On se félicitera sans doute que Rishi Sunak et Ursula von der Leyen aient pu annoncer un accord, entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, sur un nouveau protocole nord-irlandais. Conclu à Windsor ce 27 février on peut en effet espérer qu'il mette fin au blocage absurde et insoluble qui empoisonnait, depuis deux ans, le fonctionnement du Brexit. Auparavant, et pendant des mois, cette affaire de frontière avait paralysé les négociations menées à la suite du référendum de 2016 par Michel Barnier.
Ses principaux interlocuteurs, tant Theresa May que Boris Johnson ne parvenaient pas eux-mêmes, à l'époque, à définir clairement leur réponse. La quadrature du cercle résultait des pressions et des inquiétudes venant des unionistes protestants de l'Ulster. Leur parti DUP était alors indispensable à la majorité gouvernementale à Londres. Soutenu en cela, aujourd'hui encore, par l'aile dure des "Brexiteurs" du parti conservateur, il se montrait résolu à empêcher que la libre circulation entre les deux parties de l'Irlande détache en quoi que ce soit le nord de l'île divisée, de son appartenance au Royaume-Uni.
Rappelons aussi que la préoccupation de l'Europe serait, également, de voir la République d'Irlande, qui sert de plateforme fiscale aux multinationales, devienne aussi, par le biais du protocole la porte d'entrée complaisante, sorte de paradis douanier, ouverte sans aucun contrôle aux importations venues du monde entier, via l'Ulster.
L'application de l'accord initial, conclu en janvier 2020 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2021 n'a cessé depuis lors de soulever des difficultés constantes aux points d’entrée sur les marchandises arrivant en Irlande du Nord depuis le reste du Royaume-Uni ou tout autre pays tiers, qu'il s'agisse de denrées périssables ou de produits pharmaceutiques, les entreprises dénonçant alors des formalités trop lourdes.
Le casse-tête chinois posé tant au cabinet de Londres et qu'à la Commission de Bruxelles s'était encore compliqué du fait de la carence du gouvernement de Belfast. En effet, le 3 février 2022, le premier ministre unioniste Paul Givan a démissionné, précisément pour protester contre l'application du protocole lui-même. Son retrait a mis fin au fragile accord avec le Sinn Fein représenté par la vice-première ministre, Michelle O’Neill…
Surmonter un tel contentieux artificiel, et passablement archaïque, semblait une urgence de bon sens en regard des vraies questions. Tous les pays européens, membres ou non de l'Union de Maastricht, doivent surmonter divers défis, par exemple en matière de défense commune, de réindustrialisation ou de lutte contre l'immigration illégale.
Pour l'Angleterre toutefois une des conséquences du Brexit ne s'est pas encore dénouée. Elle doit faire face à la revendication de l'Écosse. Le catastrophique gouvernement de Nicola Sturgeon s'est écroulé, enfin, le 15 février. Cette militante indépendantiste du SNP de toujours dirigeait sans concessions le pays depuis 2014 et l'avait passablement ruiné. Elle avait accédé au pouvoir après l'échec cinglant du référendum se proposant de mettre fin à plus de quatre siècles d'union. Cette formule remonte en effet à la mort d'Élisabeth Ire en 1603 ; elle a été consolidée par un Acte d'Union en 1707 ; et 55,3 % des suffrages exprimés ont clairement refusé d'y mettre fin. Fin de cette affaire ? Pas tout à fait
Deux ans plus tard, en 2016, le SNP dirigeait, malgré cette défaite, le gouvernement local à Edimbourg, bénéficiant toujours de larges pouvoirs. Et après son score référendaire de 44 %, il obtenait encore plus de 41 % des voix aux élections législatives et la majorité des sièges au sein de l'assemblée écossaise.
Bien plus le référendum de juin sur le Brexit donnait une nette majorité d'Écossais favorables, contrairement aux Anglais, au maintien dans l'Union européenne. Sur cette base Nicola Sturgeon imaginait pouvoir rejouer le match perdu et réclamer un nouveau vote en faveur de l'indépendance.
Pour cela, elle choisit délibérément de "gauchiser" son programme, quitte à appauvrir l'Écosse. Or, après avoir fait toutes les courbettes possibles au lobby LGBT et au wokisme, elle est tombée, en fait, sur l'introduction de la théorie du genre. En décembre 2022 le "Gender Recognition Reform Bill", permettant de changer d’identité de genre dès l'âge 16 ans sans avis médical, était votée en Écosse. Défiant la loi du Royaume-Uni autant que le sens commun, cette idée était défendue depuis des années par Mme Sturgeon et soutenue par la majorité "progressiste" de son parti.
Qui pour lui succéder à la tête du SNP ? Le bon sens et la compétence militaient pour Kate Forbes, 32 ans, ministre des Finances depuis 2020, de loin la plus prometteuse des trois prétendants. Làs, celle-ci a manifesté une opinion qui déplaît à la bien-pensance actuelle, revendiquant son appartenance à la branche la plus orthodoxe de l'Église presbytérienne d'Écosse, hostile à la Loi du Genre, au mariage "pour tous" et même restrictive sur l'avortement… Horresco referens… Kate Forbes, candidate chrétienne, serait-elle un caillou dans l’omelette ?
Beaucoup plus conformes à la doxa actuelle, ses deux rivaux, quant à eux, ont fait preuve au contraire de leur incompétence par exemple dans la gestion désastreuse du système médical d'État par Hamza Yousaf, le NHS écossais pire encore que son grand frère anglais.
Prédécesseur de Sturgeon l'ancien premier ministre écossais Alex Sturmond considère qu'elle a discrédité l'idée indépendantiste pour de longues années. On pourrait désormais [presque] souhaiter que le meilleur perde, que le SNP "progressiste" s'effondre, et que le nécessaire rapprochement entre la Grande Bretagne et l'Union européenne ne soit pas perturbé, après le dossier du protocole nord-irlandais, par une velléité destructrice de démembrer le Royaume-Uni.
JG Malliarakis