Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Une réalité floue : le terrorisme 2/4

mD1VvMMOwSC8VF4lp-JumZI5mHU.jpg

Recherche d'une légitimité nouvelle

Que penser de ces affirmations révélatrices de Jacquard ? D'abord, qu'elles n'apportent aucune explication sur le phénomène du terrorisme contemporain. Leur intérêt est très faible du point de vue de la réflexion sur l'action politico-militaire dans les différentes régions du monde. Ensuite, qu'elles constituent plus une défense et une illustration dans le style médiatique des régimes occidentaux qu'une tentative de classification sérieuse des mouvements étudiés. Enfin, que le terrorisme défini ici tient plus du domaine normatif qu'explicatif. En effet, ce terrorisme possède les caractères suivants :

  • a) le terrorisme est l'ensemble des actes perpétrés contre l'Occident et ses amis. Si l'auteur parle beaucoup de Khadafi, de Khomeiny et de Carlos, il ne parle à aucun moment des terroristes œuvrant pour les intérêts occidentaux. Les groupements para-militaires de l'Amérique Latine, les contras antisandinistes payés et soutenus par le gouvernement Reagan, les actions des services secrets israéliens ne sont même pas considérés comme relevant du sujet traité.
  • b) Le terrorisme d'État, celui qui peut prendre des formes légales (services secrets) ou illégales (actions du GAL au pays basque) n'est pas pris en compte non plus.
  • c) Le terrorisme non spectaculaire, mais très efficace, qui consiste à organiser le blocus économique d'un peuple, à occuper les cerveaux de ses enfants par la terreur intellectuelle, à affamer des régions entières pour les intérêts des multinationales, n'est pas non plus retenu.

On peut à ce stade de notre réflexion se poser les questions suivantes.

Comment définir le terrorisme autrement que comme la dénonciation par les forts (les États) des faibles (les peuples) ? Faut-il demeurer dans le cadre strict de la définition du terrorisme ou tenter une approche plus ouverte ? La terreur doit-elle être le monopole de l'État selon la définition de Carl Schmitt, ou peut-on étendre ce monopole à des entités non souveraines, comme les fronts de libération ou les avant-gardes armées ? Autant de questions que nous vous soumettons sans y répondre directement. Nous poserons dans notre seconde partie quelques jalons de réflexion pour mieux y répondre.

En effet, la définition du terroriste apparaît toute relative. Reprenant la division de Jacquard, l'historien français François Furet distingue 2 catégories de terroristes : 1) les terroristes internationaux, qui cherchent à détruire les fondements et les institutions de la démocrate libérale de type occidental, et 2) les terroristes nationaux, dont l'objectif est plus limité géographiquement, puisqu'ils cherchent à libérer leur nation d'un pouvoir oppresseur. Dans le premier cas, l'objet des actions violentes serait l'obtention de droits politiques et, dans le second cas, celui de droits nationaux. Nous n'insisterons pas outre mesure sur cette dichotomie toute arbirtraire. Ajoutons seulement que différencier les droits dits nationaux des droits dits politiques participe d'une singulière notion du politique. Les droits nationaux ne sont-ils pas éminemment des droits politiques, même si les philosophes libéraux, souvent aveuglés par leur fantasmes individualistes, mélangent et confondent des notions aussi différentes que celle du communautaire et du social…

Ceci dit, le terrorisme en tant que résultat d'une situation d'injustice, ou résultat d'une volonté de subversion gratuite ou mise au service d'un État étranger, n'explique que très partiellement l'acte violent dans le domaine du politique. C'est dans le domaine plus précis de la philosophie politique que nous allons tenter de définir quelques explications. Que ce soit dans le cas d'une revendication nationale face à un État central oppresseur, ou dans le cadre d'une revendication plus idéologique (l'extrême gauche des années 60, par ex.), le terrorisme est un phénomène étroitement lié aux figures modernes de la démocratie et de la nation. Face à la double légalité de ces sociétés modernes, le terrorisme tire de son propre projet politique contestataire une légitimité nouvelle.

Une recherche des légitimités "traditionnelles" ?

De ce point de vue, le terrorisme est une pratique très traditionnelle, dans ce sens où elle se réfère à un type de valeurs pré-modernes. Contestant la légalité, valeur-type des idéologies bourgeoises nées de la révolution française de 1789, le terroriste renoue avec la chaîne historique des philosophies politiques européennes, celle des légitimités traditionnelles. Il est difficile de dégager cette facette du discours terroriste dans la mesure où celui-ci est dans la plupart des cas habillé de références aux idéologies modernes. Ainsi dans le cas chiite, on constate un mélange de valeurs traditionnelles, le plus important étant l'appel religieux, et de références beaucoup plus actuelles, comme la conception léniniste de l'impérialisme. Cela étant, il n'y a pas là de contradiction sur le fond, mais plutôt adaptation du message révolutionnaire à une époque donnée. On peut alors poser la question suivante : pourquoi ce  recours à l'action terroriste ? F. Furet retient l'hypothèse selon laquelle le pouvoir démocratique moderne ne laisse plus aucun espace de résistance au citoyen.

Les régimes traditionnels, et notamment l'ancien régime monarchique, tiraient leur monopole d'autorité d'un ordre de valeurs supérieures aux hommes. On peut alors distinguer 2 niveaux :

  • 1) Dans le premier niveau, le monarque se situe au-dessus de la loi. Il est le garant et le créateur des lois, qui régissent les relations entre les citoyens et entre le pouvoir et les sujets. Il s'agit ici de la loi au sens où les civilistes et les publicistes actuels l'entendent. Par exemple, celle qui régit les droits de succession, ou l'organisation des pouvoirs publics.
  • 2) À un second niveau, le monarque est à son tour soumis à un ensemble de règles légales supérieures. Les lois fondamentales de la monarchie capétienne en sont un exemple, comme la succession par ordre de primogéniture.

À suivre

Les commentaires sont fermés.