En effet, le sultan du Maroc, Abderrahmane (1778-1859), se laissa entraîner, en 1844, dans une lutte contre la France conduite par l’émir Abdelkader El-Djezairi (1808-1883), désireux de contrer la présence européenne sur le sol subsaharien. Ce conflit, connu comme la guerre franco-marocaine, s’acheva par le bombardement de la ville de Tanger ainsi que la victoire, à la bataille d’Isly, des troupes françaises menées par le général Bugeaud (1784-1869), alors gouverneur de l’Algérie.
Défait, le sultan du Maroc demanda la paix qui fut signée lors du traité de Tanger, le 10 septembre 1844, par lequel les vaincus reconnaissaient la présence française en Algérie et cessaient tout soutien officiel à Abdelkader. Mais ce traité permit aux autres puissances européennes, dans leur politique de colonisation de l’Afrique, de pouvoir s’installer sur le territoire marocain. En effet, ils pouvaient désormais y établir de nombreux comptoirs commerciaux et grignoter peu à peu les terres des sultans qui succédèrent à Abderrahmane. Le phénomène fut même accepté et légalisé par le sultan Hassan Ier (1836-1894) lors de la conférence de Madrid en 1880 permettant aux pays européens de posséder des terres marocaines, concédées avec l’accord du souverain marocain, et mettant fin à l’indépendance de ce royaume placé, de façon informelle, sous le contrôle de l’Europe.
Grâce à cet accord, le pays maghrébin s’ouvrit plus facilement au reste du monde. Ainsi le français Charles de Foucauld (1858-1916) réussit, avec l’aide du rabbin Mardochée Aby Serour (1826-1886), à cartographier, pour la première fois, certaines régions d’un pays mal connu et autrefois inaccessible aux étrangers et encore plus aux chrétiens. Ce travail valut au futur saint la médaille d'or de la Société de géographie de Paris, le 9 janvier 1885, ainsi que les Palmes académiques à la Sorbonne.
Mais la présence, de plus en plus importante, des Européens, notamment français et espagnols, sur le sol marocain fit monter un courant d’hostilité et entraîna l’assassinat de plusieurs personnes suspectées d’être des espions. Le meurtre du docteur Émile Mauchamp (1870-1907) poussa la France à faire occuper, en représailles, la ville d’Oujda par le général Lyautey (1854-1934).
La situation fut telle que le sultan Abdelaziz (1881-1943), jugé trop indulgent envers les Européens, est renversé par son frère Abdalhafid (1876-1937). Pourtant, ce dernier dut demander, à contrecœur, l’aide de son adversaire français, en 1911, en raison du soulèvement des différentes tribus qui composent le Maroc et qui assiègent le souverain, à Fès. Libéré par l’armée française, Abdalhafid accepta de signer, le 30 mars 1912, le traité de Fès, faisant du Maroc, non pas une colonie, mais un protectorat. C’est-à-dire un régime dans lequel un État protecteur contrôle un État protégé qui garde son autonomie politique intérieure.
Le pays fut alors placé sous l’administration du général Lyautey, nommé commissaire-résident général de la France au Maroc et qui s’efforça de moderniser le protectorat en le dotant d’infrastructures dignes de rivaliser avec certaines nations européennes ainsi que de nouvelles zones agricoles et voies de communication comme ce qu’avait pu faire la France en Algérie. Cette situation d’apparence paisible malgré quelques soulèvements dura jusqu’au début des années 1950. En effet, la Seconde Guerre mondiale ayant affaibli l’Europe, l’émergence du concept du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes permit la naissance, au sein du Maroc, d’un esprit d’indépendance et de liberté auquel le sultan Mohammed V (1909-1961) apporta son soutien, au risque d’être déchu, en 1953, de son trône par les autorités françaises. Ces dernières finirent par le rappeler au pouvoir en 1955 afin de procéder à la déclaration de l’indépendance du Maroc, le 2 mars 1956, et clôturant ainsi un chapitre de l’histoire franco-marocaine.
C’est par l’union de ce passé commun, jugé bon ou mauvais, que la France et le Maroc entretiennent aujourd’hui des relations apaisées.
Illustration : le général Lyautey remettant la Légion d'honneur au caïd El Glaoui et à son frère (Marrakech, octobre 1912).
Eric de Mascureau
https://www.bvoltaire.fr/france-maroc-un-passe-commun-long-de-plus-dun-siecle/