indispensable. Sera-t-il le reconstructeur tant attendu ?

Source Le Chêne n°101 cliquez ici

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