Le plan d’hébergement des demandeurs d’asile du gouvernement travailliste britannique vient de subir un coup d’arrêt majeur. La Haute Cour de Londres a en effet donné raison au conseil municipal d’Epping Forest (Essex), qui contestait l’utilisation du Bell Hotel comme centre d’accueil pour migrants. Une décision qui pourrait faire jurisprudence et fragiliser l’ensemble du dispositif national.
Un hôtel au cœur de la contestation
Depuis 2020, le Bell Hotel servait de lieu d’hébergement à des migrants arrivés clandestinement, en particulier via la Manche. D’abord ouvert sous les conservateurs, il avait été fermé sur ordre de Robert Jenrick, alors ministre de l’Immigration, avant d’être rouvert par le Labour après les élections, face à l’explosion des arrivées (plus de 28 000 traversées cette année).
Mais ce site était devenu le symbole d’une exaspération croissante. Le mois dernier, de violentes manifestations avaient éclaté après l’inculpation d’Hadush Kebatu, 41 ans, un demandeur d’asile éthiopien accusé d’agressions sexuelles, notamment sur une adolescente de 14 ans. Un scandale qui a cristallisé les colères locales et renforcé la mobilisation des riverains.
Le tribunal a estimé que l’usage du Bell Hotel constituait une violation manifeste du permis d’exploitation, l’établissement n’étant plus utilisé comme hôtel. Tous les migrants devront quitter les lieux d’ici le 12 septembre.
Réactions politiques et appel à la mobilisation
La décision a immédiatement enflammé le débat. Nigel Farage, chef de Reform UK, a salué une « victoire populaire », appelant les Britanniques à multiplier les manifestations pacifiques devant les hôtels de migrants pour pousser leurs conseils municipaux à engager des recours similaires. « Maintenant nous savons que nous pouvons gagner », a-t-il déclaré, promettant que les 12 conseils municipaux contrôlés par son parti engageront des actions en justice.
Le Parti conservateur, désormais dans l’opposition, a lui aussi encouragé d’autres collectivités à saisir les tribunaux. Chris Philp, porte-parole de l’opposition pour l’Intérieur, a souligné que le jugement risquait d’entraîner une cascade de procédures qui plongeraient la politique d’asile du gouvernement dans le chaos.
Certaines communes, comme Broxbourne (Hertfordshire), ont déjà annoncé envisager des démarches pour fermer à leur tour les hôtels réquisitionnés par le Home Office.
Pour le gouvernement, cette décision est un coup dur. La ministre de la Sécurité des frontières, Angela Eagle, a admis que l’exécutif avait hérité d’un système « brisé », rappelant qu’au plus fort de la crise plus de 400 hôtels étaient utilisés pour loger des demandeurs d’asile. Elle assure que l’objectif reste de fermer tous les hôtels d’ici la fin de la législature, en misant sur d’autres formes d’hébergement (logements vacants, anciens bâtiments publics, résidences étudiantes, etc.).
Mais les critiques fusent. Le conseil d’Epping Forest reproche au ministère de l’Intérieur son opacité et son autoritarisme, affirmant n’avoir jamais été consulté. Son leader, Chris Whitbread, considère la décision comme un « cas test » qui ouvre la voie à d’autres actions similaires.
Au-delà des aspects juridiques, cette affaire illustre une fracture profonde entre les élites politiques et la population locale. De nombreux Britanniques dénoncent la concentration de jeunes hommes isolés dans leurs quartiers, source selon eux d’insécurité et de tensions sociales.
Le jugement pourrait encourager d’autres communautés à reprendre la main par le droit et la mobilisation, transformant chaque hôtel de migrants en champ de bataille politique.
Avec plus de 200 hôtels encore utilisés à travers le pays, l’avenir du plan d’hébergement du Labour apparaît plus incertain que jamais.
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