Même Le Monde s’en est fait l’écho : quelque 168.456 personnes ont participé à la « consultation citoyenne » lancée par la Collectivité européenne d’Alsace sur une sortie de l’Alsace de la région Grand Est qui réunit, depuis 2016, les ex-régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne. « Les Alsaciens pouvaient voter par Internet, en glissant leur bulletin dans l’une des 99 urnes réparties à travers la région ou encore par voie postale. » C’est un véritable score de république soviétique qui aura marqué cette « consultation citoyenne » : 92,4 % des votes validés se sont exprimés en faveur du « oui » au retour de l'Alsace sur ses terres, soit plus de neuf votants sur dix qui auront plébiscité cette perspective.
« Un résultat sans appel » pour le président de la CEA, Frédéric Bierry, qui ne s’était pas contenté de la nouvelle appellation de Collectivité européenne d’Alsace consentie en 2021 à la fusion du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, espérant ainsi doter la CEA de quelques compétences supplémentaires. Sa sortie du Grand Est pourrait donc avoir pour conséquence de rapatrier les compétences régionales à l’échelle alsacienne, une occasion historique pour l’Alsace de reprendre en main son destin.
L’Alsace aurait les mêmes démangeaisons émancipatrices que l’Écosse, la Catalogne ou la Wallonie. Car même si elle est l’une des plus petites régions de France, il y a nettement plus petit qu’elle, en Europe. Après tout, le Luxembourg est un nain, en comparaison : 2.586 km2 contre 8.280 km2, et 632.275 habitants contre 1.898.533 pour l’Alsace. En Autriche, la région du Vorarlberg compte moins d’habitants que le Haut-Rhin (399.284) et s’affirme mondialement dans le domaine des énergies renouvelables, avec 7,7 % de chômeurs. « Ce n’est pas la taille des régions qui est importante, rappelle fort opportunément Unser Land, mais leur cohérence et leur autonomie décisionnelle. »
Alors, comme Martin Luther King, faisons un rêve, rêvons d’une Alsace libre et autonome… Quand on creuse un peu le sujet, l’Histoire vient conforter la géographie : l’Alsace s’enorgueillit d’avoir été longtemps une terre libre, indépendante, jusqu’à son annexion par Louis XIV en 1648. En ces temps bénis d’avant le Roi-Soleil, Strasbourg comme Mulhouse, villes libres, levaient armée, battaient monnaie. Gutenberg y inventa l’imprimerie, Calvin y trouva refuge. Érasme, lors de son séjour à Strasbourg en 1514, y découvrit même la cité idéale de Platon dont il avait toujours rêvé, avec un gouvernement « sans despotisme, une aristocratie sans factions, une démocratie sans désordres, une richesse sans luxe, un bonheur sans arrogance. Oh, divin Platon, ici, en effet, il aurait été possible d’introduire ton État idéal... »
José Meidinger
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