Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rentrée scolaire : « Il n’y a pas de pensée mais des pansements »

Ancien inspecteur général de l’Éducation nationale, ancien conseiller éducation de François Fillon Premier ministre (2007-2012), ex-conseiller au sein des cabinets de Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale de 2005 à 2007, Roger Chudeau, député (RN) du Loir-et-Cher, dénonce un nuage de fumée derrière le train de décisions annoncées par le pouvoir en cette rentrée scolaire. Entretien.

Marc Baudriller. Pensez-vous que les dernières annonces du nouveau ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, qui revient sur certaines mesures de Pap Ndiaye, vont dans le bon sens ?

Roger Chudeau. Avec Gabriel Attal, il faut toujours distinguer le fond et la forme. Sur la forme, tout va bien. Nous avons un ministre jeune, dynamique, audacieux, qui a, semble-t-il, l’intention de renverser la table. Sur le fond, je suis un peu dubitatif. Sa conférence de presse, que j’ai suivie attentivement, consiste essentiellement en l’énumération d’une quinzaine de mesures soi-disant innovantes qui sont pour la plupart techniques et pas au niveau d’une politique éducative. Il annonce, par exemple, que les élèves de CM1 doivent écrire et les élèves de CM2 doivent lire : c’est comme cela depuis Jules Ferry ! Le ministre nous parle d’un « choc du savoir ». C'est une formule qui décoiffe, sauf que derrière celle-ci, il y a la nouvelle sixième, avec une heure de soutien en plus : une demi-heure de français et une demi-heure de maths. C’est du bricolage.

M. B. Derrière Attal, Emmanuel Macron s’intéresse-t-il enfin à l’éducation ?

R. C. Le président de la République a récemment déclaré que la question éducative était désormais régalienne et qu’elle appartenait au domaine réservé du président de la République. C’est totalement inédit. Mais ce que dit le ministre n’est pas du tout à la hauteur de cette ambition. Où est la politique éducative ? Il y a de petites mesures, et il n’y a pas de pensée mais des pansements. Gabriel Attal brasse beaucoup d’air, il est très doué pour la communication, mais quand il explique que le baccalauréat en juin est un grand progrès, alors que ce sont eux qui l'avaient avancé en mars, mon enthousiasme est un peu douché !

M. B. En cette rentrée, qu’attendriez-vous du ministre de l’Éducation nationale ?

R. C. Un vrai ministre de l’Éducation nationale commencerait par rétablir un certain nombre de choses détruites durant ces trente dernières années. Par exemple, les horaires d’enseignement du français au collège et au lycée ont diminué de près d’un quart, en trente ans. C’est pour cette raison que les élèves ne parlent plus qu’une langue approximative, font beaucoup de fautes d’orthographe et que, dans les copies de baccalauréat, on lit des choses invraisemblables… Il faut regarder le fond du problème, on n'enseigne plus assez les fondamentaux : les mathématiques, le français et l’histoire. Le ministre n’a pas de vision stratégique de ce que doit être l’éducation pour les cinquante prochaines années.

M. B. Faut-il réorganiser l’Éducation nationale ?

R. C. Il faut se pencher sur le remplacement des professeurs - la continuité éducative -, car c’est le temps qu’on doit aux élèves. Des millions d’heures sont perdues, souvent en raison de la pagaille qui règne dans le système. Le ministre l’a lui-même reconnu. Gabriel Attal nous dit que les remplacements de courte durée seront assurés par des volontaires, cela ne veut rien dire. Et s'il n’y a pas de volontaires ? Il n’y aura pas de continuité éducative. Ce raisonnement est typique de Macron : je dis une chose et, en même temps, je fais la moitié de ce qu’il faudrait faire. Selon moi, le remplacement est une obligation de service, il ne doit pas être confié à des professeurs volontaires mais doit être obligatoire.

M. B. Aujourd’hui, peut-on mettre en œuvre la même politique d’éducation nationale dans le centre de Paris ou Versailles et dans « les territoires perdus de la République » ?

R. C. Il le faut absolument. Il ne peut pas y avoir des sous-programmes pour les prolétaires et des super-programmes pour les enfants de la bourgeoisie. Il faut rétablir le caractère national de l’éducation, c’est la position du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir. Ce ministère est national, il y a un enjeu de cohésion nationale et sociale. L’école est le ciment de la nation. Il faut y mettre les moyens intellectuels. Les moyens financiers y sont déjà. Le système centralisé marchait très bien, sous Jules Ferry, ce système a été abîmé par trente ou quarante ans de gabegie, d’absence de pilotage et de sabotage de la part de la gauche et d’une partie de la droite, qui ont déconstruit l’école, soit par mépris, soit par aveuglement idéologique. Il faut mettre fin à cela, et notre slogan serait : renationalisons l’Éducation nationale !

Marc Baudriller

https://www.bvoltaire.fr/rentree-scolaire-il-ny-a-pas-de-pensee-mais-des-pansements/

Les commentaires sont fermés.