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Pologne : la dérive autoritaire de la démocratie libérale (1/2)

« La Pologne est-elle devenue une démocratie illibérale ? », demandait Marie d’Armagnac dans ces colonnes, le 23 janvier, en décrivant certains développements inquiétants dans ce pays depuis la constitution du gouvernement de Donald Tusk, le 13 décembre dernier. Tout un symbole ! Le 13 décembre est la date anniversaire de l’instauration de la loi martiale par le général Jaruzelski et sa clique de militaires communistes, le 13 décembre 1981, qui mit fin pour quelques années au vent de liberté insufflé par le syndicat Solidarność dans la foulée de la visite du pape polonais Jean-Paul II dans son pays en 1979.

La Pologne, à l'avant-garde de la démocratie libérale

En fait, la Pologne gouvernée par Donald Tusk et sa coalition de libéraux, de centristes et de gauchistes (dont une poignée de dinosaures post-communistes), est aujourd’hui à l’avant-garde de la démocratie libérale. Sa sortie de huit ans de « populisme de droite » est vantée publiquement par le commissaire européen à la Justice Didier Reynders, par le ministre de la Justice allemand, par l’ambassadeur américain à Varsovie (Mark Brzeziński, fils du célèbre Zbigniew Brzeziński) qui s’affichait, il y a quelques mois, à la Gay Pride de Varsovie, et aussi par les médias de gauche des deux côtés de l’Atlantique. Tous ces gens appellent cela le rétablissement de la démocratie et de l’État de droit. Ils observent avec un intérêt appuyé mâtiné d’espérance les agissements de l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk : si l’expérience polonaise réussit, cela prouvera que la démocratie libérale peut non seulement reprendre le pouvoir après un « régime populiste » de droite ayant instauré une « démocratie illibérale », mais aussi qu’il peut le conserver en y mettant les moyens.

Précisons, ici, que le terme de démocratie illibérale a été inventé par Viktor Orbán il y a quelques années. Contrairement à ce qu’en disent les grands médias français, ce terme désigne dans l’esprit du dirigeant hongrois, ancien dissident anticommuniste, non pas la volonté d’instaurer un régime autoritaire mais, au contraire, de préserver une vraie démocratie face à la dérive autoritaire et totalitaire typique des démocraties libérales actuelles, avec leurs idéologies à la mode woke/LGBT. Des idéologies généralement perçues comme néo-marxistes dans les anciens pays de l’Est qui ont connu le marxisme traditionnel.

Or, cette dérive autoritaire de la démocratie libérale se trouve confirmée, aujourd’hui, par les moyens déployés par Donald Tusk et sa majorité gaucho-libérale pour « rétablir » l’État de droit sous les applaudissements de Bruxelles et Washington.

Premier acte, à partir du 19 décembre : la prise en main des médias publics. Selon la loi en vigueur en Pologne depuis 2016, c’est au Conseil des médias nationaux (RMN) de révoquer et nommer les dirigeants des médias publics. Et selon un jugement du Tribunal constitutionnel polonais de décembre 2016, la révocation et la nomination des dirigeants des médias publics directement par le gouvernement est contraire à la Constitution du pays. Mais pour la nouvelle majorité gaucho-libérale, inutile de voter une loi comme l’avait fait le PiS pour prendre le contrôle de ces mêmes médias, en janvier 2016, puis de changer cette loi en prévision d’un jugement défavorable du Tribunal constitutionnel sur cette première loi. Pour voter une nouvelle loi aujourd’hui, il faudrait éviter un veto présidentiel qui rendrait nécessaire un vote aux trois cinquièmes à la Diète. La coalition de Tusk ne dispose pas d’une telle majorité et il aurait donc fallu négocier avec Andrzej Duda.

Celui-ci avait, certes, donné des signaux de sa volonté de contribuer à une cohabitation pacifique et on sait qu’il n’appréciait pas le ton donné aux médias publics par le parti Droit et Justice (PiS) dont il est issu, mais négocier des changements avec lui aurait pris du temps et nécessité des compromis. Sachant que Washington et Bruxelles sont de son côté, de même qu’une majorité de médias polonais qui appartiennent au groupe médiatique germano-suisse Ringier Axel Springer ou bien comptent des fonds « sorosiens » parmi leurs actionnaires, le gouvernement Tusk a tout simplement utilisé la force. Son ministre de la Culture, tel un chef mafieux, a recruté des agences de sécurité pour sortir les dirigeants légitimes des médias publics et y mettre ses gens à lui. Et tant pis pour les petits tracas administratifs qui s’ensuivent, avec le refus des tribunaux d’enregistrer au registre des sociétés la nouvelle direction et le statut de liquidation des médias publics. Sans parler du refus du Conseil des médias nationaux de transférer le produit de la redevance télévisuelle à des directions de médias publics illégitimes. Le ministre a fait appel de ces refus et cela donne au gouvernement quelques mois pendant lesquels il continue de contrôler de fait les médias publics.

C’est contraire à la fois à la lettre et à l’esprit de la Constitution et des lois polonaises, tandis que ce qu’avait fait le PiS, en 2016, était tout au plus contraire à leur esprit à certains égards, encore que tous les spécialistes du droit ne soient pas du même avis sur la question. Les formalités étaient toutefois respectées : on votait une loi en bonne et due forme et on l’appliquait, tandis que la nouvelle majorité vote une simple résolution à la Diète sans aucune valeur légale et, ensuite, le ministre de la Culture de Donald Tusk l’applique en violant  ouvertement la lettre de la loi et de la Constitution.

À suivre.

Olivier Bault

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