photographie : Louis Monier © - Rue des Archives
Un différentialisme dérivé de Claude Lévi-Strauss
Le portrait de “l’Europe en dormition”, proposée par Venner dans le dixième et dernier chapitre du Siècle de 1914 est un appel à l’action : il énumère, avec la clarté des moralistes français du “Grand Siècle”, tant admirés par Nietzsche, les travers de l’Europe sous la tutelle des États-Unis, du libéralisme déchaîné (surtout depuis la disparition du Rideau de Fer), des oligarchies liées à la “Super-classe”. Venner se réfère à Heidegger, pour la critique du technocratisme propre aux matérialismes communiste et libéral, et justifie son “différentialisme”, son “ethno-différentialisme”, en se référant à la seule source valable pour étayer une telle option politico-philosophique : l’œuvre de Claude Lévi-Strauss.
Nous mesurons, en lisant ces lignes de Venner, toute la perfidie et la mauvaise foi des critiques ineptes, prononcées par les “Vigilants” à l’encontre de cet aspect particulier du discours des “nouvelles droites”, qui n’a jamais puisé dans le corpus hitlérien — que Venner soumet, pour son racisme et son antisémitisme, à une critique dépourvue de toute ambiguïté — mais chez ce philosophe et ethnologue d’origine israélite, qui mettait très bien en exergue les limites de la pensée progressiste. Venner rappelait aussi la trajectoire très personnelle de Victor Segalen (1878-1919), explorateur des “exotismes” qui avait écrit : « Ne nous flattons pas d’assimiler les mœurs, les races, les nations, les autres ; mais au contraire réjouissons-nous de ne le pouvoir jamais » (cité par Venner, p. 389). Apparemment, la triste “intellectuelle” du misérable club des “Vigilants”, qui a agité, sur internet, dans un essai aux allures soi-disant “savantes” mais à la “sagacité” plus que bancale, le spectre d’un Venner “rénovateur du racisme” dans les jours qui ont immédiatement suivi son suicide n’a jamais lu ce deuxième ouvrage testamentaire de Venner, Le siècle de 1914. Venner, et nous tous, avons des adversaires qui ne nous lisent pas, qui affirment péremptoirement leurs lubies, avec la complicité d’un pouvoir aux abois et de ses nouvelles militantes stipendiées, les “femens”.
La quintessence d’Histoire et tradition des Européens et du Siècle de 1914 paraissait et transparaissait dans les éditoriaux des revues historiques de Venner, que traduisait, avec diligence, dévouement et respect, l’ami américain Greg Johnson, permettant au monde entier de lire le futur suicidé de Notre-Dame dans la “koiné” globale, dont il maîtrise avec une belle élégance toutes les nuances, très éloignées du sabir “basic” qui sert de lingua franca à tous les technocrates de la planète. Venner a trouvé le traducteur qu’il mérite et l’éditeur qui, j’espère, compilera bientôt les meilleures traductions de ses éditoriaux en un volume.
21 mai 2013
Reste à tenter d’expliquer le geste de Dominique Venner en cet après-midi du 21 mai 2013. À mon retour du boulot, où une “Vigilante” particulièrement bête venait de monter une cabale contre moi, et après un bref détour à la librairie italienne du Quartier Schuman (où je devais me trouver quand Venner a appuyé sur la détente de son pistolet de Herstal, lieu d’origine des Pippinides), j’apprends en ouvrant mon ordinateur le suicide de Dominique Venner devant le maître-autel de Notre-Dame de Paris. Je ne vais pas cacher, ici, que j’étais d’abord très perplexe. Mais non étonné. Je connaissais les lignes de Venner sur les stoïques, qui quittent la vie sans regret quand ils ne peuvent plus œuvrer dans la dignitas qu’ils se sont imposée, quand ils ne peuvent plus servir l’Empire comme ils le voudraient. Je savais aussi Venner guetté par la maladie : un de ses éditoriaux récents l’évoquait. Certaines photos trahissaient la présence sournoise d’une pathologie tenace. Ma perplexité était suscitée par le lieu : pourquoi Notre-Dame, pourquoi le chœur de la Cathédrale de Paris ? Pourquoi pas Chartres, Château-Gaillard, Montségur ? Dans sa dernière lettre, Venner écrivait : « C’est un endroit que j’admire et que je respecte ». Ces mots voilaient évidemment un sens précis. Notre-Dame est construite sur le site d’un temple romain de Lutèce, temple probablement bâti sur un sanctuaire gaulois antérieur. C’est donc là, dans la sacralité celtique la plus ancienne du lieu où Venner a vu le jour en 1935, que devait résider l’énigme.
J’ai réfléchi et me suis rappelé d’un ouvrage de la série des Voyages d’Alix de Jacques Martin et de son collaborateur Vincent Henin, consacré à la Lutèce romaine. Aux pages 52 et 53 de cet ouvrage destiné principalement aux amoureux de la culture classique et aux latinistes — Martin a pris le relais, en quelque sorte, de Jérôme Carcopino en pubiant cette admirable série chez Casterman — nous trouvons 4 illustrations du “Pilier des Nautes”, une pour chacun de ses côtés. Martin et Henin rappellent que ce “Pilier des Nautes” a été découvert en 1711, exactement sous le chœur de Notre-Dame. Probablement surmonté d’une statue de Jupiter impérial, cette colonne montrait sur sa face antérieure le dieu celtique Cernunnos, Iovis (= Jupiter) et un couple divin, Mars et Minerve (ou la déesse celtique Boudana). Sur les autres faces, on trouve des représentations de Smertios, Esus, Tarvos Trigaranus (le taureau flanqué de 3 grues), Castor, Pollux et Vulcain, de même qu’un autre couple divin, Mercure et Rosmerta, puis, à la base, des divinités féminines : Junon, Fortuna, Vénus et une figure mythologique non identifiée. C’est évidemment la présence, au-dessus de Iovis, de Cernunnos qui m’interpelle.
Cernunnos, dieu à ramure de cervidé
Dans leur magnifique lexique de mythologie celtique, Sylvia et Paul F. Botheroyd mettent fort bien en évidence l’importance de Cernunnos, le dieu à la ramure de cervidé. On sait que Venner vouait un culte discret au Cerf et ornait la page d’accueil de son blog d’une belle image-silhouette de grand cerf. On sait aussi le grand intérêt que portait Venner à la vénerie. Cernunnos est un dieu campé comme celtique mais, disent Sylvia et Paul F. Botheroyd, on en trouve des représentations de l’Irlande à la Roumanie, toujours affublé d’une ramure et d’une torque et accompagné de serpents. Il est donc un dieu ancien de la très vieille Europe proto-historique. On l’appelle aussi le “dieu cornu” mais si “ker” est un terme indo-européen pour désigner les cornes animales, il désigne aussi les forces vitales, celles de la croissance. Il agit d’un lieu souterrain, d’un autre monde enfoui dans la Terre-Mère : il y accueille les morts et, chaque fois qu’un défunt se présente, Cernunnos libère de l’énergie vitale avec l’aide de la Déesse-Mère et lui donne une nouvelle forme. Il est aussi le dieu qui fait monter la sève dans les plantes, qui incite la volonté de reproduction des êtres. Il est donc un dieu de la Vie au sens le plus large.
À suivre