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Quand la Chine se prépare

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Patrie de Sun Tsu et de quelques autres, l'Empire du Milieu nous donne chaque jour des signes bien repérables de sa stratégie et de sa montée en puissance. Comme le stalinisme, que Mao n'avait jamais renié, ce régime ne perd jamais de vue, mais à terme, ses ambitions révolutionnaires mondiales.

Ce 2 mars aux Nations Unies intervenait en effet un vote au sein de l'Assemblée générale. On votait sur une résolution "exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine". Ce texte a été adopté à une majorité qu'on pourrait considérer comme écrasante : 141 voix contre 5 et 35 abstention.

En théorie, en effet, la lutte contre la guerre fait partie des statuts de cette organisation que De Gaulle appelait le Machin. Quelques rares exceptions confirment la règle. Elles peuvent être rappelées : la guerre de Corée de 1950 à 1953, ou l'intervention militaire de 2011 en Libye résultaient de votes onusiens. Au contraire, pour ne citer qu'un exemple, les bombardements de l'OTAN sur Belgrade en 1999, pendant la guerre du Kossovo, n'avaient pas obtenu l'approbation du Conseil de sécurité.

Dans la crise ukrainienne, 193 États étaient appelés à se prononcer : 5 seulement ont voté contre la motion condamnant le Kremlin, soit, outre l'intéressée moscovite, la Biélorussie, la Corée du Nord, l'Érythrée et la Syrie.

Or, dans ce contexte, la Chine se trouve désormais au premier rang d'un groupe de 35 nations, dont les diplomaties respectives se sont abstenues. En commun ces pays se trouvent presque tous dans la dépendance de la finance chinoise. Leurs dirigeants peuvent bien dénoncer les sanctions antirusses, par leur rhétorique, comme le font Obrador au Mexique ou Maduro au Venezuela. D'autres, comme ceux de la Serbie, n'hésitent pas à s'aligner sentimentalement sur le grand frère slave de Moscou. Mais en fait économiquement tous dépendent de Pékin et de leurs dettes auprès de l'Eximbank, contrôlée elle-même par le parti communiste chinois.

Sur le terrain de la guerre en Ukraine, les forces russes n'obtiennent pas aussi rapidement que prévu les succès militaires à la mesure de leur écrasante supériorité.

Tout en menaçant les centres du pouvoir et notamment la capitale Kiev, l'énorme armée de Poutine n'avait réussi au matin de ce 3 mars, après en une semaine, à conquérir qu'une seule grande ville ukrainienne, Kherson, l'antique Chersonèse.

Cela non plus n'échappe pas à l'observation des dirigeants chinois.

La subtilité tout asiatique des relations russo-chinoises actuelles se mesure ainsi aux félicitations ambiguës que Xi Jinping adressait le 25 février à son interlocuteur russe, à propos des succès de son équipe olympique. En fait, il n'a échappé à personne que les sportifs russes ne participaient aux JO qu'à titre personnel en raison de scandales de dopage à répétition…

De l'autre côté du monde, ce 4 mars se réunissent les ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN et l'Union européenne. Soulignons ici que les instances communautaires ont validé la proposition de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen de franchir le Rubicon d'un engagement dans le domaine de la Défense. Prenons acte aussi du discours historique du chancelier Scholz le 27 février, dans le cadre d’une session extraordinaire du Bundestag à Berlin engageant l'Allemagne à un effort significatif dans ce domaine.(1)⇓

Croit-on qu'une telle révolution échappe au regard de Pékin ?

Certes la Chine communiste conserve la perspective de profiter de l'affaiblissement international et économique que va subir la Russie pour y développer son emprise : le but des maîtres de Pékin, sous le nom poétique et faussement nostalgique de "nouvelle route de la soie" d'étendre leur influence vers l'ouest, par la conquête lancinante de l'Asie centrale, et pour commencer du Kazakhstan. Disciples de Engels plus encore que de Marx, ils n'ont cessé depuis les débuts mêmes de l'ascension de Mao Tsé-toung, chef de guerre aux côtés du futur maréchal Zhu De, de développer leur conception politico-militaire.

Le monde d'avant traditionnellement engrangeait ses récoltes avant de déclencher la guerre. Cette sagesse millénaire incite le conquérant asiatique à tisser des liens économiques enserrant un nombre considérable de pays. Tel est le sens de la reconstruction du pays à partir de 1979 sous l'influence de Deng Xiaoping, En ce personnage les affairistes occidentaux ne voulaient voir que le réformateur économique. Ils oubliaient qu'en 1989, au moment du massacre de la Place Tan An men, il ne siégeait même pas au bureau politique. C'est seulement en effet en tant que président de la commission militaire qu'il destitua le secrétaire général du Parti Zhao Zi-Yang, hostile à la répression.

La Russie investit dangereusement dans des armes et des technologies militaires du XXIe siècle mais elle est retournée à une doctrine géopolitique du XIXe siècle. Quoique gouvernée par les anciens du KGB elle s'est désormais adossée à des conceptions politico-religieuses encore plus archaïques, déjà dépassées au tournant du XVIe siècle quand Ivan le Terrible jetait en prison le patriarche de Moscou avant de le liquider.(2)⇓

À Moscou, ce sont les forces économiques qui défaillent, les finances de pays ne tiennent plus qu'en fonction des ventes d'hydrocarbures et du pillage traditionnel des matières premières. Depuis le 28 février la bourse n'a pas ouvert. Le cours du rouble chute continuellement et où le taux d'intérêt a immédiatement bondi de 9,5 % à 20 %.

Ceci explique aussi les prises de distances entre Pékin et Moscou.

Dès le 27 février on pouvait le découvrir en lisant le texte alambiqué de l'agence Xinhua.(3)⇓

On apprenait que la vielle c'était avec la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss, le Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Josep Borrell ainsi que le conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron, que Wang Yi avait eu un échange de vues approfondi...

  1. Guerre en Ukraine : en Allemagne, la révolution du chancelier Olaf Scholz sur la politique de défense.
  2. cf. L'Insolent du 5 octobre 2008 "Saint Philippe de Moscou face à Ivan le Terrible"
  3. cf. "Le ministre chinois des Affaires étrangères expose la position fondamentale de la Chine sur la question de l'Ukraine"

https://www.insolent.fr/

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