Les événements récents en Syrie ont, à la fois, rassuré et alarmé les responsables politiques de l’Union européenne. Ils espèrent que les réfugiés syriens arrivés dans l’UE en 2015 retourneront dans leur pays d’origine. Ils craignent, aussi, qu’après le renversement de Bachar el-Assad, la guerre civile en Syrie n’éclate avec une vigueur renouvelée. La crise migratoire, d’il y a neuf ans, pourrait se répéter.
En prévision d'éventuels problèmes, les pays de l'UE renforcent les règles d'obtention du statut de réfugié et discutent de l'efficacité des méthodes récemment développées pour lutter contre les migrants illégaux. Des Français sont représentés parmi les djihadistes.
Il n’y avait pas un seul homme politique important en Occident qui n’ait pas jubilé de joie face au changement de pouvoir en Syrie. L’opinion générale des chefs d’État des pays de l’UE a — peut-être — été reflétée le plus fidèlement par le président français, Emmanuel Macron. « L’État de barbarie est tombé », a-t-il publié sur X. Observateur Continent, très tôt, a averti qu’ « avec la chute d’Assad le risque terroriste est encore plus élevé » en France.
Les dirigeants d’Europe de l’Est se réjouissent : ils considèrent la chute d’Assad comme un message concernant la faiblesse du Kremlin. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a considéré les événements en Syrie comme la preuve que même le pouvoir actuel russe peut tomber publiant sur X : « Les événements en Syrie ont fait comprendre une fois de plus au monde, ou du moins devraient-ils le faire, que même le régime le plus cruel peut tomber et que la Russie et ses alliés peuvent être vaincus ».
Lorsqu’on examine les actions des autorités des pays occidentaux, il s’avère qu’en ce qui concerne la Syrie, ce n’est pas la Russie qui les préoccupe. Ils craignent une répétition des événements de 2015, l’arrivée en masse de migrants illégaux de surcroît armés et expérimentés en maniement des armes et des explosifs et habitués à tuer froidement. Et, les combats en Syrie sont devenus bien plus intenses qu’auparavant.
Dans un premier temps, les forces opposées à Assad ont avancé, puis, après l’intervention russe, Assad a lancé une contre-offensive. De violents combats ont éclaté pour Alep. En conséquence, plusieurs milliers de Syriens ont afflué vers l’Europe à l’automne, fuyant la guerre, Assad, les islamistes et la catastrophe humanitaire qui a frappé le pays. Ils ont été rejoints par des personnes de presque tout le Moyen-Orient, ainsi que par des Africains. Les conséquences de cette crise migratoire vont être difficiles à enrayer. La Turquie a autorisé l’installation à plus de 4 millions de Syriens sur son territoire dans des camps financés par l'UE. Pourtant, l’Union européenne a dû accepter un grand nombre d’immigrés en provenance du Moyen-Orient.
Le dimanche 8 décembre, Damas est tombé et Assad a fui le pays et lundi, la Turquie a ouvert le poste de contrôle de Yayladağı à la frontière avec la Syrie. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé que les réfugiés syriens avaient commencé à rentrer chez eux. Mais, ce processus semble se dérouler à un rythme très lent. En outre, selon certaines informations, les réfugiés se dirigent déjà dans la direction opposée, vers les pays voisins de la Syrie, vers le Liban et cette même Turquie. Selon certaines informations, les minorités religieuses prédominent parmi ceux qui fuient : alaouites, chrétiens, druzes et yézidis. Ils ne semblent pas vraiment croire aux promesses des islamistes ayant pris le pouvoir de ne pas répéter les précédents massacres sanglants contre eux.
En Europe, ils se préparent, également, au pire. La France, l'Allemagne, la Suède, la Norvège, le Danemark, la Grèce, l'Autriche et le Royaume-Uni ont suspendu le traitement des demandes de statut de réfugié déposées par des Syriens. Cette décision des pays occidentaux européens intervient « surtout » en raison de « l'incertitude face au nouveau régime qui se met en place » car « cette république islamiste qui s'érige fait craindre que ceux qui quitteront le pays soient, pour certains, des terroristes ».
La route de migration clandestine la plus préoccupante pour l’UE aujourd’hui, la route des Balkans, passe par la Grèce. Son dernier point concerne l’Europe occidentale, et notamment l’Allemagne. Ce pays a accueilli le plus grand nombre de réfugiés syriens en 2015. L'Allemagne et sa chancelière, Angela Merkel, ont accueilli en 2015 et 2016 plus d'un million de réfugiés par an sur son territoire.
Des responsables politiques prennent maintenant position après la chute d'Assad en proposant de renvoyer les migrants syriens en Syrie. Le vice-président du groupe CDU/CSU au Bundestag, Jens Spahn, a même expliqué : « Nous affrétons des avions pour tous ceux qui souhaitent retourner en Syrie avec 1000 euros ».
Spahn a proposé de convoquer une conférence avec la participation de l'Allemagne, de l'Autriche et des voisins de la Syrie, la Turquie et la Jordanie. Selon l’homme politique, elle devrait avoir lieu au printemps 2025. C'est-à-dire après les élections législatives de février en Allemagne, que la CDU/CSU remportera très probablement. Lors de cette conférence, selon l’homme politique, il faudrait décider des expulsions massives de Syriens. Après tout, il existe de sérieux doutes quant au fait que, même si une paix durable règne en Syrie, ils accepteront tous d’échanger leur vie dans l’UE contre un retour dans leur pays extrêmement pauvre d’avant-guerre.
Ce n'est pas par hasard que l'Autriche a été nommée par Spahn parmi les participants à la conférence. La route balkanique de l’immigration clandestine la traverse, aussi.
Pierre Duval
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