Trois questions à Guillaume Travers sur La Bibliothèque littéraire du jeune Européen, ouvrage collectif qu’il a dirigé. Dix-neuf membres de l’Iliade y ont également contribué.
Après La Bibliothèque du jeune Européen, sélection de 200 œuvres qui ont marqué l’histoire de la pensée de notre continent, vous récidivez en publiant La Bibliothèque littéraire du jeune Européen. Sur quels critères peut se fonder une œuvre telle que celle-ci ? L’Europe littéraire ne manque pas de romans ou de récits mythologiques. Cela implique forcément une discrimination sévère…
La matière est évidemment considérable… mais le volume est assez conséquent. Nous avons retenu 400 œuvres de fiction, ce qui est à la fois beaucoup et très peu. Nous avons souhaité un volume qui soit représentatif de tout notre héritage, mais en limitant néanmoins le champ des possibles par des critères plus ou moins arbitraires. Nous n’avons retenu que des auteurs décédés, et nous sommes limités à l’Europe et aux Européens ayant franchi l’Atlantique. Ceci posé, le spectre que nous couvrons me semble assez complet, tant dans le temps (depuis les mythes immémoriaux jusqu’au XXe siècle) que dans l’espace. Un autre critère est celui de la langue : pour tous les auteurs étrangers, nous avons exigé qu’au moins une œuvre soit traduite en français. Enfin, certains genres, qui constituent en eux-mêmes des continents, n’ont été traités que de manière marginale : c’est le cas de la bande dessinée, du roman policier, etc. Cela laisse néanmoins quantité de grands textes !
Qu’est-ce qui motive un projet aussi ambitieux ? Ne pourrait-on pas penser que le goût de la lecture est une chose qui n’existe plus vraiment chez nos contemporains et que ce canal est anachronique, inadapté aux jeunes générations ?
Notre motivation première est la transmission d’un patrimoine civilisationnel qui est attaqué de toutes parts. Les écoliers aujourd’hui étudient de moins en moins les œuvres classiques, nombre de références leurs sont désormais parfaitement inconnues. Et, comme si l’oubli n’était pas suffisant, nombre de classiques subissent les assauts de la cancel culture. Cela fait beaucoup de raisons de vouloir transmettre cet héritage. Ceci posé, ce livre n’est pas un outil-miracle. Il s’adresse évidemment à ceux qui lisent déjà, qui ont donc déjà une certaine colonne vertébrale intellectuelle et le goût de la confrontation avec de grands textes – ce qui est parfois exigeant. Il est bien évident que tous ceux qui se laissent aller dans la facilité – les écrans, etc. – et ont rompu totalement avec la lecture, ne seront pas touchés. Mais quoi d’autre les touchera ? À l’heure où tout a été détruit, renouer avec le passé, s’imprégner de nos valeurs ancestrales, suppose un haut niveau d’exigence personnelle, un certain goût de l’effort. La lecture fait partie de cette discipline.
Envisagez-vous une suite à ces deux ouvrages ? Plus largement, comment envisagez-vous de poursuivre une œuvre de transmission ?
Il y aurait certainement des suites à donner, pour se consacrer au cinéma ou aux genres littéraires qui ont été quelque peu négligés dans ce volume. Ce n’est pas à l’ordre du jour dans l’immédiat. En revanche, il y a évidemment beaucoup d’autres projets en cours visant à faire œuvre de transmission. Pour ma part, je viens d’achever un ouvrage consacré à la pensée de Werner Sombart, un grand penseur quelque peu tombé dans l’oubli. En outre, je dirige, pour l’Institut Iliade, les deux collections « Longue mémoire » et « Cartouches », qui visent encore à toujours à former un public jeune. Notre programme de parution pour la fin de l’année et pour 2022 est chargé.