À en croire le journal Le Monde, une ombre menaçante planerait sur la Justice, un phénomène ancien qui connaîtrait une ampleur inédite : le « populisme judiciaire ». Les professionnels du droit interrogés pour en témoigner l’affirment avec certitude : un « tribunal médiatique » s’est instauré qui met en danger la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable.
Depuis le meurtre de la jeune Lola en octobre dernier, des médias peu recommandables, qui vont de Valeurs actuelles à l’émission « Touche pas à mon poste ! » de Cyril Hanouna, se déchaînent et encouragent les critiques envers une institution judiciaire accusée de laxisme et de lenteur.
Or, leurs « demandes de fermeté » trouvent « un écho réel dans la population », s’inquiète Le Monde, qui en veut pour preuve plusieurs enquêtes d’opinion, et notamment une étude publiée en décembre dernier qui nous apprend que « 61 % des interrogés estiment que "la Justice n’est pas assez sévère avec les petits délinquants" ».
Un expert a donc été convoqué au plus vite par Le Monde pour analyser la situation. Pour Denis Salas, magistrat et essayiste, le « populisme pénal », avec son discours radicalisé qui appelle à punir au nom des victimes, est le symptôme d’une société démocratique « réduite à une communauté d’émotions » qui « surréagit aux agressions réelles ou supposées, au risque de basculer dans une escalade de la violence et de la contre-violence ». Même analyse pour la bâtonnière Julie Couturier qui, lors de la rentrée solennelle du barreau de Paris, fin novembre 2022, dénonçait un « mouvement de fond où l’émotion l’emporte sur la raison et la vulgarité sur la nuance ». Le véritable danger qui menacerait les « fondements même du droit » serait donc un « culte de la victime » qui s’accompagne d’une demande populaire irrationnelle de punition.
Il faudra donc constater, une fois encore, l’incapacité de la gauche judiciaire à se remettre en question et à reconnaître les défaillances de son institution. Il est tellement plus facile de s’en prendre à cette plèbe qui lui demande des comptes en oubliant que la justice est pourtant rendue en son nom. Le peuple réel est décidément bien trop différent du peuple abstrait que son idéologie prétend servir.
Un peuple qui ne se révolte pas encore mais qui a bien compris que l’État ne jouait plus son rôle et ne parvenait pas à enrayer une poussée décivilisatrice qui ensanglante la France. Dans Boulevard Voltaire, le 16 janvier dernier, Clémence de Longraye rappelait la sinistre statistique de 44.000 attaques à l’arme blanche par an, soit près de 120 par jour.
Face à cette barbarie qui se banalise, qui nous fera croire que le danger proviendrait de la « vindicte populaire » et d’un « État pénal » trop répressif ? C’est bien tout le contraire, des victimes qui se taisent et un État impuissant incapable d’imposer son autorité et de faire respecter la loi commune.
En réalité, la violence et la criminalité prospèrent en grande partie du fait d’une idéologie antipénale et anticarcérale qui continue à dominer contre la volonté des Français. Derrière l’agitation, par la gauche judiciaire, d’une menace populiste, il y a surtout la volonté de maintenir son emprise idéologique sur l’institution. Combien faudra-t-il, alors, de destins brisés, de familles dévastées, de victimes ignorées pour que l’État se décide enfin à réagir et à garantir aux Français le droit fondamental à la sécurité ?
On rappellera à cette occasion une étude parue l’année dernière dans la Revue Française de criminologie et de droit pénal éditée par l’Institut pour la justice. Dominique-Henri Matagrin, magistrat honoraire, y faisait le constat d’une Justice pénale qui est d’abord une Justice « a-pénale », en complet décalage avec les attentes de la société. Parmi les chiffres révélés : sur l’année 2019 (avant la crise sanitaire), seulement 11,3 % des affaires signalées à la Justice avaient débouché sur une comparution devant un juge pour statuer sur l’existence et la sanction d’une infraction.
Face à la faillite de l’État, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, préfère cependant l’invective et le déni. Comme le rappelle Le Monde dans son article, au moment de l’« affaire Lola », il s’en était pris à la fois à l’extrême droite et à la droite, qu’il avait accusées, à l’Assemblée nationale, de se servir « du cercueil d’une petite fille de 12 ans pour en faire un marchepied ».
Nous pouvons être certains que la gauche judiciaire, animée par de trop nobles sentiments, ne transformera pas en « marchepied » la souffrance des victimes. Elle se contentera de s'essuyer les pieds dessus.