Une interpellation musclée
L’enjeu du procès qui s’ouvre aujourd’hui est de savoir si les coups portés - dont l’un a durablement blessé Théo - étaient légitimes et proportionnels. Face aux jurés, le principal accusé, qui répète sa « profonde compassion » pour Théo, explique : « J’ai utilisé un coup enseigné en école, à l’origine des blessures. J’estime que ce coup est légitime et règlementaire. » « Je suis intervenu pour dégager mon collègue qui était dans une situation très délicate dans le cadre d'une interpellation très difficile face à un individu qui se rebellait. J'ai utilisé un coup qui m'a été enseigné à l’école », insiste-t-il encore, comme le rapporte une journaliste présente sur place. Après lui, ses collègues réaffirment leur « compassion » pour les parties civiles.
Ces premiers témoignages à la barre nous ramènent au 2 février 2017, en fin d’après-midi. Ce jour-là, une équipe de la brigade spécialisée de terrain (BST), composée de quatre policiers, arpente la cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois, notamment un quartier réputé pour le trafic de drogue. Alors qu’ils procèdent à un contrôle d’identité, Théo s’interpose et frappe les fonctionnaires de police. Pour le maîtriser, les policiers rendent alors les coups et l’un d’eux assène un coup violent vers le bas du corps du jeune homme. Au cours de l’instruction, il assure avoir voulu viser la cuisse et non l’anus, contrairement à ce qu’a maintenu Théo pendant un temps. Après son interpellation, le jeune homme est hospitalisé et opéré. Sa blessure lui vaut une interruption temporaire de travail (ITT) de 15 jours.
Des policiers coupables avant le procès
Si Théo devrait, a priori, subir à vie les séquelles de cette blessure, les trois policiers aujourd’hui mis en cause restent, quant à eux, traumatisés par les violentes accusations portées à leur encontre dans l’espace médiatique. En effet, sur la base du premier témoignage de Théo, de nombreux médias accusent les fonctionnaires d’avoir voulu « violer » - un motif qui ne sera pas retenu par l’instruction - le jeune homme. Jean-Luc Mélenchon saisit alors l’occasion pour taper sur la police et dénonce « un acte de torture absolument infâme ». Des artistes s’engouffrent dans la brèche et signent des tribunes dans lesquelles ils répètent leur indignation face au comportement présumé des forces de l’ordre. Et dans la foulée, sans aucune prudence, François Hollande, alors président de la République, se rend au chevet de Théo, qu’il qualifie alors de « jeune homme exemplaire ». Pour rappel, ce « jeune homme exemplaire » sera par la suite condamné pour avoir détourné des fonds publics… À l'époque, Emmanuel Macron appelle, lui aussi, à une « justice pour Théo ». Même Éric Dupond-Moretti, alors avocat de Théo, osera parler de son client comme un « jeune homme violé ». Quelques mois plus tard, alors qu’une vidéosurveillance vient démentir les premières accusations portées par Théo, aucune de ces personnalités ne présentera ses excuses aux policiers pour leur jugement hâtif.
Emmanuel Macron ne semble pas avoir tiré les conséquences de cette dangereuse imprudence. En juin 2022, alors que l’enquête sur la mort du jeune Nahel - dont la mère s’est rendue, ce 9 janvier, au tribunal de Bobigny pour assister au procès des policiers - ne fait que commencer, le président de la République s'exprime publiquement et dénonce le geste « inexplicable, inexcusable » des fonctionnaires de police. Une nouvelle fois, un chef de l'État jette l'opprobre sur les policiers et fait peser sur eux une présomption de culpabilité.
Clémence de Longraye
https://www.bvoltaire.fr/proces-theo-sept-ans-dhysterie-contre-les-policiers/