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L'enjeu maritime

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Que son impérialisme reste historiquement, essentiellement, stratégiquement continental, le pouvoir communiste chinois l'a prouvé et le prouvera encore. En Asie centrale et jusqu'en Afrique, ses objectifs expansionnistes visent non seulement au pillage systématique des matières premières, mais même à celui des terres agricoles. Ses pratiques polluantes ont ruiné son propre territoire, où à peine 10 % des sols demeurent cultivables.

La bataille de Talas de 751 qui vit la victoire des Omeyyades sur la Chine des Tang avait durablement fermé la vocation océanique de la culture de l'Empire du milieu. À la navigation côtière on préférait la circulation par le Grand canal intérieur. Cette voie artificielle et coûteuse fut ainsi constamment développée aussi bien sous la dynastie des Yuan mongols du XIIIe siècle, par celle des Ming authentiquement chinois entre 1368 et 1644, comme par celle des Qing mandchous qui leur succédèrent jusqu'en 1911. Dans la Chine de Xi Jinping, on retrouve du reste une volonté analogue dans le projet de "nouvelle route de la soie" qui préfère le transport par chemin de fer, beaucoup plus coûteux que le bateau.

Nation traditionnellement terrienne, la Chine communiste s'est cependant transformée, aussi, ces dernières années, en puissance maritime majeure. Aujourd'hui, elle est devenue menaçante pour la liberté des mers, violant résolument la convention des Nations-Unis de 1982 sur le Droit de la Mer. Cette constitution des océans a force obligatoire pour 154 États et, depuis 2008, pour les 27 pays de l'Union européenne mais la Chine communiste n'en a cure, ne croyant en fait qu'au rapport de force.

Pékin s'est en effet doté, sous le contrôle de la Commission militaire centrale du parti communiste, d'une puissante marine de guerre. Celle-ci a été hissée au rang de deuxième du monde. Elle aligne 600 bâtiments de combat, plus de 225 000 marins pour un tonnage de 1,5 million de tonnes. Ces chiffres de l'année 2019, en forte croissance, doivent être comparés avec ceux de 2012 où elle n'occupait encore que le 3e rang avec 400 navires de guerre.

C'est pour faire face à ce danger grandissant qu'est ainsi apparu en 2007, le concept d'espace indo-pacifique.

L'expression a été lancée par le premier ministre japonais Shinzo Abe lors d'une visite officielle en Inde. Jusqu'alors, concernant cette partie du monde, la réflexion et l'action de la géopolitique occidentale pensait en termes d'Asie-Pacifique.

Depuis les années 1980, on considérait ainsi que les États-Unis, nés sur la côte est, tournés vers l'Atlantique déplaçaient progressivement, sans conflit, leurs centres d'intérêts vers l'Océan Pacifique. S'éloignant de la vieille Europe, ils se tourneraient vers l'Asie, et notamment vers le Japon, alors deuxième puissance économique du monde.

À cette vision irénique, l'idée de la zone indo-pacifique a substitué une vision beaucoup plus défensive et combative. Celle-ci fut incarnée, notamment, entre 2018 et 2021, par le secrétaire d'État américain Mike Pompéo et par son Quadrilatère Inde-Australie-Japon-États-Unis. Cette conception a été réaffirmée par Joe Biden en 2021 malgré la pression de Pékin. Elle tend clairement à faire face à la montée en puissance, de plus en plus agressive, de la Chine communiste, candidate à l'hégémonie en Asie, substituée au Japon.

Rendons ici hommage une nouvelle fois à notre vieil ami récemment disparu Laurent Wetzel(1)⇓ .

Cet adversaire lucide et radical du communisme et de ses mensonges historiques, écrivit, plusieurs années après avoir été persécuté par les chiraquiens, un livre qu'on ne doit pas oublier "Ils ont tué l'histoire-géo"(2)⇓ . Cette matière autrefois indispensable à la formation de l'intelligence française peut être mise au nombre des victimes, hélas nombreuses, de la réforme Haby de 1975.

Or, dans nos cahiers d'histoire d'autrefois on nous faisait écrire "pas d'histoire sans géographie, pas de géographie sans carte". On ne comprend rien aux affrontements actuels en extrême orient et dans l'espace indopacifique sans considérations "géopolitiques". Ce terme est souvent employé à tort et à travers. Or, au sens vrai, il suppose une lecture géographique et historique, car il n'existe non plus "pas de géographie sans histoire".

L'affaire des Paracels doit être observée à cet égard comme paradigmatique. Ces 130 îlots coralliens inhabités sont géographiquement répartis sur une zone de 250 km de long sur 100 de large et ils se trouvent, pour le proche d'entre eux, à quelque 300 km d'une possession chinoise, l'île éloignée de Hainan, conquise par les communistes en 1950, et dont le nom lui-même signifie "au sud de la Mer"…

Or, depuis 2013, au mépris des droits des pays riverains, c'est-à-dire essentiellement le Vietnam et les Philippines, sans parler de Taïwan, Pékin y implante des garnisons illégales…

Depuis le XVIe siècle en occident nous avons pris l'habitude de nommer "mer de Chine méridionale" ou "mer de Chine du sud". Cette appellation traditionnelle, dont la propagande de pékin joue habilement, ne doit pas nous tromper.

Regardons les cartes et observons la mer "au sud de la Chine" : elle est considérée à plus juste titre par les Vietnamiens comme leur mer Orientale – dénomination plus juste que nous devrions adopter.

Cette question devrait préoccuper plus sérieusement les responsables français.

La France possède avec 11 millions de km2 l'un des deux plus importants espaces maritimes du monde. L'État central parisien ne se préoccupe guère ni de le mettre en valeur ni de le défendre. Ainsi nos dirigeants semblent disposés à laisser faire les projets chinois en Nouvelle-Calédonie. La seule vigilance de nos amis et alliés protègerait-elle donc en cas de danger les territoires de l'outremer français ?

En 1939, au service de l'Empire, la Royale atteignait un niveau de force inégalé. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la Marine nationale se retrouve amputée de moitié par les drames que l'on sait. Elle n'arme plus que quelque 300 vieux bâtiments disparates et déplaçant 350 000 tonnes, dont une partie provient de l’aide alliée. En 1946, le niveau souhaitable à atteindre est évalué à 750 000 tonnes. Un louable effort de reconstruction fut alors accompli entre 1951 et 1957. Mais depuis 1962 et le choix de la seule dissuasion nucléaire, – celle-ci étant devenue prioritaire dans un effort de Défense en diminution constante, – n'a cessé de décliner. Elle ne représente plus que 420 000 tonnes en 2021 et des effectifs de 40 000 personnes. Ne nous leurrons pas d'ailleurs quant à ces données purement statistiques : numériquement, l'unité opérationnelle la plus nombreuse de la Marine nationale est constituée du bataillon de marins pompiers de Marseille auquel sont affectés 2 400 hommes. Au total, malgré la qualité de ces personnels, notre Flotte ne constitue plus que la 7e force mondiale, en large déphasage par conséquent avec ses missions et les besoins de l'espace à défendre.

Ne l'oublions jamais, la patrie ce n'est pas seulement ce que Barrès appelait "la terre et les morts", ce doit être aussi, et plus encore, selon la formule de Claudel "la mer et les vivants".

JG Malliarakis  

Apostilles

  1. cf. L'Insolent du 18 octobre 2021 "In memoriam Laurent Wetzel"
  2. édité en 2012 chez Françoise Bourin

https://www.insolent.fr/

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