L’enfant d’un mariage raté
C’est le 20 avril 1808, à l’hôtel de la reine Hortense, situé à Paris rue Cerutti (actuelle rue Laffitte) et aujourd’hui détruit, que naît le jeune Louis-Napoléon Bonaparte. Troisième fils du couple royal de Hollande formé par Louis Bonaparte et Hortense de Beauharnais, il est en même temps le neveu et le petit-fils par alliance de l’Empereur. Le futur Napoléon III est aussi le premier enfant de la famille impériale né depuis la proclamation de l’Empire en 1804. Cependant, son père et son oncle étant absents de la capitale lors de sa naissance, on doit attendre le 2 juin avant de prénommer l’enfant. Baptisé deux ans plus tard à la chapelle de Fontainebleau, il a l’honneur d’avoir comme parrain l’Empereur et comme marraine la nouvelle impératrice Marie-Louise. Seulement lors de cet événement solennel, une personne manque à l’appel : le propre père du baptisé. Son absence est alors le symbole de l’échec du mariage arrangé par Napoléon Ier entre son petit frère préféré et sa tendre belle-fille.
Une ascendance contestée et contestable
En effet, le couple royal de Hollande est loin d’être une histoire d’amour. Hortense de Beauharnais, par incompatibilité d’humeur avec un mari irascible, ne cesse de se prendre plusieurs amants. Le bruit court alors que le nouveau-né n’a pas une seule goutte de sang Bonaparte dans les veines. Une rumeur que le frère de l’Empereur ne dément même pas, selon Louis Girard qui raconte, dans son Napoléon III, que « Louis assura qu’il n’était pas le père ; puis les commérages de la Cour, puis les pamphlets anglais en répandirent le bruit. Plus tard, les ennemis politiques de Napoléon III devaient reprendre le thème avec persévérance : l’héritier de l’Empereur n’était pas un Bonaparte. » Il faut dire que la liste des potentiels prétendants à la paternité est bien longue. En effet, le titre de père du petit Louis-Bonaparte pourrait être confié à de nombreuses personnes : à l’amiral hollandais Verhuell, au propre frère de ce dernier, au futur président du Conseil Élie Decazes, à l’écuyer Charles-Adam de Bylant ou encore au préfet du département des Pyrénées que visitait la reine Hortense lors de la conception du futur Napoléon III. À ceux qui douteraient que la fille de Joséphine puisse avoir des amants, il est bon de rappeler que de sa future relation avec le beau Charles de Flahaut naîtra, en 1811, le duc de Morny, qui sera l'un des grands personnages du Second Empire.
Un problème pour la succession impériale
Toutes ces histoires de coucherie pourraient néanmoins mettre à mal les projets de succession de l’Empereur. En effet, Napoléon Ier, n’obtenant pas d’héritier légitime avec sa première épouse Joséphine, réussit à assurer la continuité de sa dynastie. Ainsi, par le sénatus consulte du 28 floréal de l’an XII (18 mai 1804), la succession du Premier consul est assurée par ses frères Joseph et Louis. Le premier n’ayant que des filles, c’est au second et à ses fils que l’on destine la couronne impériale si l’Empereur venait à disparaître. Seulement, la naissance de l’Aiglon en 1811 vient mettre fin à ce projet mais aussi aux problèmes des ragots sur la vie conjugales des souverains de Hollande.
Il faudra alors au futur Napoléon III attendre la mort de son frère aîné en 1831 et de son cousin en 1832 pour devenir, malgré le mystère autour de sa naissance, l’héritier et le prétendant au trône impérial. Mais malheureusement pour nous, bien que « de toutes les hypothèses, la plus vraisemblable est encore celle de la paternité du roi Louis », selon Louis Girard, cette vérité sur l’ascendance de Napoléon III réside peut-être, pour toujours et à jamais, dans le secret du cœur mais aussi un peu dans le lit de la reine Hortense.
Eric de Mascureau
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