Francis Démier, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Paris-Nanterre, est spécialiste de l’histoire du XIXe siècle français. Il est l’auteur de plusieurs livres sur cette période et vient de publier chez Perrin Le coup d’Etat du 2 décembre 1851.
Il n’y a plus guère que les passionnés d’histoire qui connaissent l’opération “Rubicon”. C’est le nom donné au coup d’Etat mené par le président de la République en personne, qui n’est autre que le prince Louis-Napoléon Bonaparte. En ce 1er décembre 1851, il reçoit à l’Elysée. Il y a foule dans le palais illuminé où il a fallu ouvrir de nouveaux salons. Il y a là quelques députés, des ministres, mais aussi plusieurs personnalités du monde des affaires de la capitale. Les militaires, surtout, sont présents en nombre, notamment beaucoup d’officiers appartenant à l’armée d’Afrique. Le prince-président évolue dans la foule des invités. Il écoute avec un calme imperturbable les personnalités qu’il rencontre, sans impatience, sans laisser deviner la moindre émotion. Mais la fête n’est que le décor trompeur d’une nuit choisie par le président pour renverser la république.
La décision de coup d’Etat a été prise au milieu du mois d’août 1851 mais son exécution repoussée plusieurs fois avant que ne soit choisi, finalement, le 2 décembre, date anniversaire du sacre de l’Empereur et de la bataille d’Austerlitz.
L’opération “Rubicon” minutieusement préparée
Un peu avant 22h, le président a quitté la réception et rejoint Mocquard, ancien secrétaire d’Hortense, dans le salon d’argent qui sert de salle du conseil. Louis-Napoléon est rejoint un quart d’heure plus tard par le général de Saint-Arnaud et Maupas, préfet de police. Ils ont quitté les salons par la porte principale pour ne pas éveiller les soupçons, suivis du colonel de Béville, officier d’ordonnance du président qui a rejoint le groupe. Le général Magnan, commandant en chef de l’armée de Paris, est aussi dans la confidence mais il n’a pas quitté les salons pour rejoindre le petit cercle des conjurés. Il doit donner à trois heures du matin l’ordre de mettre sur pied toutes les troupes de la capitale avec vivres et munitions pour occuper des points assignés.
L’opération “Rubicon” lancée au petit matin du 2 décembre 1851 n’a rien à voir avec les coups de main approximatifs tentés par Louis-Napoléon à Strasbourg, puis à Boulogne. Il doit désormais se glisser dans le costume de César pour dénouer la crise profonde ouverte par la révolution de février 1848 et faire du coup d’Etat un de ces grands moments de bascule qui changent l’itinéraire d’une nation.
Les forces énormes mobilisées pour écraser toute résistance ne font pas défaut, de l’armée à la police, à la justice et l’administration. L’Elysée fait arrêter deux cents élus d’une Assemblée haïe de tous.
Cet ouvrage passionnant analyse tous les tenants et aboutissants de ce coup d’Etat, y compris la suite que vont y donner les grands noms de la finance, toujours prompts à s’adapter à toutes les situations.
Le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Francis Démier, éditions Perrin, 461 pages, 24, 50 euros
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