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Jean-Eudes Gannat : « Regardez bien la Syrie, jeunes Français et tenez-vous prêts : son présent est votre avenir »

Ci-dessous un texte de Jean-Eudes Gannat, du mouvement Chouan, au sujet de la situation en Syrie.

C’est pour aller en Syrie que j’ai quitté la France pour la première fois, vendant mon ordinateur d’étudiant en droit médiocre et négociant l’étalement du loyer de décembre 2013 sur l’année 2014 pour pouvoir m’acheter mon billet d’avion. C’était pour l’opération Noël en Syrie, qui devait donner naissance à SOS Chrétiens d’Orient. Il y avait là Damien Rieu (qui mettrait encore longtemps avant de développer son allergie au Hezbollah), Charlotte d’Ornellas, Lounès Darbois, mais aussi des inconnus, pour la plupart militants ou ex militant aux destins divers, dont l’un irait se battre dans le Donbass et un autre prononcerait la Chahada devant des Oduls pour épouser une marocaine. Un condensé hétéroclite comme seule notre mouvance sait en produire.

La banlieue de Damas était alors le théâtre de violents affrontements entre la rébellion syrienne gangrénée d’islamistes et les forces d’El Assad. Élevé dans le mythe des combattants du Liban chrétien je n’avais déjà aucune illusion sur le cynisme du fils d’Haffez, allant jusqu’à barricader ma porte d’hôtel de peur que des services secrets ne nous livrent aux islamistes afin que notre trépanation serve la propagande. C’est fou ce que l’on a d’imagination quand on a 18 ans et que l’on se nettoie le cerveau à l’arak.

Mais quelle que fut la propagande dont nous fûmes l’objet et le prétexte (une escorte armée « fluidifiait » les embouteillages pour nous permettre d’arriver au plus vite sur des plateaux TV où les journalistes s’échinaient à nous faire faire des déclarations d’amour au président), les faits étaient là : Damas était une capitale aussi développée qu’un pays occidental des années 70, on y croisait moins de femmes voilées que dans certains départements français, les services publics fonctionnaient tant bien que mal malgré la guerre, et si l’on exceptait le droit de critiquer le régime, les syriens semblaient jouir, dans leurs vies privées, d’un certain nombre de libertés qui tendent à s’amenuiser chez nous. Mais surtout : la chape de plomb politique du système Assad permettait (forçait?) la cohabitation d’une myriade de communautés qui se seraient entretuées sans lui (et qui l’ont fait de plus en plus intensément à mesure qu’il a perdu du terrain).

J’aime lire des souvenirs de voyage et je me suis promis plusieurs fois de raconter les miens : ce n’est pas le lieu. Ce que je puis dire cependant, c’est que depuis mon humble position d’humanitaire puis de touriste privilégié, j’ai pu voir lors de mes voyages en Syrie à peu près tous les ressorts psychologiques et tous les facteurs qui expliquent la fin de l’Europe depuis 1945 : vassalisation des acteurs aux Russes ou aux Américains, démographie sunnite, corruption, jeu pervers d’Israël, volonté de puissance turc, tribalisme etc.

Ces mêmes raisons qui sont en train de permettre que notre continent soit rayé de l’Histoire des civilisations à horizon de 100 ans si les Européens n’enclenchent pas un nécessaire (et nécessairement sanglant) réveil. Le drame Syrien était un prélude au retour du tragique dans l’Histoire, tant invoqué depuis le début de la guerre en Ukraine. Et si sanglant et corrompu qu’ait pu être le clan Assad, il était un mal nécessaire pour maintenir la fiction baasiste d’une Syrie unie, et Bachar n’est pas plus criminel que ses adversaires, ni qu’aucun des chefs d’Etat qui comptent dans ce bas monde.

Simplement après avoir gagné la guerre en 2016-2017, il était devenu inutile, incapable de gouverner son pays, de le désempêtrer du chaos tribal et des embargos occidentaux, de se refaire aimer de son peuple éprouvé par les millions d’exils et les dizaines de milliers de morts.
D’une certaine manière, s’il y avait un avant poste de l’Occident au Proche-Orient comme nous l’ont rabâché les soutiens hystériques de Netanyahu, c’était la Syrie (que le même Netanyahu aura tout fait pour détruire).

Assad emporte avec lui le rêve du nationalisme arabe et socialiste, clôturant là-bas le XXè siècle dont l’une des inventions et marque de fabrique fut l’idéologie, pour rentrer de plein pied au XXIè qui sera je crois un siècle tribal et religieux.

Voici donc, pour la première fois, les arabes en avance sur nous. L’un de mes frères a fait le tour de la Syrie en stop juste avant la guerre : rien ne présumait la boucherie à venir. Regardez bien la Syrie, jeunes Français et tenez-vous prêts : son présent est votre avenir.

Prières et pensées émues pour tous les gens rencontrés là-bas.

Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.

Photo : DR
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