Aziliz Le Corre est philosophe de formation et tout son livre garde la profondeur de ses études. En s’appuyant sur la mythologie antique, sur la Bible et sur toute la culture philosophique occidentale, la journaliste montre comment notre époque subit une « inversion des valeurs » et que « tout l’Occident est victime de ce déclin ».
Soumission aux diktats consuméristes
L’auteur commence par analyser tout ce qui, aujourd’hui, freine voire empêche ces naissances. Toutes les dérives ou idéologies postmodernes sont passées au crible et expliquent ce non-désir ou plutôt cette non-volonté d’enfanter : néo-malthusianisme, société de consommation, société narcissique, société instable, néo-féminisme : tout est fait pour dégoûter les couples de devenir parents. Se servant de prétextes dans l’air du temps comme celui de l’écologie, de la lutte anti-patriarcale ou encore au nom du sacro-saint épanouissement personnel, l’homme et la femme ne veulent plus avoir d’enfants, se condamnant ainsi à ne plus être : « Les No Kids nient l’humanité en ne la faisant pas advenir. Mais, pire encore, ils la déconstruisent en désavouant ce qui la fonde : l’altérité homme-femme, la famille comme entité naturelle dans laquelle l’enfant est l’aboutissement de l’amour conjugal. » Elle montre ainsi comment, loin de s’affranchir de « l’injonction hétéronormée » à avoir des enfants, voire d’une « logique culturelle hétéronormative », les femmes et les hommes se soumettent aux nouveaux diktats d’une société consumériste avides d’avoir plutôt que d’être. Poursuivant un tonneau des Danaïdes de désirs matériels, les couples qui se font et se défont trouvent « une manière de revêtir des apparats de la vertu le refus de devenir père ou mère ».
Pourtant, Aziliz Le Corre démontre comment, loin de ne concerner que les individus, ce refus d’enfanter met en danger toute la société : la vie de famille est le premier apprentissage de la vie en communauté, elle enseigne comment construire la « maison commune ». Ainsi, comme le dit l’auteur de ce plaidoyer pour l’enfant : « Anthropologiquement, la cellule familiale est la matrice de notre civilisation. » C’est un serpent qui se mord la queue. S’il n’y a plus de commun, il n’y a plus rien à construire ni rien à transmettre. En effet, quand « le collectif a disparu et [que] des individus errent au gré de la consommation ou de leurs intérêts personnels », comment avoir un enfant, qui exige abnégation, sacrifice, responsabilité et oubli de ce soi ? Et surtout, à quoi bon ? « Que peut-on transmettre en tant que parents à ce nouvel être si nous n’avons plus d’héritage commun ? » Aziliz Le Corre déplore cette société qui ne veut plus jouer le jeu du « bien commun » mais qui, en courant derrière le bien particulier, finit par se nier et se condamner à s’autodétruire. Ainsi, ce livre est celui d’une jeune mère qui cherche à montrer que « la maternité n’est pas une aliénation », qu’être parent, biologiquement, spirituellement ou d’adoption, est à la fois un bien commun, une loi naturelle, un grand bonheur et surtout essentiel à l’humanité.
Ce livre est un plaidoyer vibrant, philosophique et sociologique pour les femmes, pour les hommes, pour les mères, pour les pères et pour ceux qui, enfants aujourd’hui, le seront demain s’« ils ne rest[ent] pas au seuil de leurs existences ».