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 La Monarchie fédérale, par Charles Maurras 2/4

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 La monarchie Fédérale

Le Bulletin de l'une des trois paroisses de ma petite ville m'est arrivé avec un poème provençal en l'honneur de saint Éloi, suivi d'un cantique à la gloire du même saint, en provençal toujours, suivi lui-même d'un sermon prononcé par le curé pour le jour de la Trinité, en provençal encore. À la fin du numéro, autre cantique en provençal. Le titre du Bulletin est seul en français d'oui ; encore porte-t-il une épigraphe de Mistral. Huit vers du grand poète servent aussi de devise et d'invocation aux Quatre Dauphins, la revue aixoise, qui est bilingue. Les jeunes gens de 1890 fondaient des revues cosmopolites ; elles s'appelaient, par exemple, Le Saint Graal. Ils entendaient exclure de leurs soucis et de leurs amitiés tout ce qui ne leur venait pas de Bayreuth; en 1912, au même âge, dans le même monde et la même classe, on a le cœur rempli du murmure des cloches, et des fontaines du pays natal, le tremblement de la mer natale, et nos jeunes Aixois prennent plaisir à émouvoir l'élite de Paris et des provinces en faveur des Saintes-Maries de la Mer menacées par le flot et qu'il faut endiguer à tout prix.

Le succès est-il acquis à ces grandes causes ? Ni la langue provençale, ni l'église des Saintes ne sont encore à l'abri des dévastations; le culte du sol sacré n'est pas encore inscrit d'office dans la vie publique et privée. Mais le mouvement est lancé ; d'année en année, il avance, il fait partie de la renaissance de la Patrie. À l'esprit public indifférent ou hostile succède peu à peu une aspiration favorable assez puissante pour s'exprimer et se définir.

Il n'est rien de meilleur. En travaillant à la reconstruction de la ville ou de la province, on travaille à reconstituer la nation. Le provençal ne fait aucun obstacle à l'épuration et à l'illustration de la langue française, et bien au contraire il y aide. Le patriotisme français nourri et rafraîchi à ses vives sources locales est peut-être un peu plus compliqué à concevoir et à régler que le patriotisme unificateur, simpliste, administratif et abstrait de la tradition révolutionnaire et napoléonienne. Mais comme il est plus fort ! Et surtout, comme il est plus sûr ! À la place d'un simple total de milliers de fiches contenues dans un carton vert, voici la plante naturelle qui boit la sève de son sol.

Aussi bien, si les amis de la patrie peuvent quelquefois s'égarer jusqu'à se prononcer contre les provinces pour un régime d'uniformité, les ennemis du patriotisme ne commettent pas la faute inverse. Leur haine est lucide ; elle unit dans la même insulte le drapeau de Wagram et les fanions de nos comtés, duchés, marches et bonnes villes ! Du temps où le vent qui souffle n'avait pas rallié Marc Sangnier à ce « patriotisme territorial » qu'il critiquait avec une si sincère âpreté, il avait bien soin de stipuler que ses sections du Sillon de Bretagne devaient s'appeler « le Sillon en Bretagne », nullement le Sillon breton, son association cosmopolite et anti-physique devant se retrouver la même partout. Les libéraux logiques et les anarchistes sincères, les économistes qui disent la planète est un atelier, comme Léon Say, les collectivistes à la Hervé qui lui font un si juste écho, sont tout à fait d'accord pour répudier la diversité des régions au même titre que la diversité des nations.

Tout ce qu'on dit contre la province vaut contre la nation. Tout ce qu'on dit contre la nation est utilisé contre la province. M. Sixte Quenin, aujourd'hui député socialiste unifié de l'arrondissement d'Arles, se prononçait, dès sa jeunesse militante, contre la délicieuse « chapelle » et le gracieux hennin des filles d'Arles ; ces belles choses lui paraissant coupables de n'être pas à l'alignement de Paris. D'ailleurs, disait M. Quenin, « on n'y peut rien, cela s'en va ».

À suivre

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