Pour évoquer cet ouvrage, nous avons interrogé celui qui a dirigé sa rédaction, tout en ayant fondé le mouvement Academia Christiana, Victor Aubert.
Breizh-info.com : En ce mois d’octobre 2023, où en est rendu Academia Christiana ? En quoi la sortie d’un livre en forme de bilan était-elle importante ?
Victor Aubert : Comme Breizh Info, TV Libertés, l’Institut Iliade, SOS Chrétiens d’Orient et bien d’autres œuvres très actives aujourd’hui, Academia Christiana a vu le jour en 2013, période des « Manifs pour tous ». 2013 marque le réveil de la jeunesse catholiques. Non seulement les fondements anthropologiques de notre civilisation sont en train d’être renversés, mais en République, vous n’avez pas votre mot à dire. Il n’y a alors que deux voies : chercher son confort en se mettant à l’abri du déclin, ou prendre ses responsabilités et agir pour le bien commun.
Ceux qui ont fondé Academia Christiana avaient eu la chance d’avoir beaucoup reçu : scoutisme, philosophie, histoire et l’exemple de leurs aînés. Ils ont voulu transmettre ce trésor à leur génération, celle des déshérités. Nous voulions que la formation serve l’engagement. Nous voulions proposer des pistes concrètes face à l’effondrement plutôt que se lamenter sur notre sort. Bâtir humblement sur le long terme. La première UDT accueillit une quarantaine de participants. Dix ans plus tard nous en organisons deux pendant l’été, mais aussi des sessions de formation dans toute la France, un grand colloque à Paris, des fêtes familiales, la publication de livres et des vidéos,… et nous projetons de développer tout cela en multipliant nos formations et évènements en France et à l’étranger. Partager cette aventure avec nos lecteurs est un moyen de les inspirer et de leur donner un peu d’espoir.
Academia Christiana est une sorte de logiciel “open source”, de même que nous nous sommes inspirés de ce qui fonctionnait à droite et à gauche pour bâtir notre navire, nous vous invitons à prendre chez nous les ingrédients dont vous aurez besoin.
Notre association est aussi une sorte d’OVNI dans le monde éducatif et culturel, nous voulions expliciter dans ce livre ce qui fait notre singularité. En dix ans, nous ne nous sommes pas faits que des amis. Le fait d’être inclassables suscite des incompréhensions. Nous voulions fournir à toutes les personnes de bonne volonté, des clés pour comprendre ce qui nous anime, et tenir bon face à nos nombreux détracteurs.
Breizh-info.com : Qu’est-ce que cette génération dans l’orage, dont vous parlez dans votre livre, sur vos affiches ?
Victor Aubert : C’est d’abord la mienne, celle qui est née entre 1985 et 2000. Dans la rue nous avons subi « l’enrichissement culturel » de la « diversité »; à l’école on nous a appris à avoir honte de nos ancêtres; à la télévision on nous a fait croire qu’être heureux c’était consommer; à l’église on nous a dit que l’important ce n’était pas la foi, ni la prière, mais la tolérance; à la maison les pédagogues ont dit à nos parents de ne surtout jamais nous faire subir de frustrations; et puis nous avons été abimés par la pornographie et le romantisme mensonger des séries américaines; parfois aussi par la drogue et la malbouffe. La génération dans l’orage comprend également celle qui vient, celle qui est née avec les écrans, qui a été empoisonnée par les réseaux sociaux et le culte de l’immédiateté. Ils vivent la même chose en pire. Nous sommes donc complètement déboussolés, impuissants, fragiles, inconstants, intoxiqués, déprimés… Academia Christiana est une réponse à la faillite éducative. Nous voulons proposer aux jeunes de retrouver le sens de l’effort, de redécouvrir une spiritualité traditionnelle, une colonne vertébrale intellectuelle, et de vraies amitiés pour se tirer vers le haut.
Breizh-info.com : Votre mouvement catholique a toujours prôné le débat spirituel, y compris avec ceux qui défendent le « paganisme ». En quoi est-ce important de rester sur cette volonté d’ouverture ?
Victor Aubert : Au départ il s’agissait surtout de convergence des luttes. Certains intellectuels de la Nouvelle Droite semblaient défendre, sur le plan naturel, les mêmes fondamentaux que la frange conservatrice des catholiques. Ensuite il y avait aussi une certaine forme de curiosité intellectuelle. Nous trouvions dans la revue Eléments, malgré la promotion d’un certain néopaganisme, beaucoup d’articles intéressants et éclairants sur notre monde. Par ailleurs, comprenons bien que la Nouvelle Droite et son paganisme sont sans doute une réaction face à la crise que l’Eglise a vécu après ledans l’après Concile Vatican II. En tant que catholiques « conservateurs », nous pouvons comprendre certaines critiques néo-païennes : l’absence de sacré dans la nouvelle liturgie, le discours victimaire et tiers-mondiste de certains prélats, la disparition de l’esprit missionnaire et chevaleresque… Nous sommes bien conscients de nos désaccords spirituels, mais si nous sommes sûrs de notre foi, ce sont des occasions de l’approfondir davantage. Enfin il s’agit surtout d’une ouverture nécessaire à l’évangélisation. Comment le message du Christ peut-il rayonner si nous restons dans l’entre-soi ? On nous parle d’évangéliser les musulmans, c’est très bien, mais on s’offusque que des catholiques parlent à des français païens.
Breizh-info.com : En quoi la communauté et l’enracinement sont-ils indispensables pour affronter les défis qui nous attendent demain ? Loin des postures que certains écrivent parfois sans aller au bout, en quoi est-ce que cela doit consister concrètement, selon vous ?
Victor Aubert : C’est l’individualisme consumériste, le centralisme jacobin, le laïcisme forcené et l’américanisation qui ont transformé les français en larves. Communauté, enracinement et spiritualité sont les trois remèdes salutaires. Nous sommes arrivés à un tel degré de néant que nous partons forcément de rien. Nos ambitions doivent être à la fois humbles et sérieuses. Ne fantasmons pas sur le village gaulois ou le modèle amish. Beaucoup d’entre-nous ont perdu tout lien avec la terre de leurs ancêtres. Il faut donc accepter que accepter que ce que nous bâtirons ne sera un retour identique à l’ancien. Les traditions et les communautés ont commencé un jour, pourquoi ne pourrions-nous pas être aussi des pionniers ? Il ne s’agit pas d’inventer n’importe quoi, mais de s’approprier des traditions dont nous avons été momentanément coupés, de retrouver leur sens originel en les pratiquant sans nostalgie ni crispation. Cette démarche spirituelle, communautaire et enracinée ne peut se faire que par petits pas. Cela peut consister par le fait de se mettre à la prière, d’aller à la messe, de s’installer dans la même région avec des amis, de célébrer des fêtes un peu oubliées comme la Saint Jean, la fête des morts, la semaine sainte ou les rogations. Ne nous illusionnons pas trop, à défaut de changer le monde, essayons au moins de faire en sorte de ne pas être changé par lui.
Breizh-info.com : Academia Christiana avait un chapitre présent lors du pèlerinage Feiz e Breizh cette année. Pour quelles raisons ?
Victor Aubert : Cet évènement représente parfaitement la synthèse à laquelle nous tentons de parvenir : enracinement dans nos patries charnelles et piété ardente. Cela pourrait être austère et triste, mais ici c’est une joie bouillonnante qui anime le défilé des pèlerins. Si les Bretons représentent une partie non négligeable de nos académiciens, notre chapitre était surtout composé d’étrangers. Comment participer à un tel pèlerinage pour la première fois lorsqu’on est angevin ou normand si ce n’est en se rattachant à un groupe que l’on connaît ? Notre chapitre a donc permis de faire découvrir la Bretagne et ses traditions spirituelles en donnant à tous l’envie de s’enraciner.
Breizh-info.com : Votre livre dresse un bilan d’une activité sur plusieurs années, mais ouvre aussi des pistes pour le futur. Car c’est bien demain qui vous importe non ?
Victor Aubert : Nous voulions à tout prix éviter l’écueil de l’auto-célébration. Nous avons toujours refusé d’être des conservateurs de musée ou les commentateurs passifs de notre chute. La formation doit servir l’action. Partant du constat de notre impuissance : nous n’avons ni le pouvoir, ni l’influence médiatique des déconstructeurs, il nous faut agir à notre échelle, là où nous sommes. Ce livre est donc aussi conçu comme un mode d’emploi : communauté, entreprise, militantisme, famille, contre-culture, église… Nous témoignons de nos expériences et donnons des conseils pratiques pour agir.
Breizh-info.com : Quel message souhaitez vous faire passer, finalement, aux plus jeunes de nos lecteurs qui vous lisent et qui pourraient, le cas échéant, être intéressés par vos activités ?
Victor Aubert : Rien de grand ne se fait sans sacrifice. Le bonheur ne doit pas être confondu avec un canapé, on n’est heureux qu’en se donnant. Alors rejoignez-nous pour servir, vous former intégralement et de la reconquête de vous même vous pourrez partir vers la reconquête des esprits et des cœurs.
Propos recueillis par YV
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