Le contraste est saisissant, évident même. Faut-il insister sur l’opposition entre la liberté de mouvement du “puissant” Macron, qui a claqué 500 000 euros en deux séjours au Qatar, à la fin de la semaine dernière, et la prise en otage des Français par des syndicats peu représentatifs, qui vont empêcher des centaines de milliers de personne de se rendre dans leur famille pour Noël? On annonce depuis hier soir que deux TGV sur cinq devraient être immobilisés la fin de semaine de Noël. La colère gronde et la direction de la SNCF a l’intention de rembourser deux fois le montant des billets annulés. Avec quel argent?
Un condensé du mal politique qui nous ronge
Tous les maux de la France actuelle sont concentrés dans le contraste que nous évoquons. Le président a depuis longtemps décollé – au sens propre et au sens figuré. Ses “voyages ont coûté environ 501.000 euros au contribuable, soit 31 ans de Smic. L’empreinte carbone des trajets présidentiels dédiés à la Coupe du monde s’élève à 480 tonnes d’équivalent” CO2, précise Le Point. Même si l’on pense que le calcul de l’empreinte carbone relève plus de l’idéologie que de la science, constatons que le président et sa majorité font de la “décarbonation” de l’économie une injonction permanente aux Français. Macron leur explique: “Faites ce que je dis; non ce que je fais”. Et puis quelle insulte aux gens, en pleine montée de l’inflation et devant les prix de l’électricité qui montent!
Pourtant, nous sommes en démocratie; Macron a été élu. Le système politique n’a pas su lui sécréter un adversaire à la hauteur. Un président ne gouverne jamais totalement contre son opinion publique. Les syndicalistes qui prennent les Français en otage vivent, comme Macron, de l’argent du contribuable. Et les dirigeants de la SNCF – oui je continue à dire “la SNCF” au lieu d’entrer dans le pseudo-marketing de marque d’une entreprise publique qui a fait sauté l’article défini, pour faire plus moderne mais est incapable de faire arriver ses trains à l’heure – les dirigeants de la SNCF, donc, ne sont pas beaucoup plus respectueux de l’argent du contribuable. Cette fois, on rembourse deux fois le montant des billets. Bientôt ce sera trois, cinq, dix fois? A moins que l’entreprise ait fait faillite entre temps.
Le décalage croissant entre les mots et le réel
Quand on regarde les médias du jour, on comprend qu’il y a plus que de la simple irresponsabilité d’individus non représentatifs ou qui trahissent leurs mandats respectifs en croyant que l’argent facile durera éternellement.
Regardons-nous comme corps collectif. Il y a moins de deux ans, nous étions rongés par l’angoisse d’une “pandémie” dont on avait l’impression que rien de pire n’était arrivé à l’humanité. Et voici que ceux-là mêmes qui vous disaient que vous ne pouviez pas prendre assez de précautions pour lutter contre un virus comme l’humanité en avait rarement connus, sont aujourd’hui occupés à justifier que l’on prenne tous les risques à défendre l’Ukraine contre la puissance nucléaire de la Russie. En l’occurrence, aucune précaution ne serait nécessaire. La plupart de nos médias exaltent ce jour la visite de Zelenski aux Etats-Unis, la valeureuse résistance du régime et de l’armée ukrainienne. Alors que l’Ukraine perd plus de 500 hommes par jour sur le front et que toute escalade entre les Etats-Unis et la Russie pourraient déboucher sur une dévastation nucléaire à côté de laquelle le “changement climatique” est un cauchemar de bébé. Sans oublier que, du fait d’une politique de sanctions mal conçue et mal dosée, le prix de l’énergie ne cesse de monter et l’inflation, de camouflée jusque là, est devenue bien présente et réelle.
En réalité, Emmanuel Macron est à sa manière plus lucide que bien des politiques et des journalistes. Le “en même temps” a été pendant plusieurs années, pour lui, un moyen de faire un grand écart entre les mots et le réel; de refuser de traiter la crise française tout en se donnant les apparences de l’efficacité et de l’esprit de décision. Le problème vient de ce que le grand écart ne suffit plus. Le projet de “réforme des retraites” est devenu le serpent de mer de la présidence Macron, le marqueur de l’impuissance réelle du président à réformer la France en profondeur. Le dernier subterfuge du gouvernement consiste à vouloir faire voter sa “réforme” en deux temps: un bout dans le projet de loi de finance rectificative, un bout plus tard….Aux calendes?
En pleine crise du Covid, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il soutiendrait l’économie française “quoi qu’il en coûte”. C’est déjà comme cela qu’il s’était sorti, sans l’avouer, de la crise des Gilets Jaunes. La semaine dernière, le président est allé au Qatar “quoi qu’il en coûte”. La SNCF rembourse les Français “quoi qu’il en coûte”. L’Ukraine vaincra la Russie “quoi qu’il en coûte” en vies ukrainiennes, en montée des prix de lélectricité, en faillites d’entreprises pour la France et ses partenaires de l’Union Européenne.
2023: quoi qu’il en coûte, toujours?
Gageons que l’année 2023 sera celle où l’on découvrira les limites de cette mentalité.
Emmanuel Macron avait connu le début des turbulences – l’affaire Benalla – au lendemain de la coupe du monde de football 2018. Il se pourrait que cet homme qui aime tant prendre l’avion pour un oui, pour un non, entre, après cette nouvelle coupe du monde où l’équipe de France est arrivée en finale, dans une zone de turbulences bien plus marquée qu’il y a quatre ans. Et le pays avec lui.