Quinze jours. C’est le temps qu’il aura fallu au gouvernement pour réagir de façon officielle, par une conférence de presse, au rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire des cabinets de conseil, qualifiée par beaucoup de journalistes et de membres de l’opposition de « scandale d’État ». Une réaction gouvernementale que le Sénat n’a par ailleurs pas appréciée : par un communiqué du 30 mars, il indique : « Le Gouvernement continue de minimiser l’influence (avérée) des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Pour les ministres, l’appel aux consultants resterait “modéré et justifié”, voire “ponctuel”. » La chambre haute réfute cette version des faits.
Retour sur les réactions chaotiques du gouvernement sur cette affaire
Lors de l'émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, le 24 mars dernier, l’on demande à Gabriel Attal si l’affaire McKinsey constitue un scandale d’État. Réponse : « Alors pas du tout. […] Ça fait des décennies que c’est utilisé, dans tous les pays, y compris par des mairies et des régions… Ce qu’il faut, c’est les utiliser avec un cadre et avec parcimonie. Ce qu’il faut, c’est ne pas demander à un cabinet de conseil de faire quelque chose qui est dans les compétences qui sont dans l’État. » Le tout sur un ton parfaitement irrité. Ces questions le dérangent. Il justifie l’utilisation des cabinets « pour aller vite, être les plus agiles possible, pour pouvoir avoir un appui d’experts… » Résultat : l'État macroniste s'est copieusement gavé de consultants.
Bruno Le Maire, de son côté, joue la victime. Invité au micro de Sonia Mabrouk, sur Europe 1, ce mercredi, il affirme, très sérieux : « C’est la preuve de l’immense désarroi des oppositions qui n’ont pas réussi à déstabiliser Emmanuel Macron avec des propositions qui soient convaincantes pour les Français et qui, du coup, montent en épingle des affaires qui n’existent pas. Je rappelle que nous avons engagé des vérifications fiscales sur McKinsey avant le rapport du Sénat. » Peut-être, mais cela fait plus de dix ans que ces cabinets s'agitent dans les coulisses de l'État sans payer l’impôt sur les sociétés, malgré des chiffres d’affaires exorbitants. Par ailleurs, l'argument ne manque pas de sel, venant de celui qui soutint François Fillon avant de le lâcher, justement, parce qu’il était victime de la déstabilisation de ses adversaires.
Moins victimaire mais beaucoup plus grandiloquent, Emmanuel Macron lui-même n’a pas réussi à camoufler sa colère dans les studios de France 3, le 27 mars : « Que quiconque a la preuve qu’il y a une manipulation mette le contrat en cause au pénal ! » Rien que ça ! Il est clair qu’il n’y a rien d’illégal dans cette affaire, encore heureux. Mais ce que l’on reproche au gouvernement est un usage abusif de ces cabinets et un laxisme pour réclamer les impôts. « Il faut être très clair, car on a l’impression qu’il y a des combines : c’est faux ! […] Je ne suis pas persuadé que sous ce quinquennat, il y ait eu moins de contrat que sous certains autres. »
Le mot le plus cocasse, pour défendre le gouvernement face au scandale qui le guette, est à attribuer au ministre Amélie de Montchalin. Elle assure qu’« aucun cabinet de conseil n’a décidé d’aucune réforme » ! Ouf, nous voilà rassurés, ce n’est pas un cabinet américain privé qui dirige en France. Mais ces cabinets ont tout de même soigneusement préparé nombre de décisions. La différence peut être ténue. En plus d’être tardives, les réponses du gouvernement demeurent ainsi insuffisantes et légères pour un sujet extrêmement grave. Et l’argumentation employée est faible quand elle n’est pas hors sujet. Cela commence à faire beaucoup...
Matthieu Chevallier
https://www.bvoltaire.fr/face-au-scandale-mckinsey-le-gouvernement-fuit-et-sembourbe/