À compter de ce 1er mars, un nouveau dispositif est mis en place pour organiser le versement des pensions alimentaires entre parents divorcés. C’est désormais à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et à la Mutualité sociale agricole (MSA) que revient la tâche de prélever la pension alimentaire, directement sur le compte du conjoint redevable. Ce procédé répond à une demande qui s’est accrue ces dernières années, de plus en plus de mères seules se plaignant d’importants problèmes financiers en raison du refus du père de verser la pension alimentaire.
30 % des pensions seraient ainsi peu ou mal payées, et 32,5 % des familles monoparentales vivraient sous le seuil de pauvreté. C’est pour faire face à cette situation extrême que Marlène Schiappa a soutenu ce projet devant le gouvernement, appelant à former un « service public » des pensions alimentaires : concrètement, les caisses se verront transmettre le jugement de tout couple qui aura divorcé devant le juge, et l’accès aux données bancaires, fiscales et professionnelles des allocataires leur sera donné. Elles pourront alors vérifier les incidents de paiement, pallier le déficit financier de la personne qui élève les enfants (dans 85 % des cas, la mère), puis se retourner contre le parent mauvais payeur.
Aurélie Schaaf, directrice de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA) rappelle que ce dispositif n’est pas complètement neuf. La CNAF pouvait en effet déjà intervenir à la demande du parent lésé. Mais aujourd’hui, explique-t-elle à La Croix, il s’agit « d’inverser la logique ». « L’intermédiation devient la règle ; la demande de ne pas s’y soumettre, l’exception », se félicite le quotidien.
Si le projet de venir en aide aux mères seules semble tout à fait honorable, la démarche de systématisation de cette « intermédiation » entreprise le 1er mars l’est beaucoup moins. Il va de soi que les caisses doivent être réactives aux demandes de ces familles, mais est-ce vraiment la solution que d’ajouter une quantité astronomique de dossiers à des organismes déjà surchargés, en généralisant une déficience qui ne touche « que » 30 % des pensions ?
Outre ces questions d’ordre pratique, l’idée de considérer d’emblée le père comme une personne indigne de confiance, comme un incapable au secours duquel un « service public » devrait voler afin de le soustraire à toute forme de responsabilité, semble pour le moins réductrice. L’État paternaliste, en dévirilisant les pères, en leur volant arbitrairement leur place, ne fait que poursuivre la longue marche de déresponsabilisation enclenchée depuis une cinquantaine d’années. Ce « service public » mis en place pour remédier aux manquements du père n’est finalement que la conséquence de la loi de 1975 qui permettait aux couples de divorcer sans difficulté. L’État paye aujourd’hui les conséquences de simplifications successives des procédures de divorce, qu’il a lui-même mises en place, et tente artificiellement d’en colmater les fissures. Il n'a cessé d'attaquer cette cellule de base de la société que sont les familles. Aujourd'hui, il prend purement et simplement la place des pères indélicats en instaurant juridiquement leur désertion et leur refus des responsabilités, incitant désormais les mères à se tourner vers des organismes plutôt que vers celui qui s’était engagé envers elles.
Mais, rassurons-nous, « la mère ne paiera pas les frais de ces difficultés, puisqu’elle sera, de toute façon, soutenue financièrement », explique encore Aurélie Schaaf. Bien sûr, il va de soi que le cœur du problème est financier. Tout va pour le mieux, donc !