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Immigration et financement des O.N.G. : vers une jurisprudence SOS Méditerranée ?

Méditteranée

Par jugement du 3 mars 2023, la cour administrative d’appel de Paris a annulé la délibération du conseil de Paris adoptée en 2019 visant à accorder une subvention de 100 000 euros à l’association SOS Méditerranée. Sa décision est motivée notamment par le fait qu’elle estime que le conseil de Paris a par cette subvention interféré dans la politique étrangère de la France et la compétence des institutions de l’Union européenne. L’avenir dira si ce jugement ouvre une brèche pour les citoyens qui contestent devant les tribunaux le versement de subventions publiques aux O.N.G. dont les bateaux croisent en mer Méditerranée.

La subvention à SOS Méditerranée votée par le conseil de Paris

Il a beaucoup été question d’O.N.G. lors de la réunion du 11 juillet 2019 du conseil de Paris. Un vœu a été voté par une majorité d’élus visant à soutenir des capitaines dont les bateaux ont opéré en mer Léditerranée, « deux capitaines courage, Carola Rackete et Pia Klemp ».

Un an après cette marque de soutien, l’ancienne capitaine du Sea watch 3 C. Rackete déclarait : « nous devons démolir la forteresse Europe, créée pour laisser les pauvres mourir au large des côtes méditerranéennes où personne ne les voit ». L’engagement de Pia Klemp  qui a été capitaine des navires Iuventa et Sea-Watch 3 est tout aussi explicite. Elle déclarait ainsi en février 2021 : « je rejette un système basé sur le nationalisme, les frontières, le colonialisme et le racisme ».

Mais c’est une autre délibération du conseil de Paris qui refait surface aujourd’hui. Lors de cette même réunion des élus parisiens, une majorité d’entre eux a voté en faveur de l’octroi d’une subvention de 100 000 euros à l’association “SOS Méditerranée” « pour un programme de sauvetage en mer et de soins aux migrants dans le cadre de l’aide d’urgence ».

Pendant les débats, une élue y déclare notamment  : « il n’y a pas de crise migratoire, mais une crise de l’accueil en Europe (…) c’est son déshonneur, le déshonneur de la France qui est historiquement un pays d’émigration et d’immigration, d’avoir abandonné sa politique d’accueil pour des raisons électoralistes ».

La subvention votée par le conseil de Paris le 11 juillet 2019 n’est que l’une des très nombreuses autres accordées par des communes, des intercommunalités, des départements et des régions à l’association. Dans son dernier rapport d’activité, SOS Méditerranée France comptabilise ainsi près d’un million d’euros de subventions publiques qui lui ont été versées pour la seule année 2021. Comme nous le soulignions dans un article paru en novembre 2022, la Bretagne a fourni 40 % des subventions françaises à SOS Méditerranée en 2021.

Ténacité

Ténacité : voilà ce qui semble caractériser Monsieur B. Monsieur B, c’est la personne qui a porté devant la cour administrative d’appel de Paris sa demande visant à faire annuler la subvention versée par le conseil de Paris à l’association SOS Méditerranée.

Monsieur B avait préalablement saisi le tribunal administratif. Sa demande a en août 2021 été jugée irrecevable. Il a engagé un recours contre cette décision devant la cour administrative d’appel de Paris. Celle-ci a le 18 janvier 2022 annulé le jugement du tribunal administratif et renvoyé l’affaire devant cette juridiction. Le 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a une nouvelle fois rejeté sa demande, en se prononçant cette fois-ci sur le fond. Sans se décourager, Monsieur B a ensuite de nouveau saisi la cour administrative d’appel de Paris qui a non seulement considéré sa demande comme recevable mais aussi justifiée.

La décision de la cour administrative d’appel de Paris

Le jugement de la cour administrative d’appel (CAA) de Paris présente un double intérêt. Il constitue un revirement par rapport à deux jugements précédents de tribunaux administratifs relatifs à l’octroi de subventions à SOS Méditerranée. Ce jugement contient en outre une motivation jusque-là inédite.

La CAA indique de manière liminaire qu’« une collectivité territoriale peut légalement accorder une subvention à une association, même française, dès lors que cette subvention a pour objet de mettre en œuvre ou soutenir une action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire ».

Mais la CAA souligne également que « les responsables de l’association ont (..) publiquement critiqué, et déclaré vouloir contrecarrer par leur action, les politiques définies et mises en œuvre par l’Union européenne et les Etats membres en matière d’immigration et d’asile, de franchissement des frontières extérieures de l’Union et de maîtrise des flux migratoires, en particulier s’agissant des arrivées irrégulières le long de la route de la Méditerranée centrale, et d’accueil en Europe des ressortissants de pays tiers.

Cette action a, en outre, eu pour effet d’engendrer de manière régulière des tensions et des différends diplomatiques entre Etats membres de l’Union, notamment entre la France et l’Italie. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la transcription des débats qui ont précédé l’adoption de la délibération contestée, que le conseil de Paris a entendu s’approprier les critiques de cette association à l’encontre de ces politiques migratoires ».

En conclusion de la motivation du jugement, la CAA indique que «  dans ces conditions, en attribuant la subvention litigieuse par la délibération du 11 juillet 2019, alors même qu’elle est accordée au titre des aides d’urgence, le conseil de Paris doit être regardé comme ayant entendu prendre parti et interférer dans des matières relevant de la politique étrangère de la France et de la compétence des institutions de l’Union européenne, ainsi que dans des différends, de nature politique, entre Etats membres. Dès lors, M. B. est fondé, pour ce motif, à demander l’annulation de cette délibération ».

Une jurisprudence SOS Méditerranée ?

Il faudra suivre les suites judiciaires de cette affaire avec attention car elle intervient après deux jugements de tribunaux administratifs validant le versement de subventions par des collectivités à SOS méditerranée. Le premier a été rendu le 5 octobre 2021 et concerne une subvention de 20 000 euros accordée par le département de l’Hérault. Le second émane du tribunal administratif de Nantes le 19 octobre 2022, qui confirme la délibération du conseil municipal de Saint Nazaire visant à accorder une subvention de 10 000 euros à l’O.N.G.

Suite au jugement de la cour administrative d’appel, Ian Brossat, l’adjoint communiste à la maire de Paris, n’a laissé planer aucun doute sur le recours qui sera engagé devant le Conseil d’Etat. Il commentait dès le 3 mars sur Twitter la décision d’annulation de la délibération octroyant une subvention à SOS Méditerranée : «  Le Conseil d’État sera saisi. Nous sommes confiants ». Cette juridiction peut quand elle est saisie se prononcer sur le fond, mais peut tout autant renvoyer le dossier à la précédente juridiction afin qu’il soit rejugé. De nouveaux rebondissements sont donc à prévoir.

Parmi les autres réactions au jugement de la cour administrative d’appel, un député RN, Grégoire de Fournas a rapidement fait connaitre son intention de déposer un recours contre le versement d’une subvention accordée à SOS méditerranée par le département de la Gironde. Stéphane Ravier (Reconquête) informait pour sa part avoir engagé « la même procédure contre la Mairie de Marseille, en espérant le même résultat ». Ils seront peut-être suivis par d’autres.

Après l’adoption en début d’année par le parlement italien d’une nouvelle loi encadrant les opérations de sauvetage en mer, il s’agit d’un nouveau revers pour un modèle permettant à une immigration clandestine de plus en plus massive non seulement d’être secourue en mer mais aussi et surtout d’arriver systématiquement sur les côtes européennes. Le ciel semble s’obscurcir pour les O.N.G. en Méditerranée.

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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