Sur les réseaux sociaux, le hashtag McKinseygate n’en finit plus de grimper. « Le gouvernement a sûrement fait appel à McKinsey pour étouffer le scandale McKinsey ! » lance, à la cantonade, un twittos anonyme. Des photos de campagne détournées montrent un candidat Président dont on a pour partie changé le nom : Emmanuel Mackinsey. La syllabe commune tombe mal. Pour certains, par comparaison, le Penelopegate ressemblerait à une bluette provinciale : pensez, près d’un milliard d’euros, selon l’évaluation du Sénat, versé à une batterie de cabinets de conseil, le nom McKinsey donné à cette affaire étant une synecdoque.
« Ce n’est pas moi qui signe les contrats. Je vous invite à regarder le code des marchés publics. Le président de la République n’autorise aucune dépense », a déclaré Emmanuel Macron, légèrement Ponce Pilate, lors d’un déplacement à Dijon, lundi dernier. On doit donc comprendre que tout s’est fait dans son dos. Qu’il ignorait tout, qu’il ne savait rien. Tel Don Salluste dans La Folie des grandeurs : « Ce n’est pas moi, j’étais là, je priais. »
Sauf que le style très managérial adopté par Emmanuel Macron depuis cinq ans ne plaide pas pour cette thèse. Un faisceau de présomptions tend même à prouver, au contraire, qu’au plus haut sommet de l’État, il y a eu une volonté active, massive et décomplexée de recourir à des prestataires extérieurs « quoi qu’il en coûte ».
Il y a, tout d’abord, cette fameuse réforme de la fonction publique, entrée en vigueur en janvier 2022, qui procède à la disparition de l’ENA (devenue l’INSP) et à la mise en extinction de 17 grands corps de l’État dont la préfectorale, regroupés désormais dans un grand fourre-tout : le corps des administrateurs de l’État. L’idée, dit-on, est de rendre la fonction publique plus « opérationnelle ». Elle ne le serait donc pas aujourd’hui, ce qui expliquerait l’appel incessant à de la ressource externe ? En creux, c’est la justification qu’avançait Gabriel Attal, sur CNews, jeudi matin : « La réforme de la haute fonction publique doit nous permettre d’avoir moins recours à des cabinets de conseil. » Bref, démantelons cette bande d’incapables poussiéreux au parcours balisé « à l’ancienne » et tout va s’arranger. Il fait mine d’ignorer l’engrenage entre la poule et l’œuf : de plus en plus sur la touche, de moins en moins au courant des dossiers, la fonction publique perd son savoir-faire et sa capacité à réagir seule en situation de crise.
Il y a surtout ces techniques bien connues des grands groupes que l’on a cherché à plaquer sur le peuple français.
Tout d’abord les grands débats consécutifs aux gilets jaunes, semblables à ces concertations de salariés en entreprise dont on s’empresse ensuite d’oublier les doléances. Le simple fait de leur donner la parole est supposé avoir des vertus lénifiantes.
Ensuite, dans la crise sanitaire, l’usage du nudge. Cette méthode douce pour inspirer la bonne décision est issue du domaine marketing et a valu, en 2017, le prix Nobel d’économie à l’Américain Richard H. Thaler « pour ses travaux sur les mécanismes psychologiques et sociaux à l’œuvre dans les décisions des consommateurs ou des investisseurs ».
Enfin, pour faire craquer les plus réfractaires à la vaccination sans endosser les responsabilités inhérentes à l’obligation, le recours à la méthode du mobbing. Cette technique de DRH roué permet de se débarrasser d’un collaborateur sans les tracasseries juridiques d’un licenciement. On le met au placard, on le dénigre, l’évince des réunions et des missions, bref, on « l’emm.. » jusqu’à ce qu’il craque et démissionne.
Sauf que les Français ne sont pas des salariés ni des consommateurs. Par le suffrage universel, ils ont mandaté ce Président et lui ont confié, pour ce faire, cet argent durement gagné et aussitôt ponctionné que l’on appelle impôt. L’usage immodéré de cabinets de conseil dispendieux en lieu et place de fonctionnaires laissés sur la touche mais néanmoins rémunérés sonne donc pour eux comme une double peine. Comme Don Salluste, Emmanuel Macron va devoir prier : déposer un cierge pour que ce McKinseygate ne lui coûte pas sa réélection.
Gabrielle Cluzel
Tribune reprise de Boulevard Voltaire