Hou hou ! Où est donc passé Emmanuel Macron ? Boulevard Voltaire se désespère, vous pensez bien ! Ces liens qui nous lient, etc. Le président de la République a disparu. Seul l’écho répond aux appels des Français. Il leur avait pourtant promis monts et merveilles, voilà quelques semaines à peine, lors des élections présidentielles. Macron avait fini par sortir, tardivement, de sa coquille élyséenne pour faire la campagne présidentielle la plus courte et la plus paresseuse de l’histoire de la Ve République. On l’a vu (un peu) entre les deux tours, un peu après aussi. Et puis, soudain, plus rien. Bip, bip, bip : les téléphones des médias appellent et sonnent dans le vide. Pfuit ! Volatilisé. A-t-il fui comme de Gaulle à Baden-Baden ? Ou comme Louis XVI à Varennes ?
Depuis les débordements du match de finale de la Coupe des champions au Stade de France, son silence s’est fait plus pesant encore. Et pourtant, le Président avait toutes les raisons de s’intéresser à la rencontre… N’est-ce pas Emmanuel Macron lui-même qui avait décroché auprès de la l’UEFA, l’organisateur de la Ligue des champions, que la finale se déroule non pas en Russie, comme prévu, mais au Stade de France à Saint-Denis, près de Paris ? L’UEFA avait remercié, fin-février, ce Président si efficace, si convaincant et si généreux « pour son soutien personnel et son engagement à relocaliser le match ». La France avait admiré le coup de génie, les fans de football avaient, l’œil humide, salué le geste du Président, les analystes avaient loué le coup politique. Ils sont surpris que le magicien Macron se soit envolé vers d’autres cieux, le week-end de l’Ascension. Il laisse courageusement sur la terre ferme ses deux apôtres, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Amélie Oudéa-Castéra, le tout nouveau ministre des Sports. À eux de se dépatouiller avec le dernier pataquès sécuritaire en date, celui de Saint-Denis. L'hôte de l'Élysée les laisse s’enferrer dans le déni, se débattre dans le piège les yeux grand fermés, tandis que la presse et les responsables politiques se déchaînent. Maudits Anglais !
Allons, on le comprend, notre Président. Il y a quelque chose de lâche chez bien des Français. Tenez, sur l’immigration, par exemple, combien de citoyens, délicats par ailleurs, préfèrent analyser les faiblesses de Le Pen, Zemmour ou Ciotti sur le dossier de l’immigration plutôt que de voter en responsabilité ? Macron fait de même, il a compris. Aux abris ! L’artillerie adverse finira bien par fatiguer ou pas manquer de munitions. Une fois qu’elle aura rappelé que le bilan macronien, en termes d’entrées sur le territoire, est le pire de l’histoire de la Ve République et que les chiffres des reconduites à la frontière n’ont jamais été aussi bas, une fois qu’elle aura constaté que la situation est, une fois de plus, hors de contrôle, elle se lassera. Ne pas bouger, ne pas sortir, ne pas remettre « une pièce dans la machine ». Ne pas, surtout, « faire le jeu du Rassemblement national » ni de Zemmour, à moins de deux semaines des élections législatives de juin. Le sujet est sensible, la droite ne supporte plus l’abandon de ce dossier immigration-sécurité, la gauche a fait des immigrés sa grande cause et son totem. « Père, gardez-vous à gauche, père gardez-vous à droite », prévenait Philippe le Hardi lorsque son père Jean le Bon se démenait lors de la bataille de Poitiers (1356). Emmanuel Macron se garde à gauche et à droite. Il met consciencieusement la poussière sous le tapis, volets et portes fermés.
On l’imagine volontiers tournant dans ses appartements devant le spectacle des sauvageons qui enjambent les barrières. Peut-être dit-il, à la façon du Président-maréchal Mac Mahon, en 1875, devant les crues de la Garonne : « Que d’eau, que d’eau ! » Le préfet du département avait alors répondu : « Et encore, Monsieur le Président, vous n'en voyez que le dessus… ! »
Macron ne veut voir lui aussi que le dessus. Il sait bien qu’il n’a désormais plus, sur cette affaire de match, que des coups à prendre. Le mal est fait. Virer Darmanin ne réglerait aucun des soucis de sécurité et d’immigration qui pourrissent paisiblement depuis quarante ans, son premier mandat compris. Et puis, il y a ces législatives. Il sait bien qu’il est le seul et unique atout de son camp dans cette bataille. Si son image prend l’eau, le navire LREM-Renaissance passe au fond. Enfin, il y a les échéances sportives, la Coupe du monde de rugby, les Jeux olympiques de Paris. Il lui faut se tenir au-dessus des éclaboussures du match que livrent ses deux ministres pour tenir sur cette ligne impossible : les Anglais ont fauté, et seulement eux. Si cette digue si fragile saute, l’eau risque de monter jusqu’à l’Élysée. Pour l’instant, le soldat Darmanin éponge et tient la position. Jusqu’à quand ?
Marc Baudriller
https://www.bvoltaire.fr/avis-de-recherche-on-a-perdu-le-president-macron/