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Ákos Bence Gát : « Des forces sont à l’œuvre afin de réaliser les États-Unis d’Europe. »

Le MCC Brussels est un centre de réflexion installé à Bruxelles et qui émane du centre de formation de jeunes talents hongrois Mathias Corvinus Collegium. Au sein de la, de facto, principale capitale de l’Union européenne, cette institution organise des événements liés à l’actualité européenne et défend le principe de l’Europe des nations face au supranationalisme.

Ákos Bence Gát, qui est le responsable des affaires européennes du MCC Brussels, a réalisé un rapport, intitulé « The United States of Europe: the reality behind the narratives » (Les États-Unis d’Europe, la réalité derrière les récits), qui établit que des forces sont en œuvre au sein des institutions de l’Union européenne et de certains de ses États membres afin de réaliser « les États-Unis d’Europe », qui signifieront la fin de la souveraineté des États membres.

Lionel Baland l’a rencontré et interrogé en français, à ce propos, pour Breizh-info.

 

Breizh-info : Pourquoi avez vous rédigé ce rapport à propos de la volonté de certains acteurs politiques de réaliser « les États-Unis d’Europe » ?

Ákos Bence Gát : J’ai écrit ce rapport de 80 pages sur la question des États-Unis d’Europe car je pense que ce qui se déroule au sein de l’Union européenne est souvent méconnu par les citoyens qui ne s’occupent pas de cela, alors que l’enjeu est très important. De nombreuses personnes ignorent que l’Union européenne se transforme progressivement en une entité complètement supranationale car cet objectif n’est pas annoncé par ceux qui désirent l’atteindre. Ces derniers préfèrent parler de « plus d’Europe », plutôt que d’affirmer que la centralisation au sein de l’Union européenne de telle ou telle compétence est désirée par eux, car l’Europe en tant que concept a une valeur ajoutée, alors que la mise en avant de la modification de rapports de force et de pouvoir au sein des institutions européennes et parmi les États membres est perçue négativement par la population.

Cet écrit constitue un exercice démocratique, car je désire mettre cela en avant afin que tout le monde le sache et que les citoyens disposent des informations suffisantes lorsqu’ils construisent leur opinion.

Parfois, les dirigeants politiques se lâchent et expriment ouvertement leurs désirs – au cours des dernières années, plus qu’auparavant –, alors que, d’autres fois, ils le font de manière cachée. Pendant ce temps, ils changent la donne au sein de l’Union européenne.

Ainsi, l’actuelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré autrefois : « Mon objectif, ce sont les États-Unis d’Europe, sur le modèle des États fédéraux comme la Suisse, l’Allemagne ou les États-Unis. » Le président de la République française Emmanuel Macron a dit : « Nous avons plus que jamais besoin de l’Europe, soyons clairs. Pour défendre nos intérêts face à la Chine ou aux États-Unis, nous avons besoin de plus d’Europe. Pour réussir la transition climatique, nous devons le faire au niveau européen. Nous avons besoin de plus d’Europe si nous voulons nous nourrir avec succès, si nous voulons faire face aux changements majeurs en matière de migration, de numérisation et de technologie. »

Breizh-info : Dans ce cadre, le droit de veto des États membres de l’Union européenne est important ?

Ákos Bence Gát : Oui, car cela fait partie d’un débat plus large, entre les tenants d’une Europe des nations et ceux d’une Europe supranationale, sur la répartition des compétences. Je n’aime pas la notion du veto, car elle conduit à une mauvaise interprétation politico-juridique des traités européens. Le veto laisse penser que l’Union européenne a le droit de décider dans les matières les plus sensibles, telles que la politique extérieure ou la politique de la défense mais que, exceptionnellement, un État membre peut opposer un veto. Or, ce raisonnement repose sur une logique inversée. En effet, un des principes fondamentaux de l’Union européenne est le principe d’attribution, c’est-à-dire que l’UE ne dispose que des compétences que les États membres lui ont attribuées. En conséquence, celles non-attribuées restent les prérogatives des États membres. Les questions pour lesquelles les traités prescrivent des décisions à l’unanimité sont des sujets à propos desquels les États-membres ont décidé de ne pas attribuer un pouvoir de décision à l’Union européenne à la différence d’autres domaines, essentiellement économiques, au sein desquels l’UE dispose de compétences étendues.

Et ce n’est pas par hasard. Dans les domaines relevant de l’unanimité, l’UE ne peut agir que s’il y a un accord manifeste entre tous les États membres afin d’aller dans la même direction. Dans ce cas, les institutions peuvent servir de relais pratique pour aider l’action commune des États membres. En revanche, s’il n’y a pas un accord unanime, l’UE, par respect à l’égard de la souveraineté nationale et de ses propres traités fondateurs, doit abandonner l’idée d’action commune et surtout ne doit pas chercher à obtenir, à tout prix, une décision unanime. Il faut accepter que dans ces domaines situés au cœur de la souveraineté nationale, le choix souverain des États reste le principe et l’action commune l’exception. Exhorter à obtenir l’unanimité par la pression politique ou financière constitue, en conséquence, un abus dans le domaine du droit et de l’État de droit européen.

Breizh-info : Parmi les différences tendances politiques présentes au sein de l’Union européenne, quelles sont celles qui désirent réaliser à terme les États-Unis d’Europe ?

Ákos Bence Gát : Au sein du Parlement européen, 76 députés européens sont membres du groupe Spinelli qui travaille pour réaliser les États-Unis d’Europe, soit une Europe fédérale, une Europe supranationale. Ce groupe informel compte plus de membres que certains groupes formels du Parlement européen et comprend des députés européens de tous les groupes, à l’exception de deux d’entre eux, qui sont patriotes : les Conservateurs et réformistes européens (ECR) et Identité et démocratie (ID).

Mais nous devons être attentifs également à ce qui se passe dans les États membres. Par exemple, en observant la donne au niveau de l’axe franco-allemand, nous voyons que l’accord de gouvernement allemand, établi par les sociaux-démocrates du SPD, les écologistes du Bündnis 90/Die Grünen et les libéraux du FDP, indique que le but de la coalition est de faire avancer l’idée et la réalisation de l’Europe fédérale, alors que Monsieur Macron parle souvent d’une souveraineté européenne et de l’attribution de plus de compétences au niveau supranational.

Breizh-info : À l’issue des élections européennes de 2024 qui devraient voir les partis patriotiques connaître une forte croissance, cette tendance se poursuivra-t-elle malgré tout ?

Ákos Bence Gát : Ceux qui croient en une Europe centralisée, en une Europe complètement supranationale, ne vont pas changer d’idée, mais peut être, et cela n’est pas certain, de discours.

Breizh-info : Deux gouvernements, ceux de la Hongrie et, jusque récemment, de la Pologne, posent un problème aux adeptes d’une Union européenne supranationale. Ces derniers vont-ils tenter, malgré tout, de passer outre ?

Ákos Bence Gát : La Hongrie est soumise à une pression politique et financière continue et cela constitue un précédent et un message aux autres pays : tous ceux qui tenteront de résister au sein de l’Union européenne au courant dominant pourront rencontrer des problèmes.

Breizh-info : Des individus isolés peuvent aussi rencontrer des problèmes. Par exemple, en Allemagne, des membres ou sympathisants du parti patriotique Alternative pour l’Allemagne (AfD) subissent des désagréments : des policiers, des enseignants, des fonctionnaires, …

Ákos Bence Gát : Je crois à l’idée européenne de la liberté d’expression et je pense que le droit doit être respecté au sein de tous les États-membres et aussi de l’Union européenne.

Breizh-info : Ceux qui désirent réaliser les États-Unis d’Europe pensent-ils y arriver d’abord avec le nombre actuel d’États-membres ou vont-ils tenter immédiatement d’élargir le nombre de pays membres de l’Union européenne ?

Ákos Bence Gát : La question reste ouverte. Un processus d’élargissement est en cours, dans un nouvel élan, avec l’Ukraine qui est devenue candidate à l’entrée dans l’Union européenne. Cela peut avoir des effets sur le statut d’autres pays qui sont dans la file d’attente depuis longtemps et qui se trouvaient originellement dans une phase plus avancée. L’idée de changer les traités, de modifier la structure de l’Union européenne et de réformer cette dernière existe. Une tentative de lier les deux, de conditionner l’élargissement à une réforme des traités, constitue aussi une possibilité, mise en avant par Monsieur Macron. Mais, évidement, certaines autres personnalités politiques désirent seulement l’élargissement et d’autres uniquement la modification des traités.

D’autre part, ceux qui critiquent les tendances centralisatrices au sein de l’Union européenne sont stigmatisés et démonisés. Celui qui désire préserver l’Union européenne actuelle est qualifié d’« eurosceptique ».

Propos recueillis par Lionel Baland

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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