Chambre d'enregistrement depuis des années, l'Assemblée nationale a changé de style depuis les élections législatives de juin. Pour la première fois depuis 1958, le résultat s'est révélé calamiteux pour ce qu'on appelle encore la majorité présidentielle.
Depuis lors, et compte tenu d'une situation politique actuellement quadrangulaire, le pouvoir exécutif multiplie les recours au fameux article 49.3 de la Constitution. Le 15 décembre, pour faire adopter le Budget 2023 le gouvernement dirigé par Mme Borne déclenchait une dixième procédure en 4 mois, la Nupes déposait une motion de censure. Celle-ci n'allait obtenir péniblement qu'une centaine de voix. La loi de finances était votée. Le tour était joué : mais pour combien de temps ?
Dès le 20 juillet, à l'Assemblée nationale, la présidente du groupe macronien, Aurore Bergé, pouvait déjà exprimer sa colère devant le comportement des députés de la Nupes. Empoignant le micro elle s'est exclamée : "Nous acceptons depuis le début des débats des heures et des heures d’invectives, d’interpellations, d’insultes, qui ne cessent de fuser de cette partie de l’hémicycle – elle désignait les rangs de la gauche. A un moment, ça suffit. Ça suffit. Ça suffit." Vaine imprécation.
On ne peut à vrai dire que déplorer le contraste entre la France et l'Angleterre : entre le fonctionnement, souvent tumultueux certes, mais rodé par les siècles, du parlement de Westminster, et cette impression d'assemblée générale gauchiste qui s'est développé depuis 6 mois au Palais Bourbon.
Quiconque a assisté à une séance même houleuse de la chambre des Communes à Londres, et plus encore de la chambre des Lords, comprend la différence entre les usages de nos deux pays. Au plus fort des déchirements, autrement décisifs et légitimement passionnels, sur le Brexit, le débat parlementaire demeurait dans certaines limites raisonnables, disciplinées par les rappels à l'ordre. Ceux de John Bercow demeureront dans les mémoires.
Au contraire, à Paris, sur des sujets aussi peu clivants, sur le fond, que la loi sur le pouvoir d'achat, le groupe LFI est parvenu à créer une tension, une grossièreté, un désordre qui annoncent de séances impossibles, le jour où des réformes plus douloureuses, des projets plus incertains ou des problèmes plus cruciaux seront abordés. Cette attitude de guerre civile n'a pas seulement indisposé le groupe macronien "Renaissance", au sein duquel domine la culture de gauche, mais manifestement aussi, on doit le souligner, toute l'Assemblée et ses neuf (!) autres groupes, y compris les groupes d'opposition de droite.
À vrai dire une telle réaction tendrait à suggérer pour l'avenir, non plus désormais un soi-disant "front républicain", mais une véritable entente nationale face l'extrême gauche. Si souhaitable qu'on puisse la considérer cette hypothèse demeure pourtant bien lointaine. La frontière politiquement correcte se ferme toujours au centre, au profit des mots d'ordre de gauche, et les oppositions nationales cultivent toujours leurs divisions. Le "pas d'ennemi à droite" semble toujours une utopie.
Les déclarations provocatrices de Mme Mathilde Panot, digne porte parole du groupe LFI, et l'attitude du vieux trotskard Mélenchon, candidat à la dictature, qui ne siège pas dans l'Hémicycle, mériteraient à cet égard de servir à justifier un tel retournement. Notre classe politique n'a toujours pas pris la mesure du vieux mot d'ordre prétendument "antifasciste". Lancé par le Komintern stalinien en 1935, il semble n'avoir jamais cessé de régner malgré la disparition des "fascismes" historiques et les trahisons de ceux qui l'avaient lancé alors.
Il y a un siècle, en 1922, devant l'horreur du bolchévisme et de sa Terreur Rouge, la Dépêche de Toulouse des frères Sarraut avait, un instant, essayé de faire comprendre au sein du parti radical-socialiste : "le communisme voilà l'ennemi". Curieusement, à la même époque, Maurras dans l'Action française répondait par une de ses formules à double sens, – comprises trop souvent à contre sens, – et dont il avait le secret, que : "le communisme est une affaire de police".
On peut regretter une telle absence séculaire de convergence. Elle a trop longtemps paralysé la naissance d'un grand courant conservateur, analogue à ceux qui ont empêché ou redressé les dérives gauchisantes, depuis deux siècles, dans plusieurs grands pays : en Angleterre dès le règne de Victoria, aux Etats-Unis à la mort de Roosevelt, en Italie aujourd'hui avec Giorgia Meloni.
En France au contraire, après ce "Moment conservateur"auquel Chateaubriand prêta brillamment son concours littéraire jusqu'en 1824, - avant de s'en séparer, hélas – on a trop vite oublié les réussites du gouvernement Villèle prolongées jusqu'en 1828. Et toutes les tentatives de redressement ultérieures se sont heurtées à la division systématique des droites.
Le simple bon sens commanderait à ceux qui ont "résolu d'être patriotes" d'en sortir.
JG Malliarakis