Ils sortiront sans doute de cette niche sans victoire parlementaire mais avec un coup politique. « LFI pourrait ne pas siéger demain et boycotter la niche parlementaire du RN » : lors de ses vœux à la presse parlementaire, Marine Le Pen a donné le ton de la journée de jeudi 10 janvier, importante s’il en est pour le groupe RN à l’Assemblée nationale. Prophétie, pari ou provocation à l’égard du groupe de Mathilde Panot ? Sans doute un peu des trois.
Comme La France Insoumise et les Républicains, les 88 députés du groupe RN vont, ce jeudi 12 janvier, user de leur droit de niche parlementaire pour présenter sept propositions de lois à l’ensemble de l’Assemblée nationale.
« On ne passera sans doute rien, mais nous démontrerons au moins le sectarisme des autres partis », sourit, désabusé, un député du groupe. Parmi les propositions du RN figurent en première position la proposition de loi rapportée par le député de Haute-Marne, Christophe Bentz, incitant les entreprises à augmenter de 10 % les salaires et celle rapportée par le député du Gard Pierre Meurin visant à supprimer les zones à faibles émissions.
« Les ZFE, c’est l’illustration absolue de la fracture sociale entre les populations urbaines et rurales », appuie Meurin. Un projet qui devait être porté par la députée Anne-Sophie Frigout mais qui a vu son élection annulée et est actuellement en campagne pour garder son siège champenois. Supprimer les ZFE, est-ce réellement une bonne idée pour réduire la fracture sociale ? Angle mort pour la majorité et les LR, ce serait une hérésie pour les écologistes et un embarras pour les Insoumis. Début janvier, ils réclamaient pourtant la suspension des ZFE dans un communiqué : « La mise en place des ZFE, dans son état actuel, ne répond pas à l'objectif affiché de protéger la population et construit une fracture sociale inacceptable dans l'accès aux villes. Nous demandons sa suspension pour que des alternatives puissent voir le jour. »
« Savoir aimer sans rien attendre en retour »
Suspendre et non réécrire, voilà une nuance qui pourrait donner à La France Insoumise une raison de ne pas voter le texte de Pierre Meurin et garder la ligne « pas une voix pour ou avec le RN » qui demeure la consigne à gauche. Sauf que Pierre Meurin a déposé, lundi, un amendement de réécriture de sa proposition de loi pour suspendre lesdites ZFE, soit presque, mot pour mot, la proposition de La France insoumise publiée dans le communiqué ci-dessus.
En bref, si la prédiction de Marine Le Pen se réalise, les Insoumis auront à choisir entre dogmatisme et intérêt général. Un calcul inconfortable pour la gauche, jubilatoire pour le RN qui restera fidèle à sa stratégie : « Voter tout ce qui va dans le bon sens sans calcul politicien », rappelle Meurin qui affirme qu’il « votera les amendements de réécriture de son texte déposés par La France insoumise ». Ce n’est pas la première fois que le groupe de Marine Le Pen piège ainsi La France insoumise. Ainsi, ils avaient repêché le texte porté par la députée LFI Caroline Fiat visant à réintégrer les soignants non vaccinés. Une manœuvre qui avait entraîné le retrait du texte de Mme Fiat sous la pression de ses propres collègues.
Sept textes pour rien ?
C’est, en tout cas, le scénario le plus probable. Le RN en a conscience et les rapporteurs davantage. « Le scénario le plus probable serait que l’Assemblée vote d’entrée la suppression des textes », affirme Pierre Meurin. « On a deux handicaps : être dans l’opposition et être au RN, deux raisons de nous détester du côté de la minorité présidentielle », affirme un collaborateur expérimenté du groupe. Là encore, l’exemple des ZFE est criant. « Quand vous avez un président de commission qui nous accuse de diviser les Français tout en défendant un dispositif fracturant nos territoires, on a tendance à soupirer », explique Meurin. On peut citer aussi ce député LR s’exclamant, en commission : « Les ZFE, c’est une bonne idée mais c’est injuste. » Ainsi, à l’instar de la proposition de loi défendue, jeudi 12 janvier, par le député RN Roger Chudeau d’instaurer l’uniforme à l’école, une idée défendue par Brigitte Macron, une idée sur laquelle planchent les députés Renaissance, une idée souvent lancée par LR. En bref, une idée majoritaire à l’Assemblée. Mais c’est le RN qui propose, alors..
Marc Eynaud