On a beau se dire que cela relève d’une élémentaire lucidité et du simple bon sens, cela prend, dans le contexte de dictature que nous traversons, des airs d’originalité – et presque, osons le mot, de résistance. Charlie Hebdo, par la voix de Riss, a affirmé, dans son éditorial du 21 février, que la chasse aux sorcières contre CNews était objectivement absurde. Pourtant, ce journal n’est pas, on peut en convenir, de la même famille politique que CNews. L’un comme l’autre ont cependant un point commun : ils réfutent l’idée, effectivement difficile à défendre, de neutralité journalistique. Charlie est un hebdomadaire de gauche libertaire qui s’attaque à tous les totems dits « de droite », mais aussi à toutes les religions, et dont la rédaction l’a payé de sa vie. CNews est une chaîne d’information de droite qui s’attaque au wokisme et à la pensée dominante, et dont les journalistes le paient chaque jour par la mort sociale, l’opprobre et l’insulte. Laurence Ferrari a été attaquée par ses anciens amis, Sonia Mabrouk a été insultée sur France Inter par le directeur de Libération (et même Léa Salamé n’en a pas cru ses oreilles), Pascal Praud représente tout ce que les autres journalistes détestent.
Ce qui les rassemble, on l’a dit, c’est une même conviction : le journalisme est, par construction, une prise de parole, et il ne peut donc pas être neutre. Riss, dans son papier lucidement intitulé « Liberté d’expression, mon cul ! », met les pieds dans le plat : « L’objectivité journalistique n’existe pas. » Tous les médias sont des médias d’opinion. Il rappelle aussi que Charlie Hebdo a été parmi les plus virulents détracteurs du « très réactionnaire Vincent Bolloré ». Ce n’est donc pas une question de connivence, comme c’est pourtant le cas si souvent dans les médias. La vraie question est également posée par Riss : « Qu’y a-t-il d’illégal à insuffler une ligne éditoriale orientée politiquement, dans un pays démocratique ? » Nous y voilà.
À la vérité, nous ne sommes pas, nous ne sommes plus depuis bien longtemps, dans un pays démocratique. « Toutes les rédactions, poursuit l’éditorialiste de Charlie, hiérarchisent l’info et font le choix de mettre en avant certains faits et pas d’autres. » Oui, toutes, mais certaines hiérarchisent d’une manière correcte, certaines non. On appelle ça l’URSS. Et, pour paraphraser OSS 117, il n’y a pas besoin d’avoir froid et de porter des chapeaux gris ou des chaussures à fermeture Éclair™ pour vivre dans une dictature. Quand on traque les médias qui ne sont pas de gauche, quand on menace de ficher les journalistes selon leurs opinions politiques, quand les véritables décisions sont prises, à rebours de tous les sondages d’opinion et au mépris de la représentation nationale, par des juges socialistes (Cour des comptes, Conseil d’État, Conseil constitutionnel) dont le parti a réuni 1,75 % du corps électoral à la dernière présidentielle, on n’est pas en démocratie. Ça, pour le coup, ce n’est pas une opinion. C’est un fait. On peut trouver ça formidable ou misérable – mais on ne peut pas le nier.
Bravo à Charlie Hebdo, dont les opinions sont souvent à l’opposé de celles des lecteurs de BV, mais qui a le courage – remarquable, par les temps qui courent - de défendre le pluralisme politique dans les médias. Au fait, on rappelle au passage que François Jost, le très impartial auteur de l’étude qui criminalise CNews, refusait que l’on utilise le qualificatif de « terroriste » pour qualifier l’attentat commis par les frères Kouachi contre la rédaction de Charlie Hebdo, par « principe de précaution de langage, pour ménager la susceptibilité du public arabophone ». Et ça, on imagine que ce n’est pas politique…
Arnaud Florac
https://www.bvoltaire.fr/liberte-dexpression-le-courage-de-charlie-hebdo-dans-laffaire-cnews/