Un bâtard légitimé
Né le 24 février 1547 à Ratisbonne, Juan est le fruit d'une liaison adultérine entre Charles Quint et Barbara Blomberg. Bien qu'illégitime, et ignorant tout de l’identité de son père, le jeune enfant est protégé de loin par l’empereur du Saint Empire romain germanique qui veille sur lui et s’enquiert de son éducation. Avant sa mort en 1558, Charles Quint, souhaitant lui garantir un avenir digne de son sang Habsbourg, exprime le souhait que son fils soit légitimé et pris en charge par son frère aîné, Philippe II d’Espagne. Respectant les dernières volontés de son père, Philippe reconnaît son demi-frère et lui accorde le titre de Don Juan d’Autriche. À ce moment, il lui révèle aussi le secret de sa véritable filiation : « Philippe II demanda à l'enfant s'il savait bien qui était son père. L'enfant ne répondit pas ; alors le roi dit : "Prenez courage, mon Enfant, vous êtes fils d'un homme illustre ; l'Empereur Charles, qui vit dans le Ciel, est votre père et le mien." »
Doté de grandes capacités militaires, Juan se distingue rapidement et souhaite faire ses preuves auprès de ses pairs. Ses premiers succès surviennent ainsi lors de ses campagnes contre les pirates barbaresques qui menacent les côtes espagnoles, puis durant la guerre des Alpujarras (1568-1571), où il réprime la révolte des Morisques, des musulmans restés sur le territoire ibère après la Reconquista et soi-disant convertis au catholicisme. Ces premières victoires consolidèrent ainsi la réputation de Don Juan comme brillant stratège.
Lépante, la bataille des géants
L'année 1571 marque le plus grand défi de la vie de Don Juan. En effet, la même année, l’Empire ottoman, en pleine expansion, conquiert l’île de Chypre, ancienne possession vénitienne, ce qui alarme la chrétienté. Pour contrer cette menace, une coalition nommée la Sainte Ligue est formée. Mais qui serait à la hauteur de commander la flotte de l’Occident, forte de 212 navires, face aux 300 galères ottomanes ? Philippe II propose le nom de son jeune demi-frère, Don Juan d’Autriche, qui obtient cette lourde responsabilité. Ainsi, âgé de seulement 24 ans, Juan prouve à l’Europe entière ses talents tactiques en menant à la victoire la flotte chrétienne contre celle d’Ali Pacha à Lépante, le 7 octobre 1571. Cette victoire brise le mythe de l'invincibilité de l’Empire ottoman en Méditerranée et marque le début du déclin de sa puissance maritime puis de ses forces terrestres lors de sa défaite à Vienne en 1683.
Une gloire immense mais éphémère
En sauvant l’Europe, Juan d’Autriche redonne espoir à la chrétienté et devient une figure héroïque acclamée dans tout l’Occident. Il faut dire que notre fringant commandant a tout pour plaire : il est beau, il est jeune et, surtout, il est victorieux. Malheureusement, cette aura glorieuse n’est pas du goût de tout le monde et fait des jaloux, des envieux, en commençant par son propre frère, Philippe II, qui craint que son cadet ne lui fasse de l’ombre. Il n’hésite donc pas à envoyer Juan aux Pays-Bas espagnols comme gouverneur de cette province en proie à des révoltes politiques et religieuses. En effet, la Hollande, alors sous domination espagnole connaît de nombreux troubles, notamment entre protestants et catholiques. Cependant, malgré toute sa bonne volonté et sa grande intelligence, Don Juan ne réussit jamais à résoudre ces épineux problèmes en raison de sa mort soudaine. En effet, à peine âgé d’une trentaine d'années, il est emporté par le typhus le 1er octobre 1578. Conformément à ses dernières volontés, son corps est rapatrié en Espagne pour être enterré à l'Escurial aux côtés de Charles Quint, ce père qu’il n’aura jamais connu.
Le destin de Don Juan d’Autriche fut ainsi celui d’une gloire immense mais fugace. En sauvant la chrétienté d’une islam conquérant, il se hissa parmi les héros de son époque. Mais, à l’instar d’Alexandre le Grand, il fut arraché à la vie trop tôt, avant de sombrer malheureusement dans l’oubli.