17 500 français de toutes conditions officiellement condamnés à mort durant la Révolution de 1789 !
Connu pour son Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française (6 volumes), ouvrage saisi par la police du Directoire, le journaliste Louis-Marie Prudhomme publia en 1796 son Dictionnaire des individus condamnés à mort pendant la Révolution en deux tomes.
Cet ouvrage contient la liste des quelque 17 500 Français et Françaises officiellement guillotinés durant la Révolution de 1789, essentiellement durant la Convention nationale (21 septembre 1792 – 26 octobre 1795).
Pendant les 38 mois que dura la convention nationale et son terrible système de gouvernement (La Terreur), le « Sang impur » qui abreuva leurs sillons fut très majoritairement celui de la classe populaire et des artisans de toutes nos provinces ; sans distinction de sexe et d’âge. C’est ce que démontre cette longue liste de victimes.
La Convention nationale avait mis en place une justice expéditive supprimant toute défense aux personnes déférées, ne laissant aux jurés des tribunaux que le choix entre l’acquittement ou la mort. La Grande terreur supprima toute garantie judiciaire pour les accusés. Ce sera l’enchainement des procès et des exécutions à tel point que les bourreaux finiront par se mettre en grève ! Le pic de condamnations sera atteint durant cette période de la Grande terreur (5 septembre 1793 au 27 juillet 1794).
Dans cette liste, on y trouve le plus grand chimiste d’Europe de son époque : Antoine Laurent Lavoisier. Agé de 50 ans, né et domicilié à Paris, membre de l’Académie des sciences, il fut condamné le 16 Floréal An 2 par le tribunal révolutionnaire de Paris. Le chef d’accusation transpire le fanatisme : « Complice de la conspiration des fermiers-généraux. Contre le Peuple, en mettant dans le tabac, de l’eau et des ingrédients nuisibles à la santé ». Lavoisier accusé d’empoisonner le Peuple. Motif tendancieux au possible !
Les motifs retenus, pour certains, nous semblent surprenant pour une république qui voulait garantir à tous la Liberté, l’égalité et la fraternité ! « Avoir protesté, le 25 et 27 septembre 1790 contre les lois émanées de la représentation nationale » (Délit d’opinion) ; « Receleur de prêtres réfractaires pendant quatorze mois, et pour avoir refusé d’indiquer leur asile » ; « Réfractaire à la loi du 28 ventôse an2 » ; « Convaincu d’avoir pratiqué des manœuvres fanatiques qui ont menacé les personnes et les propriétés » ; « Fanatique ayant déclarée que le jour de la Pentecôte, il y aurait de très grands évènements » (Domestique de 22 ans) ; « Fédéraliste » ; « Convaincu d’avoir chanté des chansons et tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, à l’avilissement et à la dissolution de la Convention » ; « Ennemi du Peuple ayant dit que la Convention n’était composée que de coquins qui ne cherchaient qu’à mettre le désordre dans toute la France, et à faire égorger les citoyens » ; « Ayant fait partie de rassemblements fanatiques et contrerévolutionnaires » (Religieuse) ; « Ennemi du peuple, ayant dit en passant devant un corps-de-garde : Voilà un corps-de-garde, je m’en moque, et vive le roi » (Brocanteuses âgée de 22 ans) ; « Ayant écrit des lettres contenant des propos tendant à l’avilissement des autorités constituées » ; « Convaincu de s’être apitoyé sur le sort de Hébert et de ses co-accusés » ; « Ayant refusé d’abjurer l’état ecclésiastique » ; « N’ayant pas de carte de civisme » ; Etc.
Le 31 mai 1795 vit la fin des « tribunaux criminels extraordinaires » (Comme ils se définissaient) et de leur justice expéditive aux ordres des plus fanatiques des révolutionnaires. La France revint, Non sans mal, au système judiciaire d’Ancien Régime. Le cas du maire d’Arras est exemplaire. Le 22 octobre 1795, le tribunal criminel de la Somme condamnât à mort Joseph Lebon, Député du Pas-de-Calais, maire d’Arras, ex-curé constitutionnel, ex-oratorien. Les accusations contre lui montre bien ce qu’a pu être ce mode de gouvernement par la terreur : « Convaincu d’avoir provoqué la conservation du tribunal révolutionnaire d’Arras et de Cambrai ; d’avoir ordonné l’arrestation des personnes qui s’habillaient proprement, et qui portaient d’autres bonnet que le rouge, de celles qui sollicitaient la liberté de leurs parents ; d’avoir ordonné au tribunal d’Arras de juger révolutionnairement tous les prévenus distingués par leurs richesses, leurs talents et leur esprit ; d’avoir tyrannisé et avili les autorités constituées, en déclarant que les maisons des membres du conseil général d’Achicourt seraient rasées, si les femmes, les baudets, les provisions de cette commune cessaient d’arriver en abondance sur le marché d’Arras ; d’avoir intimidé d’un coup de pistolet des citoyennes qui se promenaient sur les remparts d’Arras, les avoir fouillé lui-même, fait déshabillé la plus jeune en sa présence et frappé d’un coup de poing, l’avoir conduite, ainsi que sa mère, en état d’arrestation, quoiqu’il n’eût rien à leur reprocher ; d’avoir fait arrêter le père et la mère de Barbe Gérard, parce que cette jeune fille, à qui il demandait dans la rue, où elle allait, lui répondit sans le connaitre : Qu’est-ce que ça vous fait ?
De ce régime tyrannique, il reste les paroles de notre hymne national avec la fameuse phrase « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » et cette longue liste de simples français qui ont versé leur sang considéré comme « Impur » partout en France pour défendre leurs idées.
En mémoire de :
Janin Nicolas, gagne-denier (Qui vit au jour le jour), 72 ans, né à Dijon ; Janty Nicolas, cabaretier, domicilié à Lyon ; Jeanson Pierre-Claude, 22 ans, né à Lyon ; Jolie Marie-Barbe, fileuse, domiciliée à Paris ; Joudou Joseph, tailleur d’habits, domicilié à Avignon ; Joudrier Claude, perruquier, 36 ans, né à Dijon ; Jourdie Gracien, vicaire de Sevrac Lozère ; Jouval Joseph, laboureur, domicilié à Saint-Saturnin Vaucluse ; Jubin cadet François, 27 ans, vinaigrier, né à Bressieu Rhône ; Juery Jean, 30 ans, né à Perret Cantal ; Justamont Françoise-Madeleine, religieuse à Balsène Vaucluse ; Labrude Benoit, instituteur, 33 ans, né à Châtillon Vosges ; Lachaux François, journalier, domicilié à Saint-Génis-Malfort Loire ; Lacombe Abraham, 17 ans, serrurier, né à Varel Loire ; La Font Françoise, 42 ans, marchande mercière à Lyon ; Lagirousière Marguerite-Angélique, 48 ans, domiciliée à Verdun Meuse ; Langlois Marie-Jeanne, 22 ans, Née à Faverolles ; Lanoue Jean-Baptiste, 37 ans, peintre en bâtiment, domicilié à Paris … et tant d’autres accusés dont le « Sang impur » s’est déversé dans la Seine en venant de la place de Grève qui deviendra la Place de la Concorde nationale le 25 octobre 1795 !
Où trouver ce document en ligne ?
Tome 1 (Contient la première moitié de la liste des guillotinés)
Tome 2 (Contient la seconde moitié de la liste des guillotinés)